Abadal, inspiré par Hispano Suiza


Francisco Abadal, vendeur et pilote de course Hispano-Suiza, fonde la firme Abadal en 1912 à Barcelone. Celle-ci fabrique des modèles de luxe inspirés des Hispano-Suiza jusqu’en 1923. Après sa cessation, Francisco Abadal devient un agent du groupe General Motors en Espagne, ce qui donne naissance à l’Abadal-Buick. Les plans du constructeur américain concernant un prototype appelé Abadal Continental sont abandonnés en 1930, mettant fin au nom Abadal.


Les débuts de la marque Abadal


Francisco Abadal est un entrepreneur catalan qui s’intéresse à l’automobile dès le début du XXème siècle. Ancien coureur cycliste, pilote de compétition et membre du conseil d’administration de la marque automobile Hispano-Suiza, il obtient entre 1904 et 1912 de cette dernière une concession à Barcelone et il semble que ce soit lui qui présente une Hispano-Suiza au roi Alphonse XIII, ce qui a pour conséquence la création de relations étroites entre le roi et la marque automobile de luxe. Mais, comme d’autres entrepreneurs de cette époque, Francisco Abadal aimerait produire et commercialiser une voiture qui porte son nom. Mais sans avoir la possibilité d’investir dans une telle aventure, il tente de convaincre Hispano-Suiza qui refuse sa proposition et l’évince sur-le-champ.

Francisco Abadal (au volant) montre le nouveau 6 cylindres Hispano-Suiza à Alphonse XIII, assis à côté de lui. Source : https://fr.escuderia.com

Francisco Abadal offre alors ses services au constructeur belge Imperia qui voit l’opportunité de saisir un nouveau marché à l’exportation, avec en outre la possibilité de produire une voiture de luxe capable de rivaliser avec les Hispano-Suiza. C’est en 1912 qu’Imperia installe une unité de production dans les ateliers d’Abadal de Barcelone, fournissant moteurs et châssis. Les premières voitures Abadal sont produites durant l’été 1913, avant une présentation officielle de la marque au Salon de Paris d’octobre 1913.

Publicité Omnia, mai 1914. Les Imperia-Abadal sont produites de 1913 à 1923 à 190 exemplaires au total.

Le catalogue d’Abadal propose le modèle Type 45, une voiture de luxe rapide s’inspirant des Hispano-Suiza, équipée d’un six cylindres de 4,5 litres. Ce modèle est rapidement suivi du modèle Type 15/30 avec un moteur quatre cylindres de 3 litres. Les premières voitures Abadal souffrent malheureusement de problèmes de finition qui ne sont pas pardonnés par la clientèle visée par la marque. Les problèmes sont tels qu’Imperia décide de rapatrier la production des Abadal en Belgique quelques mois seulement après le lancement de la marque espagnole.

Désormais commercialisées sous la marque Imperia-Abadal, les voitures doivent montrer patte blanche auprès de la clientèle, et si les ventes se développent, elles demeurent en dessous de celles d’Hispano-Suiza. Puis arrive la Première Guerre mondiale qui met fin à la production des Abadal en Belgique. On estime à moins d’une centaine le nombre de voitures portant le logo Abadal ou Imperia-Abadal produites avant le déclenchement du conflit. L'un des éléments les plus caractéristiques de l'Abadal est son radiateur pointu aérodynamique qui augmente la surface de refroidissement.


Relance après la Première Guerre mondiale


La carrière des Imperia-Abadal reprend en 1919, avec une 3 litres et une 3,6 litres qui ressemblent à une Hispano-Suiza agrémentée d’un élégant radiateur en coupe-vent, mais ces voitures souffrent de la concurrence des marques de luxe dont la réputation est déjà bien établie. C’est la raison pour laquelle le projet de lancer une luxueuse huit cylindres de 5,6 litres est vite abandonné. En 1923, après 190 unités produites depuis la reprise de la ligne d’assemblage belge, Imperia décide de jeter l’éponge pour se concentrer sur des voitures plus populaires.

Depuis 1916, Francesco Abadal s’est associé avec la marque américaine Buick, intégrée à la General Motors, dont les ventes augmentent lentement mais sûrement en Europe et qui cherche des partenaires européens pour se renforcer sur le continent. Devenu représentant exclusif de General Motors en Espagne, Abadal bénéficie de la banque d’organes du constructeur américain, grâce à laquelle il assemble à partir de 1918 une nouvelle voiture commercialisée sous le nom d'Abadal-Buick. Elle est dotée d’un moteur Buick et carrossée en limousine ou en torpédo sport.

Salon de Barcelone, 1922. Francisco Abadal se rapproche de la marque Buick durant la guerre de 1914/1918, puisque contrairement à la Belgique qui souffre beaucoup pendant cette période, l’Espagne et les Etats-Unis sont alors absolument à l’abri des dégâts causés par la Grande Guerre.

Pour ce faire, il a allongé les châssis, en changeant les radiateurs d'origine pour d'autres plus profilés, avec une partie avant de type coupe-vent, en redessinant les capots et en changeant les phares pour de plus petits éléments. Les roues classiques à rayons en bois de chêne sont remplacées par d'autres métalliques. Abadal a même transformé les ressorts à lames pour offrir une meilleure stabilité et une suspension douce au véhicule. Les moteurs sont peaufinés, comme il l'avait fait auparavant avec certaines Hispano-Suiza. Les boîtes de vitesses ont des rapports de pont différents.

Au final, les voitures sont très différentes des Buick d’origine. Les performances sont également bien meilleures, la vitesse de croisière atteignant 100 km/h et la vitesse maximale près de 140 km/h, en accord avec la réputation de la marque espagnole. La voiture gagne des premières places dans des courses de montagne, comme la montée de la Cuesta de las Perdices, dans les environs de Madrid, Cuesta de la Reina à Malaga et Cuesta del Ordal, près de la capitale catalane.

C’est sur le site de Barcelone que Francesco Abadal entreprend la fabrication de ses voitures. Presque simultanément avec la réincorporation de la construction automobile en Espagne, Francesco Abadal décide d'y installer des ateliers de fabrication de carrosseries et l'un de ses premiers succès est la demande faite par la Maison Royale espagnole afin de carrosser six châssis de tourisme Hispano-Suiza, pour l'usage personnel du monarque et ses services du palais. Précisons que le roi Alphonse XIII régnera sur l’Espagne jusqu’en 1931, date de la proclamation de la Seconde République espagnole.


Les dernières années


En 1929, le krach boursier et la crise économique qui s’en suit fait que Buick se replie sur le marché américain, et après 500 Abadal-Buick écoulées, Francisco Abadal se retrouve à nouveau seul et son entreprise menacée de disparition. L’espagnol tente malgré tout de relancer son activité en reprenant à son compte en 1930 une étude de berline à moteur six cylindres Continental de 3,5 litres développée par Hupmobile pour le marché européen.

Seulement quelques exemplaires de la berline à moteur Continental ressemblant à une Plymouth ou à une De Soto de cette époque sont effectivement assemblés, car la voiture ne trouve pas sa clientèle.

Abadal est alors contraint de stopper définitivement son activité automobile. Francisco Abadal décède 16 décembre 1939 à l’âge de 64 ans, alors que la République espagnole venait d’être confisquée par le général Franco.

Texte : Jean-Michel Prillieux
Reproduction interdite, merci.

Voir aussi : http://leroux.andre.free.fr/alrimperia.htm

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