Bristol
Bristol, marque quasiment inconnue en France, s'est spécialisée depuis plus de soixante ans dans la production à petite échelle de voitures de prestige. Le luxe et la qualité de fabrication ont toujours été au niveau de la référence dans la catégorie : Rolls Royce. Mais la clientèle ciblée se veut ici plus discrète. Si ce n'est quelques coups d'éclat (Bristol 404 et 405 d'usine, 406 Zagato), la marque s'est en effet toujours cantonnée dans la production de carrosseries sages, voir austères. Cette sobriété de style, conjuguée à un niveau de prix élevé, confinèrent de tout temps Bristol dans des volumes de production peu importants. Mais cela n'a jamais été la préoccupation majeure de la marque, peu au faîte des contraintes modernes du marché. De nos jours, après des périodes de semi comas, Bristol semble renaître. Mais avant d'aller plus loin, petit retour en ... 1910. Bristol avant de s'attaquer à la construction automobile était avant tout réputé pour ses compétences dans le domaine de l'aéronautique. La " Bristol and Colonial Aeroplane Company " fut créée en 1910, aux premières heures de l'aviation. Son fondateur, Sir George White, implantait une usine d'aéroplane à Filton, dans la banlieue de ... Bristol. La firme était rebaptisée Bristol Aeroplane Company en 1920.
Sir George White Elle fut rendue célèbre par ses bombardiers durant la seconde guerre mondiale. Pour faire face à l'afflux des commandes militaires, l'usine de Filton dut s'agrandir, afin de produire les fameux avions de combat Blenheim, Beaufighter et Beaufort. Environ 14 000 avions furent fabriqués entre 1939 et 1945.
Bristol Blenheim A l'image du suédois Saab ou du britannique Armstrong Siddeley, Bristol se diversifia au lendemain de la seconde guerre mondiale pour contrer la chute des commandes militaires. La firme employait alors un nombre important d'ingénieurs et d'ouvriers (l'entreprise comptait 6000 salariés en 1939, et jusqu'à 32 000 en 1945), qu'elle s'efforça d'affecter partiellement dans sa nouvelle division automobile. L'initiateur de cette diversification était le Colonel Aldington, qui commandait aux destinées du constructeur Frazer Nash avant guerre. Les Frazer Nash étaient fabriquées sous licence BMW. Le Colonel Aldington était aussi membre du directoire de la Bristol Aeroplane Company depuis 1940. C'est donc naturellement vers la firme bavaroise que se dirigèrent les techniciens de Bristol, qui purent acquérir les plans des dernières BMW d'avant guerre au titre des dommages de guerre. La Bristol Car Division voyait le jour en 1945. Immédiatement, ses ingénieurs étudièrent les différents éléments ramenés d'Allemagne, et envisagèrent la production du futur modèle en se basant sur des normes de qualité draconiennes. Les meilleurs alliages devaient être utilisés. C'est ainsi que la première Bristol fut conçue avec les mêmes exigences que s'il s'agissait d'un avion. Bristol 400 (1946-50) La première automobile Bristol, la 400, fut présentée au salon de Genève 1947. Il s'agissait d'une voiture directement dérivée des BMW d'avant guerre. Elle utilisait un châssis similaire à celui de la 326, et une carrosserie s'inspirant de la 327. Le moteur était une évolution du deux litres six cylindres de la 328 Sport, la BMW qui remporta en 1940 la célèbre course des Mille Miles (avec une carrosserie Touring).
Bristol 400 La 400 était plutôt lourde d'aspect, d'allure pataude et maladroite. Elle paraissait déjà démodée avec sa surface vitrée réduite au minimum et ses lignes " d'avant guerre". Son moteur 6 cylindres avait une cylindrée de 1971 cm3. Les techniciens Bristol réussirent à en tirer 85 ch dans sa version la plus puissante. Toutefois, sa construction était soignée. Elle utilisait les meilleurs matériaux du marché. Son prix s'en ressentait, mais Bristol avait des ambitions mesurées en terme de volume de vente. L'objectif de la marque était de produire quelques véhicules avec sérieux, pour une clientèle aisée. Cette première voiture fut fabriquée à 700 exemplaires entre mars 1947 et fin 1949, toutes en coach deux portes, à l'exception d'un unique cabriolet.
Bristol 400 Extraits de la garantie et des conditions de vente issus d'un catalogue publicitaire d'époque : " La compagnie de construction aéronautique Bristol garantit que toutes les précautions qui sont normales et raisonnables ont été prises pour assurer une excellente main d'oeuvre, et que les meilleurs matériaux ont été employés. Cette garantie n'est applicable qu'aux voitures neuves ou aux châssis et n'est valable que pour une durée de 6 mois, à dater du jour de la livraison. Cette garanti cesse immédiatement si la voiture n'est plus la propriété, n'est plus en possession et n'est plus contrôlée par l'acheteur, si la voiture a servi à remorquer, si la voiture a pris part à des courses sur routes, sur pistes, en montagne, sur plaines et collines ou n'importe quelle compétition. Le vendeur se réserve le droit de changer le prix, et en cas de changement, le prix payable sera celui qui aura cours à la date de la livraison. L'acheteur ne pourra pas vendre, donner ou louer le véhicule durant une période de douze mois sans avoir le consentement écrit de la British Motor Trade Association. " Bristol 401 (1948-53) A partir du modèle 401 de 1949, la carrosserie était construite selon la méthode Supperleggera imaginée par Touring. Ce procédé fut déposé en 1937. Il définissait un mode de construction qui consistait à mettre en forme la tôle d'aluminium sur un modèle en menuiserie, et à adapter les panneaux ainsi formés sur un treillis tubulaire. Ce procédé apportait à l'époque un gain de poids non négligeable, tout en permettant de conserver une très bonne rigidité. Il fut repris par de nombreuses autres marques de prestige : Alfa Romeo, Maserati, Pegaso, Aston Martin ... Cette acquisition du savoir faire de Touring était le fruit d'une importance collaboration entre la famille Bianchi Anderloni, propriétaire de Touring, et les dirigeants de Bristol.
Bristol 401 On retrouvait de nombreuses similitudes de style entre l'Alfa Romeo 6C 2500 et la Bristol 401 : ailes semi intégrées, long capot moteur, pare brise en deux parties, calandre proéminente, projecteurs ronds, arrière fast back, etc ... Le dessin de la 401 était plus moderne, plus élégant, plus aérodynamique que celui de la 400. Les galbes étaient plus harmonieux, les phares mieux intégrés, les pare-chocs carénés. Bristol n'avait pas hésité à tester la 401 dans une soufflerie nouvellement construite pour ses avions. La marque ne reniait pas pour autant les origines BMW de la 401. En effet, les doubles haricots verticaux habillaient toujours la calandre. Le moteur gagnait 5 ch en puissance par rapport à la 400. L'accord passé entre BMW et Bristol permettait à ce dernier de fournir d'autres petits constructeurs en moteurs. AC, Frazer Nash et de nombreux autres fabricants en profitèrent. De 1949 à 1953, la firme de Filton livrait 650 coupés 401.
Bristol 401 Extrait d'un dépliant publicitaire : " Cela fait un peu plus de quatre ans que la Bristol Aeroplane Company Limited s'est lancée dans la fabrication des voitures de luxe à hautes performances ... Les caractéristiques des lignes de la Bristol ont été améliorées par l'influence du style continental qui donne à la voiture une allure et une dignité remarquables ... De nombreux raffinements ont été incorporés pour le confort et la protection : les poignées de portes qui représentent un danger pour les vêtements ont été remplacées par des boutons poussoirs ... " Reportage de Jean Row et Willy Rizzo, Paris Match, août 1952 " A l'hôtel Beau Rivage, à Lausanne, Hussein vit la vie d'un collégien en vacances, facile à contenter. Il prend ses déjeuners dans la salle à manger commune et le soir se couche de bonne heure après avoir dîné avec sa mère, l'épouse du roi Talal. Sa principale distraction est de conduire sa Bristol rouge vif. Il est excellent chauffeur ". Bristol 402 (1949-50) Le cabriolet 402, " drophead coupé " dans la terminologie britannique fut commercialisé en parallèle au coach 401 à partir de 1949. Pinin Farina se chargea de concevoir la transformation, mais c'est Bristol qui en assurait la production dans ses usines. La capote en toile était totalement cachée en version ouverte, ce qui pour l'époque constituait un exploit technique. Cette Bristol demeura très exclusive. En effet, faute de commande, elle disparaissait de la gamme en 1950 après avoir été produite à 24 exemplaires en douze mois.
Bristol 403 (1953-55) La 403 succédait à la 401 en juin 1953. Les ventes de la 401 s'étant maintenue à un niveau satisfaisant pour Bristol, il était hors de question de tout bouleverser avec la nouvelle venue. En apparence, la voiture était la même. Cependant, les progrès réalisés dans la motorisation, la transmission, le freinage, les suspension, justifiaient cette nouvelle appellation. La puissance du moteur atteignait désormais 100 ch contre 85 sur la 401. Trois cent acheteurs passèrent commande d'une Bristol 403 entre 1953 et 1955.
Bristol 403 André Costa écrivait dans l'Auto Journal du 1er octobre 2003 en conclusion d'un banc d'essai routier : " Le plus gros reproche que l'on puisse faire à la Bristol 403 est sans doute son prix extrêmement élevé qui la met absolument hors de portée de l'automobiliste moyen. Il faut néanmoins reconnaître que cette marque anglaise livre une voiture exécutée avec un soin qui laisse rêveur ... On retrouve en fait dans le moindre détail la technique aviation qui ne laisse rien au hasard ". Bristol 404 (1953-55) La Bristol 404 marquait une rupture avec les 400, 401, 402 et 403. Après avoir assis sa réputation grâce à des voitures plutôt bourgeoises, la firme souhaitait conquérir une nouvelle clientèle plus sportive. L'empattement de la 404 était raccourci. Elle ne disposait plus que de deux places. Son style était plus élancé, plus élégant, plus moderne que celui de la 403. Elle abandonnait définitivement les haricots de calandre hérités de l'époque BMW. Sa prise d'air avant s'inspirait de celle des avions de ligne Bristol Brabazon. Les petits ailerons arrière avaient des ambitions aérodynamiques !
Bristol 404 La mécanique avait toutefois du mal à suivre, puisque l'acheteur devait se contenter de deux motorisations, l'une de 105 ch, l'autre de 125 ch. Cela permettait tout de même aux hommes d'affaires pressés d'atteindre les 175 km/h en vitesse de pointe. Présentée au salon de Londres 1953, la 404 était inscrite au catalogue parallèlement aux bourgeoises 403 puis 405. Mais ses chiffres de vente demeurèrent confidentiels (40 exemplaires), tant il paraissait difficile d'imposer une Bristol à deux places. Extraits d'un catalogue publicitaire : " Un coupé non décapotable à deux places, à lignes aérodynamiques développées, le modèle 404 est conçu exclusivement pour répondre aux besoins de l'acquéreur qui désire une automobile plus petite, et à performance plus grande que le modèle 405 à quatre portes et légèrement plus lourd ... La surface de la route est visible à très peu de distance à l'avant du pare-chocs. Pour permette de prendre des passagers de plus de temps à autre, une tapisserie auxiliaire est prévue dans le compartiment arrière ... Cette automobile prend des virages d'une façon que l'on associe habituellement aux voitures de course et c'est cette qualité qui permet à la 404 d'être conduite tout à fait normalement et en parfaite sécurité à des vitesses considérablement plus élevées que celles de l'automobile rapide moyenne. " Bristol 405 (1954-58) La 405 succédait à la 403 lors du salon de Londres 1954. A ce jour, il s'agit de la seule berline quatre portes que Bristol ai jamais proposé. Son style était en rupture totale avec celui de la 403, mais aussi avec celui de la production mondiale de l'époque, plus habituée à proposer des carrosseries perpendiculaires à trois volumes. Sa face avant était la même que celle du coupé 404.
Bristol 405 La firme de Filton avait de nouveau mis à profit ses installations de soufflerie. Sa nouvelle berline était en effet dotée d'un profil particulièrement aérodynamique, qui contribuait à compenser la faible puissance du moteur par rapport à une concurrence de plus en plus active. L'habitacle de la 404 était spacieux et sa surface vitrée particulièrement importante. Elle comportait douze panneaux indépendants, quatre de chaque côté, trois à l'arrière et le pare-brise. Autant que la Citroën SM, mais avec 35 ans d'avance ! La 405 était la première Bristol à utiliser le principe des trappes latérales amovibles, situées dans les ailes avant, qui permettaient d'accéder à la roue de secours d'un côté, à la batterie et à la plupart des composants électriques de l'autre. Cette particularité constitue depuis un signe distinctif propre à la marque, et perdure de nos jours.
Bristol 405 Extraits d'un catalogue publicitaire : " Une voiture de ville d'élégance raffinée, le modèle 405 Saloon est aussi une automobile très rapide en mesure de couvrir de longues distances en un temps étonnamment court, tout en assurant un degré suprême de confort au chauffeur et aux passagers. La surmultiplication permet de maintenir sans effort une vitesse de croisière élevée pour un nombre réduit de tours du moteurs, et cela allié à l'absence de mugissement du vent due aux lignes aérodynamiques nettes de la carrosserie, donne une expérience entièrement nouvelle d'un automobilisme silencieux à de grandes vitesses " En aviation la recherche de la perfection est plus poussée que dans n'importe quelle autre forme de mécanique, il est donc naturel que les voitures construites par Bristol Cars Limited, filiale de Bristol Aeroplane Company Limited, représentent les normes les plus élevées pratiquées à l'heure actuelle. Tout dans ces voitures rappelle la conception aéronautique, le dessin de base, la qualité des matières, la perfection du travail et de la vérification, les caractéristiques de tenue de route et la combinaison d'un rendement élevé avec une grande facilité de manoeuvre ". Il fut produit 294 exemplaires de la berline 405 entre 1954 et 1958. Une version cabriolet (Drophead Coupé) fut fabriquée à 46 exemplaires dans les ateliers du carrossier Abbott de Farnham.
Bristol 405 Drophead Coupé En 1956, la Bristol Aeroplane Company était divisée en trois sociétés distinctes : Bristol Aircraft, Bristol Engines et Bristol Cars. Bristol 406 (1958-61) La suite numérique demeura longtemps la référence pour désigner les Bristol. C'est donc naturellement la 406 qui succédait à la 405 à partir du salon de Londres en 1958. Bristol renonçait à concevoir une gamme à tendance sportive. Adieu à l'agile 404, adieu à la berline 405 aux formes élancées. La 406 s'embourgeoisait de nouveau, et retrouvait une carrosserie de type coach. Celle ci fut élaborée avec la collaboration du carrossier suisse Beutler. Les lignes étaient nettes et anguleuses, mais sans réel charme. La 406 était un modèle de transition dans l'histoire de la marque. D'un côté, c'était la dernière Bristol à utiliser la mécanique d'origine BMW arrivée à bout de développement, de l'autre, elle annonçait ce qu'allaient être les Bristol jusqu'à la 411 des années 70.
Bristol 406 La moteur voyait sa cylindrée portée à 2216 cm3. Mais la puissance ne dépassait guère 107 ch. Il était difficile de contrer les Jaguar moins onéreuses, ou les performantes Aston Martin avec de tels arguments. Le modèle " de série " fut produit à 292 exemplaires.
A la fin des années 50, la réputation de la carrosserie italienne Zagato était déjà bien établie ; elle était à l'automobile ce que Dior ou Chanel symbolisaient dans la haute couture. Après une présentation au salon de Londres en 1959 sur le stand Zagato, l'artisan italien fabriqua jusqu'en 1960 six voitures sur le châssis standard de 290 cm. Cette version très coûteuse était allégée de 250 kg par rapport au modèle " de série " construit par Bristol. La puissance du moteur atteignait sur ces voitures 130 ch.
Bristol 406 par Zagato C'est Anthony Crook, en sa qualité de dirigeant de la Crook Motors of Hersham, qui passa commande auprès de Zagato de ces 406 très spéciales. Le contrat n'unissait pas directement l'usine Bristol et Zagato. Précisons qu'une autre voiture fut produite en un seul exemplaire par Zagato, sur un châssis court de 260 cm. Deux autres carrosseries spéciales sur base 406, l'une sur châssis long, l'autre sur châssis court, furent elles proposées directement par l'usine. Les établissements Beutler, installés en Suisse, réalisèrent en 1957 un exemplaire unique sur la base d'une Bristol 406. Cet artisan avait déjà été l'auteur de trois carrosseries originales sur châssis 401. L'entreprise dirigée par les frères Fritz et Ernst Beutler avait été crée en 1945. Elle avait pour vocation d'habiller des châssis existants. En effet, outre Bristol, Beutler oeuvra aussi sur des bases Jowett, MG, Porsche, Volkswagen, etc ... L'entreprise fut mise en liquidation en 1987.
La 406 carrossée par Beutler débarque d'un avion de transport de type Bristol Freighter. Elle est destinée à être exposée au salon de Londres 1957. De nouvelles orientations Bristol étudiait en cette fin des années 50 une solution " maison " pour remplacer le moteur d'origine BMW. Les difficultés économiques de l'entreprise dans l'aviation civile à cette période eurent pour conséquence l'abandon de ce projet. Il fut alors envisagé d'acheter à l'extérieur le moteur de la prochaine Bristol. L'adoption de quatre freins à disques Dunlop et de nouvelles suspensions arrière laissaient par ailleurs espérer que le châssis serait à même de supporter des mécaniques plus puissantes. L'ère des V8 Chrysler allait s'ouvrir avec la future Bristol 407. En 1961, Bristol Aircraft fusionnait avec Vickers et English Electric afin de constituer la British Aircraft Corporation. Cette même année, le petit fils du fondateur, Sir George White (du même nom que son grand père), et le pilote de course Antony Crook, devenaient les propriétaires de la Bristol Cars. La production des voitures continuait dans les usines d'aviation du début du siècle, mais le constructeur automobile était désormais indépendant de Bristol Aircraft. Les Bristol en France Grand spécialiste des BMW dès l'après guerre, c'est assez naturellement que André Chardonnet s'intéressa aux Bristol. Il en devenait l'importateur officiel au cours des années 50. Les premiers contacts furent rudes entre la firme britannique et le petit garagiste de banlieue (Pantin) qu'était à ses débuts Chardonnet. Au yeux de la prestigieuse marque, Chardonnet n'était pas digne de représenter Bristol en France. Le constructeur de Filton tenta donc une diffusion dans notre pays pendant quelques mois par l'intermédiaire de l'importateur Dodge, sous l'enseigne de la société Roblou, qui disposait d'un magasin d'exposition sur les Champs Elysées à Paris. Mais cette entreprise ne fit aucun effort sérieux pour vendre des Bristol, et les dirigeants britanniques reprenaient rapidement contact avec André Chardonnet. Bristol souhaitait absolument disposer d'une adresse prestigieuse à Paris. Chardonnet fit donc l'acquisition d'une boutique au 48 de l'Avenue Kleber, et y installa son show room. Un petit réseau de trois concessionnaires (Bordeaux, Marseille, Lille) complétait le dispositif parisien. Chardonnet avait pour premier objectif de convaincre quelques personnalités de l'intérêt d'acquérir une de ses voitures de luxe. Il avait le sentiment que le bouche à oreille pourrait ainsi fonctionner pour accroître la notoriété de Bristol. Parmi ses premiers clients, on notait quelques membres de la famille Rothschild, mais aussi Georges Pompidou, alors fondé de pouvoir de la banque du même nom ! Le garagiste de Pantin parvenait ainsi à vendre quelques 300 voitures jusqu'à la fin des années 60. L'histoire moderne de Chardonnet est plus connue. Il devenait au cours des années 60 l'importateur des Neckar, puis plus tard des marques Autobianchi, Lancia, FSO Polski, Zastava, Aro, Maserati, Maruti ... André Chardonnet est décédé le 20 août 2005. Bristol 407 (1961/63) La 407 marquait un virage important dans l'histoire du constructeur automobile Bristol. En effet, à l'image des Facel Vega françaises, elle adoptait une mécanique d'origine Chrysler. Ce recours aux grosses cavaleries US, à défaut d'être particulièrement prestigieux, présentait l'avantage d'économiser l'étude longue et forcément coûteuse d'une nouveau moteur, qu'il eu été difficile d'amortir au regard des faibles volumes de production. Outre la vente de Bristol, Antony Crook, propriétaire de Bristol, assurait l'importation des marques Abarth et Simca. L'éternel troisième constructeur américain venait depuis peu de prendre part au capital de la firme de Poissy. A l'occasion d'une réunion avec les responsables américains de Chrysler, Crook leur fit part de son souhait de monter une boîte automatique sur celle qui devait succéder à la 406. Ses interlocuteurs lui firent parvenir à titre de test une boîte Chrysler Torqueflite, par bonheur accolée à son V8. Les essais furent si concluant que Crook sollicita Chrysler qui devint son unique fournisseur. Cette belle aventure dure depuis plus de 50 ans. Bristol 407 L'ancien moteur d'origine BMW faisait donc place à un V8 Chrysler de 5130 cm3 développant une puissance de 250 ch SAE. La mécanique Chrysler provenait du Canada, pays membre de Commonwealth. Cela permettait à la marque anglaise de contourner les taxes élevées et les réglementations complexes sur les produits importés des USA. La 407 atteignait la plus haute vitesse jamais atteinte par une voiture de tourisme de la marque (195 km/h), malgré son poids élevé de 1650 kg. Elle était enfin en mesure de se mesurer à ses contemporaines telles que Bentley, Jaguar ou Aston Martin. Esthétiquement, l'évolution était insignifiante entre la 406 et la 407, et se limitait à quelques points de détail (dessin du capot moteur, grille de calandre, baguette chromée sur le flanc ...). Zagato exposait une Bristol 407 au salon de Londres en octobre 1961, au côté de l'Aston Martin DB 4 GT. Bien dans l'esprit des productions du carrossier italien, elle se caractérisait par une étude aérodynamique poussée, et une recherche de légèreté accrue. Ce modèle demeura unique, l'étude ne débouchant sur aucune production en petite série. Comme pour la 406 Zagato de 1959, la naissance de cette voiture était due à l'initiative privée d'Anthony Crook, dans le cadre des activités de sa société Anthony Crook Motors Ltd. Bristol 407 par Zagato Bristol 408 (1963/65) Au début des années 60, la cadence de renouvellement des modèles ne faiblissait pas. La production demeurait très artisanale, et visait toujours une clientèle à la recherche d'un produit exclusif. La 408 fut dévoilée au salon de Londres 1963. La principale évolution technique de la 408 portait sur l'adoption de nouveaux amortisseurs. Le refroidissement était amélioré. Esthétiquement, les lignes de la face avant et du toit devenaient plus rectilignes. La calandre inspirée des prises d'air d'avions disparaissait. Cette modification était d'ailleurs symbolique de la séparation des activités automobile et aéronautique depuis 1961. La production s'éleva à environ 300 exemplaires de 1963 à 1965. Bristol 408 La 408 rentrait en France dans la catégorie fiscale des 30 CV fiscaux avec son V8 Chrysler de 5130 cm3 et 253 ch SAE. En 1965, elle était affichée à 47 000 Francs. A titre de comparaison, une Rolls Royce Silver Cloud valait 108 700 Francs. Il fallait compter 79 000 francs pour une Aston Martin DB 5 et 31 000 francs pour une Jaguar Mk 2. Bristol 409 (1965/67)
Bristol 409 Entre la 408 et la 409, le style de la voiture demeurait inchangé. Les principales modifications étaient d'ordre mécanique. La cylindrée était portée à 5211 cm3, et la puissance atteignait désormais 254 ch SAE, pour une vitesse de pointe de 209 km/h. Le moteur était monté plus en arrière dans le châssis afin d'améliorer la répartition des masses, la transmission automatique était perfectionnée, les suspensions assouplies ... La direction assistée devenait disponible à partir de 1966. Le niveau de production demeura régulier avec environ 300 modèles fabriqués de 1965 à 1967. Bristol 410 (1967/69)
Bristol 410 Le changement dans la continuité ... L'esthétique générale évoluait peu, si ce n'est la décoration avec les doubles joncs latéraux et de nouveaux enjoliveurs de roues. Les principales améliorations concernaient l'équipement, avec notamment l'air conditionné disponible en option, ainsi que le sélecteur de la boîte automatique enfin positionné au plancher (et non plus sous forme de boutons poussoirs). D'un point de vue mécanique, le système de freinage et les suspensions étaient une fois de plus améliorés. La production de la 410 ne dépassa pas une centaine d'exemplaires. La marque préservait ses particularités, et bénéficiait de la fidélité d'une clientèle sensible à son haut degré de sophistication, à mi chemin entre les très sportives Aston Martin et les très aristocratiques Rolls Royce et Bentley Bristol 411 S1 et S2 (1969/72) Bristol 411 S1 La 411 allait demeurer en production de 1969 à 1976. Elle fut toutefois déclinée en cinq versions successives, de la S1 à la S5. Le châssis, bien qu'ayant évolué dans le temps, était toujours hérité des modèles BMW d'avant guerre. D'un point de vue mécanique, le changement était particulièrement sensible, par le choix d'un nouveau V8 Chrysler plus puissant de 6277 cm3 et 335 ch SAE. La 411 atteignait désormais 222 km/h, soit un gain en vitesse de pointe de plus de 70 km/h depuis les premières 400, de quoi supporter enfin la comparaison avec d'autres GT contemporaines. Ce moteur était aussi monté sur la Jensen Interceptor, une concurrente directe de Bristol sur ce marché restreint des coupés de grand tourisme. Esthétiquement, par rapport à la 410, la 411 S1 adoptait des enjoliveurs chromés plus discrets, l'un sur l'aile avant de la calandre à la porte, l'autre sur l'aile arrière. Le coffre à bagages redessiné gagnait en volume et en sobriété. La S2 commercialisée fin 1970 bénéficiait d'une nouvelle suspension arrière. La climatisation était proposée en option. Les poignées de portes étaient mieux intégrées.
Bristol 411 S1 Bristol 411 S3, S4 et S5 (1972/76) La S3 de 1972 se caractérisait par une face avant entièrement redessinée. Celle ci se voyait dotée de quatre puissants projecteurs montés horizontalement de chaque côté d'une grille d'une extrême banalité, façon grille de barbecue. L'enjoliveur latéral chromé de l'aile avant avait disparu au profit d'un filet de peinture, et celui de l'arrière se faisait extrêmement discret. La S4 de 1973 était équipée d'une évolution du V8 Chrysler dont la cylindrée atteignait 6556 cm 3. Cette nouvelle version permettait à Bristol de répondre aux nouvelles exigences européennes de normes antipollution . Le dessin arrière de l'auto était de nouveau réactualisé. La S5 fit une brève apparition sur la marché en mai 1975 avant que la production de la 411 ne cesse en 1976. Elle se reconnaissait à sa grille de calandre noir mat, qui adoptait un nouvel emblème de forme verticale en remplacement de la simple plaque " Bristol ". Bristol 411 S4 La production toutes versions confondues de la 411 fut de 600 exemplaires, soit une moyenne annuelle inférieure à 100 voitures. On constatait dès cette époque une baisse sensible du niveau de production par rapport à la période plus florissante des années 50 et 60. En 1973, Sir Georges White, l'un des deux actionnaires, blessé dans un accident de la route, abandonnait l'aventure, et cédait ses parts à Anthony Crook. Seul maître à bord, celui ci tentait de diversifier l'offre, en introduisant un nouveau modèle dessiné dans un style très anguleux par Zagato, la 412. La 411 trouvait pour sa part une digne succession par le biais de la 603, aux lignes plus contemporaines. Bristol 603 E, S, S2 (1976/82) Bristol 603 La 603 succédait à la 411 à partir de septembre 1976. Le style de la nouvelle venue était sensiblement plus moderne, mais tout à fait adapté pour ne pas heurter la clientèle très traditionnelle de Bristol. L'Auto Journal parlait à l'époque d'une esthétique désespérante, toute faite de rondeurs, de lignes contrariées et maladroites. Pour Serge Bellu, il n'émanait de cette carrosserie aucune élégance. Bristol 603 Les ingénieurs étaient partis d'une feuille vierge pour concevoir la 603, tout en conservant les qualités de sécurité, de silence, de soin apporté à la construction qui avaient fait la réputation de la série 400. Deux motorisations étaient proposées, toujours d'origine Chrysler : un V8 de 5211 cm3 et 147 ch Din sur la 603 E, et un V8 de 5898 cm3 et 172 ch Din sur la 603 S plus " sportive ". Quelques modifications justifièrent l'appellation 603 S2 à partir de novembre 1977. Le " petit " moteur de 147 ch était abandonné sur cette seconde série. Au fait, pourquoi 603 et non pas 413, dénomination tout à fait logique si l'on avait suivi la suite numérique qui prévalait depuis les débuts de la marque ? En fait, 1976 était l'année de 603 ème anniversaire de la reconnaissance du statut de la ville de Bristol par le roi Edward III en 1373. CQFD. La voiture coûtait en 1978 la somme de 30 000 livres, soit 3 000 livres de plus qu'une Rolls Royce Silver Shadow. La production totale de la 603 fut d'environ 70 voitures jusqu'en 1982.
Bristol 603 Bristol Britannia, Brigand (1982/94) A partir de 1982, les 603 E et S furent remplacées respectivement par les Britannia et Brigand. Le nom Britannia évoquait l'avion de ligne Bristol mis en service à partir de 1957 sur la ligne Londres New York. Il correspondait alors à la version sage de la nouvelle gamme Bristol. Le Brigand était un ancien avion d'assaut Bristol ; très logiquement, ce fut la version musclée équipée d'un turbocompresseur mis au point par les ingénieurs de la marque qui adopta ce nom. Bristol souhaitait par ces nouvelles dénominations remettre en avant son riche patrimoine aéronautique.
Bristol Britannia D'un point de vue esthétique, sur les deux modèles, les projecteurs ronds étaient abandonnés au profit de feux rectangulaires. Avec ces deux " nouveautés " le constructeur maintenait son cap en choisissant de ne s'adresser qu'à de vrais connaisseurs, qui avaient certainement les moyens de s'offrir une Rolls Royce ou une Aston Martin, mais qui préféraient la discrétion et le charme désuet des Bristol. Le design extérieur et l'habitacle demeuraient dans le plus pur style des années 60, avec des interrupteurs à bascule, un tableau de bord en bois avec des cadrans ronds, des sièges rembourrés en cuir Connolly, des tapis fabriqués avec les meilleures laines, etc ... Les illustrations ci-dessous nous montrent les différentes étapes de la fabrication de la voiture dans l'usine de Filton. Bristol Brigand - Source : https://classics.honestjohn.co.uk Depuis toujours, Bristol vend sa production directement au départ de l'usine, sans passer par un réseau de distributeur. Cela permet à la firme de tisser des liens particuliers avec les propriétaires des voitures. D'ailleurs, la compagnie conserve encore de nos jours les anciens outillages de tous les modèles depuis les origines de la marque. Bristol est ainsi capable de fournir les pièces détachées même pour les voitures les plus anciennes. Les Britannia et Brigand furent officiellement disponibles au catalogue de 1982 à 1994, ce qui fit d'elles les modèles ayant battu les records de longévité dans l'histoire de la marque. Cela témoignait néanmoins de l'assoupissement progressif de Bristol durant cette période. L'Auto Journal, dans son numéro Spécial Salon de 1994, indiquait que la production était à l'époque quasiment arrêtée, mais que l'entreprise demeurait officiellement en activité. Bristol Blenheim 1 et 2 (1994/2001) En 1994, Tony Crook était toujours aux commandes de l'entreprise. Un " nouveau modèle " était présenté, la Blenheim, qui reprenait le nom d'un bombardier Bristol des années quarante. En fait de nouveauté, il s'agissait plutôt d'une " modernisation " des Britannia et Brigand. La Blenheim se caractérisait par quelques retouches esthétiques au niveau de la calandre et des feux arrière, et par l'adoption d'une nouvelle mécanique Chrysler plus récente. Il fallait être un vrai fanatique de la marque pour être disposé à payer à l'époque l'équivalent de plus d'un million de Francs afin d'acquérir cette voiture.
Bristol Blenheim 1 Bristol se refusait toujours à la moindre publicité ou promotion, et tenait à conserver cette relation directe avec ses rares clients aisés, sans doute quelques vieux lords anglais soucieux de discrétion. A part son bureau londonien, la firme n'a jamais disposé d'aucune concession ni en Grande Bretagne ni à l'étranger, et n'a jamais été représentée par un quelconque importateur dans un autre pays. Seul Bristol conçoit, produit et vend des Bristol. La Blenheim 2 fut proposée à partir de 1998, et ne se différenciait de la première version que par quelques détails cosmétiques. Le paradoxe de ces automobiles d'une autre époque était qu'elles devenaient en cette fin de millénaire très tendance du fait de leur aspect totalement désuet et hors du temps. Le vrai chic devenait alors de rouler en Bristol !
Bristol Blenheim 2 Ce curieux effet de mode fit " bondir " le niveau de production de Bristol jusqu'à 150 unités en 2000. Le prix d'une Bristol approchait alors les 1,5 million de Francs. La clientèle des vieux aristocrates anglais fut progressivement remplacée par celle des stars du show-biz ou de quelques riches hommes d'affaires. Le très médiatique Richard Branson, président de Virgin, possédait une Bristol. Bristol Blenheim 3 (depuis 2001) La Blenheim 3 succédait à la Blenheim 2 en 2000. L'habitacle était modifié, avec de nouveaux sièges et une console centrale inédite. Le V8 Chrysler gagnait en performances, et une nouvelle boîte de vitesse automatique était proposée. La voiture encore au catalogue de nos jours (2007) demeure réputée pour son exceptionnelle fiabilité, mais elle peine à dissimuler sa conception très ancienne, héritée des années 60. Bristol Blenheim 3 En 2001 la Blenheim 3S, puis en 2002 la Blenheim 3G complétaient l'offre. Avec la Blenheim 3, elles constituent la gamme actuelle des coachs. La 3S se veut plus sportive que la Blenheim 3, avec un moteur plus puissant, des voies plus larges, des suspensions plus fermes et un freinage renforcé. La 3G propose au conducteur le choix entre deux carburants : essence ou gaz. Elle est équipée à cet effet de deux réservoirs spécifiques, d'une capacité respective de 82 et 80 litres. Bristol Blenheim 3 Souvenir de Londres Laurent Berreterot, grand amateur de Bentley et de Rolls Royce, évoque avec nous quelques souvenirs : " Docteur, j´ai bien peur de ne pas être comme tout le monde. Autour de moi, les masses incultes se gargarisent des trépidations vulgaires de leurs Hdi, Tdi et autres Dci en se trémoussant d´excitation dès qu´un de leurs nouveaux tracteurs à injection directe voit le jour. Veuillez m´excuser, mais moi, cet opium du peuple me donne la nausée. L´origine de mon mal doit remonter à cet été 1999 où j´avais poussé le snobisme jusqu´à m´installer dans un quartier chic de Londres : Kensington. En rentrant chez moi, je n´avais plus qu´à ouvrir ma fenêtre pour être sûr d´être réveillé le lendemain matin par le doux ronronnement d´un V8 ... essence, of course. Le mal était fait. Sur cette île de la tentation automobile, le V8 était partout, jusque sous le capot des " commercial vehicules " ! Non, docteur, le chant des 8 cylindres ne m´est pas monté à la tête ! A vous, pauvre pêcheur élevé au gazole, je tiens à signaler que les utilitaires à cabine avancée Leyland-Daf 400 (Daf 400 en France) étaient entre autres motorisés par le V8 Rover de 3,5l ! Certes, malgré son insularité, Albion n´a pu totalement échapper à l´épidémie de Diesel sévissant sur le Continent. Pour preuve, même une institution comme le London Taxi a dû se convertir à l´injection directe par l´entremise scélérate de Nissan. Et je ne parlerais pas du Metrocab, contaminé d´office par le Diesel Ford dont les claquements ne font pas honneur au bon goût britannique. Heureusement, à Kensington, j´avais des compensations fort honnêtes à offrir à mes pauvres oreilles. Pensez donc, au milieu de très banales Jaguar XJ, Mercedes Classe S et autres BMW série 7, mon quotidien était écumé de Range Rover 4.6 HSE, Bentley Continental - sans "R", excusez du peu - ou Brooklands pour les plus pauvres, Aston Martin DB-S V8, Daimler DS 420, Jaguar X300 rallongées par Coleman Milne, MGB GT V8, Triumph Stag, Rover 3500 Vitesse ... et j´allais oublier cette caricaturale MG R-V8, une MG B boursouflée de cuir et de bois à laquelle on avait greffé le V8 3,9l du Range pour célébrer la renaissance de Morris Garage, en 1994 ! Les anachronismes de cette sorte font partie du folklore local. En témoignent les dernières Mini, transformées en objet de luxe à grand coup d´accessoires kitsch et de roues grand diamètres. Décorées comme des sapins de Noël, les Cooper " 99 " étaient à ce point alourdies qu´elles ne dépassaient guère la vitesse maxi de la moindre Mini 1000 ! Risible, mais franchement, quelle gueule ! Ne vous étonnez pas de ce genre d´excentricités, docteur. Si vous n´osez vous avouer frustré dans votre morne C5 grise, l´automobiliste anglais, lui, semble se moquer du politiquement correct. Sur le parking du Leader Price local, je me rappelle avoir vu une femme vider le contenu de son caddy dans le coffre de sa ... Rolls Royce Silver-Spur (!!!) sans que cela ne choque personne. Il faut dire que dans les pays anglo-saxons, l´argent n´est pas une chose taboue comme chez nous, et à la différence de notre France bien pensante, il est tout naturel de montrer les signes de sa réussite sociale. Mon souvenir le plus insolite reste cependant celui de ce vieil aristocrate qui se promenait dans Kensington au volant de sa Bristol 603. Il n´habitait pas très loin de ma résidence, dans un agréable quartier résidentiel où les maisons n´avaient pas de clôtures. Sa Bristol se tenait garée devant chez lui, le plus banalement du monde, au milieu des Vauxhall et Ford des sujets plus ordinaires de Sa Gracieuse Majesté. Quelle auto surréaliste que cette Bristol 603 ! Son esthétique disons ... maladroite échappait à l´entendement. Elle paraissait ridiculement étroite par rapport à sa longueur. A l´évidence, les stylistes maison avaient eu du mal à adapter leur dessin à un châssis remontant aux BMW d´avant-guerre ! De même, le déséquilibre était frappant entre le porte-à-faux arrière, démesuré, et le porte-à-faux avant, rikiki. Cette maladresse s´explique par le logement de la roue de secours dans l´aile avant qui imposait de rejeter l´essieu frontal le plus possible vers l´avant. Le capot n´en paraissait que plus interminable tandis que la poupe fastback semblait exagérément étirée vers l´arrière. Et que dire de cette calandre misérable en plastique noir ou de ces pauvres roues atrophiées ! On aurait pu croire à un gag. Pourtant, cette Bristol dégageait un charme bien particulier qui m´attira de suite vers cette marque si énigmatique. Comment un constructeur aussi marginal avait-il pu survivre en vendant sans promotion ni réseau des engins à ce point torturés, démodés et hors de prix, quand des références comme Jensen et Facel Vega s´étaient écroulées à la première crise ? Le conducteur de la 603 possédait sans doute la réponse. C´était un vieil aristocrate, un vrai, tout de dignité revêtue. Au volant de sa voiture, il se tenait droit, la tête haute. Il était fier de son rang. Il conduisait le pied levé, sur un filet de gaz. Tout juste pouvait on entendre le bourdonnement lancinant du V8 flemmard : un " big block " typiquement américain, lent, peu puissant, avec du couple à revendre et un appétit gargantuesque, vous imaginez bien. Il se promenait ainsi à une allure débonnaire, et me semblait tout droit sorti d´une autre époque. C´était un gentleman comme on n´en fait plus qui conduisait une voiture comme on n´en fait plus. Bristol a su préserver cette petite clientèle d´irréductibles, et il faut croire que vouloir ratisser plus large aurait été fatal à un constructeur qui n´avait de toutes façons pas les moyens de changer d´envergure. Facel Vega n´a-t-il pas été ruiné par l´échec de la " petite " Facellia ? Sans cette tentative infructueuse de démocratisation, la firme de Jean Daninos aurait peut être connu un destin similaire à celle que dirige encore Anthony Crooks ... Ma seconde rencontre avec une Bristol allait me conduire aux frontières du réel. Au beau milieu d´un embouteillage du coeur de Londres, j´ai vu voguer une 412. Je dis bien voguer, car la forme apocalyptique de cette horreur motorisée évoquait furieusement celle d´un navire. Essayez un peu d´imaginer une carrosserie rectiligne taillée comme une barque sur laquelle un espèce d´arceau est planté comme le mat d´un voilier, le tout étant soutenu par les roulettes d´une remorque porte bateau, et vous obtiendrez une Bristol 412. Cette chose tenait plus du véhicule amphibie que de la découvrable de luxe que l´on était en droit d´attendre d´elle. La vocation marine de l´engin me sauta aux yeux lorsque, au démarrage, la 412 sembla vouloir se cabrer sur son essieu arrière en levant le nez. Le conducteur n´y était pas allé de main morte avec l´accélérateur, écrasant de fait les suspensions " schamallow ". De tels mouvements de caisse me laissèrent imaginer des tangages dignes d´une 2CV au premier virage ... En revanche, le grondement sourd du V8 en pleine accélération n´avait rien de commun avec le joyeux tintamarre du bicylindre Citroën. Ce bien joli allegretto crescendo ne put qu´accroître le magnétisme qu´exerçait Bristol sur moi. Par un heureux hasard, je résidais non loin de l´unique point de vente Bristol, situé à Kensington Road. En cet été 1999, le showroom, assez misérable, contenait une Bleinheim 2 neuve flanquée d'une 403, d´une 411 ainsi que d'une Morgan + 4 d'occasion. Au fond de la pièce, on pouvait apercevoir une simple table avec une pauvre chaise pour le vendeur qui n'était pas là faute de client. Heureusement pour lui, il n'y avait pas foule ce jour-là. Peut-être que le lendemain, il y en eut davantage ... Sur un vieux panneau, le passant pouvait lire que Bristol ne disposait d'aucun concessionnaire et que les éventuels clients devaient par conséquent contacter directement le constructeur. Dans son superbe isolement, malgré tout, la firme ne pouvait ignorer complètement le marketing moderne. La preuve. Je sais qu'il existe un catalogue sur la Bleinheim 2 de 1999. J'en ai trouvé un en vente dans une librairie spécialisées de Londres, la même année. Il s'agissait d'un 20 pages environ reprenant la maquette et les photos du site Internet de Bristol. Le document présentait la Bleinheim par thèmes (design, sécurité, etc....) avec des titres en couleur donnant une certaine jovialité à l'ensemble. Les photos, de taille plutôt réduite par rapport aux textes, traduisaient une certaine recherche dans le cadrage et l'éclairage, ce qui tranchait franchement avec les mornes photos de presse des années 80. Le texte défendait farouchement l'indépendance de la marque britannique et justifiait son conservatisme par le refus de céder aux modes éphémères. Le discours, tout aussi surréaliste que la voiture, argumentait en faveur du châssis séparé auquel, je cite de mémoire, " de nombreux propriétaires de Bristol devaient la vie... " Alors, dites-moi, c´est grave, docteur ? Laurent Berreterot
Bristol 412, 412 S2, Beaufighter, Beaufort Bristol 412, 412 S2 Zagato, par l'intermédiaire de Anthony Crook, mais en dehors du cadre de la compagnie de Filton, avait déjà travaillé sur base Bristol à la fin des années 50 et au début des années 60. Mais en cette année 1975, il s'agissait du premier contrat officiel unissant les deux sociétés. Cette fois la liaison allait être plus durable dans le temps et plus conséquente en terme de volume de production. Zagato était réputé à cette époque pour ses carrosseries aérodynamiques. On ne pouvait donc être que surpris face aux lignes en coins de la nouvelle 412, d'autant plus que Bristol ne nous avait jamais habitué à des formes aussi carrées. Bristol 412 On avait tout de même atteint un sommet en matière d'inesthétique ! L'imposant arceau de sécurité - le terme poutre centrale serait sans doute plus approprié - servait en effet à protéger les occupants, mais aussi à assurer une certaine rigidité à l'ensemble. Le catalogue de la 412 précisait : " la voiture est dotée d'une carrosserie en aluminium, ce qui permet d'éliminer les problèmes de corrosion. Le nombre d'anciennes Bristol encore en circulation témoigne de la résistance au temps de ce type de carrosseries. La 412 a de meilleures accélérations que la plupart des voitures sportives. Ces dernières sont le plus souvent étriquées, bruyantes et peu économiques. La 412 correspond vraiment à la définition de Voiture de Grand Tourisme au sens le plus noble du terme. Et si vous avez encore un doute, il faut savoir que chaque voiture est réellement testée en fin de fabrication, parfois par le " chairman " (président) lui même ! "
Anthony Crook, le " chairman ", au volant d'une Bristol 412 La production des automobiles Bristol est volontairement limitée à une poignée de voitures par semaine, afin d'assurer l'exclusivité et la meilleure qualité de fabrication. La voiture est construite pour ceux qui peuvent s'offrir et apprécier le meilleur. Ce niveau restreint de production permet d'assurer que chaque voiture est assemblée individuellement et testée par une équipe spécifique d'hommes qui savent comprendre et apprécier le sens des termes Qualité et Travail artisanal. La carrosserie de la 412 a été dessinée par la très réputée et très respectée carrosserie italienne Zagato, répondant ainsi à notre demande d'une voiture aux lignes modernes, incorporant nos caractéristiques de sécurité et d'habitabilité. " La mécanique de la 412 première du nom était la même que celle de la 411. La 412 S2 de 1978 adoptait un nouveau V8 Chrysler plus moderne. Esthétiquement, les 412 et 412 S2 étaient équipées de deux simples projecteurs avant (par opposition aux séries suivantes). La série S2 fut maintenue au catalogue jusqu'en 1986. Bristol 412 S2 - Source : https://www.autogespot.bg Les quelques ambitions que Bristol avait pour le marché US donnèrent naissance en 1980 à une version export au nom original de 412 USA. Elle fut équipée avant les versions européennes des quatre projecteurs avant et d'un pot catalytique. Cette tentative de conquête du marché US se solda par un échec, tant il était difficile pour un aussi petit constructeur de faire face aux exigences des normes de sécurité et de pollution qu'imposait la législation outre Atlantique. Bristol 412 USA Bristol Beaufighter, Beaufort Bristol Beaufighter La 412 S3, rapidement rebaptisée Beaufighter et commercialisée à partir de 1980, se distinguait de la 412 S2 par ses quatre projecteurs avant. Elle se caractérisait par ailleurs par un accroissement de la puissance obtenue grâce à un turbo compresseur de conception maison. Dans la gamme Bristol, elle était proposée parallèlement à la 412 S2. La Beaufighter symbolisait, comme pour les Britannia et Brigand à la même époque, le passage aux nouvelles dénominations des voitures de Filton, qui puisaient là encore leur inspiration dans les productions aéronautiques passées de la firme. A partir de 1984, et jusqu'à sa disparition du catalogue au cours des années 90, la Beaufighter connut une ultime évolution, sous la forme d'un très rare cabriolet sans arceau dénommé Beaufort.
Bristol Beaufort Bristol Blenheim Speedster En présentant la Blenheim Speedster, Bristol exhumait un vieux prototype des années 50 qui n'avait jamais vu le jour en production. A l'époque l'usine préféra en effet se concentrer sur sa spécialité, les gros coupés destinés à une clientèle de lords anglais, et laissa à d'autres le soins d'aborder ce marché restreint des sportives pures et dures (AC Cobra, TVR ...).
Bristol Blenheim Speedster Le prototype des années 50 fut modernisé en utilisant des composants issus de la Blenheim contemporaine. On y retrouvait cependant des traits caractéristiques des anciennes sportives de la marque : petits ailerons arrière, calandre s'inspirant de celle des avions de ligne Brabazon, etc ... La nouvelle venue était une sorte de croisement entre une Arnolt Bristol et une Bristol 404. Un V8 Chrysler remplacait l'ancienne mécanique d'origine BMW. Avec cette automobile, la compagnie s'était offert le luxe de surfer au sommet de la vague néo rétro ! Le prix catalogue restait en effet vertigineux, à plus de 200 000 Euros. Bristol envisageait d'en produire une quinzaine d'exemplaires.
Bristol Blenheim Speedster Bristol Fighter
Bristol Fighter La Fighter constitue une véritable révolution chez Bristol. Il s'agit du premier produit véritablement nouveau depuis l'apparition des 412 et 603 au milieu des années 70. C'est une stricte deux places, à carrosserie en aluminium, dotée de portes papillon, et mue par l'impressionnant V 10 de la Chrysler Viper, qui permet d'atteindre une vitesse de pointe de 320 km/h grâce à ses 600 ch. La finition est évidemment au niveau des standards de Bristol. La Fighter marie avec un certain bonheur recherche poussée d'aérodynamique et élégance. Bristol ne nous avait pas habitué à un tel modernisme depuis longtemps. La firme annonce s'être inspirée des normes aérospatiales, sans se soucier des contraintes de coûts. L'exclusivité a donc un prix qui atteint dans le cas présent plus de 229 000 livres. A ce jour (janvier 2007), plus d'une vingtaine d'exemplaires ont déjà été produits.
Bristol Fighter En 1997, Anthony Crook ouvrait son entreprise à un nouveau partenaire : Toby Silverton. Cet homme d'affaires qui a fait fortune en produisant des composants pour l'aéronautique est un fidèle de longue date de la marque. Unique propriétaire depuis 2002, ses investissements devraient être à même d'assurer la pérennité de l'affaire. Anthony Crook, né le 16 février 1920, conserve toujours le titre de Président. En ce début de troisième millénaire, Bristol demeure le seul fabricant de voitures de luxe 100 % britannique. Le constructeur semble en tirer une certaine fierté, et souhaite plus que jamais conserver son indépendance de pensée et d'action. |