Moskvitch, entre ZAZ et Volga


Apparues en 1946, les Moskvitch sont des voitures russes qui se situent dans la hiérarchie des marques entre les ZAZ de bas de gamme et les Volga de moyenne gamme supérieure. Les Moskvitch sont donc des voitures de moyenne gamme inférieure ou compactes. Elles seront malheureusement durement concurrencées par les Lada lancées dans les années 70. Le déclin de Moskvitch commence véritablement dans les années 80. Une fuite en avant vers le haut de gamme ne sauvera pas la marque qui disparaît en 2001.


Les origines de Moskvitch


L’usine KIM (Jeunesse Communiste Internationale) est construite à Moscou en 1930. Elle fabrique des voitures pour la société GAZ qui disposera d’une nouvelle usine en 1932, située à Gorki, sur les rives de la Volga. L’usine moscovite commence donc à produire des Ford A sous licence pour le compte de GAZn mais dès 1939, elle devient indépendante avec le lancement de la KIM 10. Ce modèle est une petite berline deux portes de 3,94 mètres de long, dotée d’un moteur quatre cylindres de 1 170 cm3 développant 30 ch.

Dans l’esprit des dirigeants soviétiques, cette automobile produite à grande échelle peut devenir la voiture motorisant toute la Russie, tout du moins la population pouvant acquérir une automobile. La KIM 10 s’inspire non pas des modèles américains de Ford - comme les GAZ de milieu de gamme produites à Gorki - mais d’un modèle plus compact issu de la filiale britannique du constructeur d’outre-Atlantique, la Prefect E93A lancée en 1938.

La KIM 10 est l’ancêtre des Moskvitch. Elle est lancée en 1939, mais sa production commence l’année suivante et est arrêtée brutalement en juin 1941.

Le châssis et le moteur sont pratiquement identiques au modèle original. Pour la carrosserie, le designer Valentin Brodskiy qui dessinera plus tard la GAZ M20 Pobieda a réalisé un gros travail pour différencier nettement la KIM 10 de la Ford Prefect. La partie avant est sans doute la plus intéressante, puisqu’elle s’inspire de la partie avant de la limousine ZIS apparue en 1939, avec son capot arrondi et sa calandre aux barres horizontales. En 1940, une version quatre portes apparaît, alors que la production de la deux portes débute à peine. Malheureusement, en juin 1941, les armées allemandes déferlent sur la Russie, et la production de la KIM 10 est arrêtée brutalement. On estime sa production totale à moins d’un millier d’unités.


1946 : Moskvitch 400


La Russie soviétique qui a payé un lourd tribut durant la Seconde Guerre mondiale - ses pertes humaines étant estimées à plus de 20 millions - fait partie des vainqueurs à la fin du conflit, avec les Américains, les Anglais et … les Français. A titre de réparation des dommages de guerre, la Russie s’accapare notamment des plans et de tout l’outillage de production de l’Opel Kadett née en Allemagne en 1937, et produite à Rüsselsheim à 106 608 exemplaires jusqu’en 1940. Pour les autorités soviétiques, l’Opel Kadett est une voiture très comparable à la KIM 10, en terme d’apparence, de dimensions, de puissance et de motorisation. Elle peut donc jouer parfaitement le rôle de remplaçante, pour un coût évidemment dérisoire, puisqu’il s’agit d’une réquisition.

L’équipement pour fabriquer la Kadett est installé au second semestre 1945 dans l’usine reconstruite de Moscou, et la production démarre en 1946. A cette occasion, le nom de l’usine change : il devient MZMA pour Usine Moscovite de Voitures Compactes, et le nom de la voiture devient Moskvitch 400, officialisant ainsi la création de la marque Moskvitch. La Moskvitch 400 est donc la copie conforme de l’Opel Kadett d’avant-guerre. Il s’agit d’une berline quatre portes dont la partie avant rappelle la Renault Juvaquatre, Renault s’étant inspiré du modèle allemand pour la partie avant de sa compacte. Elle mesure 3,86 mètres de long sur 1,40 mètre de large, et son moteur est un 1 074 cm3 développant 23 ch, ce qui autorise une vitesse maximale de 100 km/h. Ce moteur est celui de l’Opel Kadett sans aucune modification.

La première Moskvitch lancée en 1946 est une Opel Kadett datant de 1937. Les Russes se sont accaparés des plans et de l’outillage pour produire ce modèle en Russie, au titre des dommages de guerre.

Moins moderne que la GAZ Pobieda lancée également en 1946, la Moskvitch 400 soutient malgré tout la comparaison avec la plupart des voitures européennes de la fin des années 40. En 1947, la gamme des Moskvitch est complétée par un break et une fourgonnette, tous deux dotés de panneaux de carrosserie latéraux en bois, comme les Ford Woody. En 1948, s’ajoute une berline découvrable.

En 1949, la Moskvitch tente une entrée sur les marchés occidentaux, principalement en Autriche, en Belgique, en Finlande et aux Pays-Bas. Affichée à un prix défiant toute concurrence, la Moskvitch n’obtient pas un grand succès sur ces marchés, en raison d’une tenue de route aléatoire et d’un freinage peu efficace.

En 1954, le modèle voit sa puissance passer à 27 ch, il devient alors Moskvitch 401. Mais la voiture est totalement démodée avec son style d’avant-guerre, et les ventes commencent à décliner. En 1956, la production cesse après 114 000 véhicules produits depuis 1946. La Moskvitch n’a pas réussi à motoriser en masse la population de l’Union Soviétique.

Le break facon " woody " ou canadienne (en français) présenté en 1947 est une création russe originale. Connu sous la désignation 421, sa production est extrêmement marginale.


 1956 : Moskvitch 402


En 1956, apparaît la Moskvitch 402 qui succède aux vieilles Moskvitch 400 et 401. Le nouveau modèle s’inspire vaguement des voitures compactes britanniques de cette époque, comme les Austin, Morris, Ford ou Hillman. Elle évoque surtout une Volga M21 en réduction, la carrosserie étant signée du même designer. Elle reprend donc certains traits de la Ford Customline américaine présents sur la Volga mais à une échelle réduite. Le style ponton de la Moskvitch 402 est en tout cas bien plus moderne que celui des anciennes 400 et 401. Longue de 4,06 mètres et large de 1,54 mètre, elle est équipée d’un moteur quatre cylindres de 1 200 cm3 développant 35 ch, ce qui autorise une vitesse maximale de 105 km/h. Ce moteur dérive étroitement du moteur Opel monté sur les 400 et 401.

La Moskvitch 402 lancée en 1956 évoque une Volga M21 à échelle réduite. Son style assez moderne pour l’époque démode d’un coup les précédents modèles de la marque.

En 1957, apparaissent deux nouvelles versions, un break et un pick-up. Plus originales, les versions à quatre roues motrices en berline et break sont lancées la même année. Elles représenteront 10 % des ventes de la gamme. On les reconnaît à leur garde au sol augmentée et à leurs gros pneus. La Moskvitch 402 mène une carrière honorable mais très courte, avec 98 513 exemplaires fabriqués à Moscou de 1956 à 1958, date à laquelle elles est remplacée par la Moskvitch 407.


1958 : Moskvitch 407


En 1958, la Moskvitch 407 succède à la Moskvitch 402, dont elle reprend la carrosserie. Elle s’en différencie par sa nouvelle calandre et une nouvelle découpe de couleurs, et surtout par son moteur inédit, un quatre cylindres de 1 357 cm3 de 45 ch, qui lui permet de rouler jusqu'à 117 km/h. Le modèle reste toutefois d’une génération précédente si on le compare aux voitures européennes de la fin des années 50, comme la Simca P60. Disponible en berline, break et fourgonnette, la Moskvitch 407 parvient néanmoins à trouver quelques clients en Europe de l’Ouest, notamment en Finlande, en Suède, en Autriche et au Benelux. Certains exemplaires sont dotés d’un moteur diesel Perkins de 1 621 cm3 de 43 ch. En Russie, le modèle connaît une carrière commerciale honorable, puisque 266 309 exemplaires sortent de l’usine de Moscou de 1958 à 1963, représentant une moyenne de 53 000 unités par an contre 49 000 pour la Moskvitch 402.

La Moskvitch 407 lancée en 1958 est une 402 restylée. Son style rappelle certains modèles britanniques du milieu des années 50.

En 1963, la Moskvitch 403 prend la suite de la 407 contre toute logique au niveau des numérotations, avec de légères modifications esthétiques et une palette de couleurs uniformisées. Curieusement, alors que la Peugeot 403 est toujours commercialisée en Europe en ce début des années 60, le constructeur de Sochaux qui détient le brevet des numérotations à zéro central ne réagit pas lors du lancement de la Moskvitch 403, alors qu’il vient de faire pression sur Porsche afin qu'il renomme sa 901 … La carrière commerciale de la Moskvitch 403 se termine dès 1965, après 135 523 exemplaires produits, soit une moyenne de 67 000 unités par an.

La 403 n'est rien d'autre qu'une 407 habillée d'une calandre un peu plus haute à mailles plus larges, d'une nouvelle décoration latérale et d'une sellerie renouvelée.


1964 : Moskvitch 408


La Moskvitch 403 n’était en réalité qu’un modèle de transition entre la 407 abandonnée en 1963 et la toute nouvelle 408 lancée en 1964. Encouragé par les ventes ascendantes de ses modèles 402, 407 et 403, le constructeur moscovite lance une nouvelle berline en 1964 qui reprend le moteur des 403 et 407, mais avec une carrosserie totalement redessinée. Ses lignes aux angles vifs tranchent avec les formes arrondies des précédents modèles de la marque. Elle rappelle un peu le style des Fiat 1300/1500 lancées en 1961.

Pour ce modèle, la marque nourrit de grands espoirs, car la Moskvitch 408 doit à la fois réussir sur le territoire de l’Union Soviétique et en Europe de l’Ouest. Longue de 4,09 mètres et large de 1,55 mètre, elle est plus habitable que les précédents modèles et son moteur de 1357 cm3 poussé à 60 ch permet d’atteindre 130 km/h en vitesse de pointe, ce qui reste légèrement inférieur à la plupart des voitures européennes de cette catégorie. Une paisible Simca 1300 à moteur Aronde atteint les 133 km/h, une Fiat 1300 les 140 km/h et une Fiat 1500 les 150 km/h.

La Moskvitch 408 lancée en 1964 reprend le style des Fiat 1300/1500 de 1961. Sa ligne tranche avec les formes arrondies des précédentes voitures de la marque.

En 1966, les versions break et fourgonnette complètent la gamme des Moskvitch 408. Parallèlement, Moskvitch signe un accord de coopération avec le russe IZh pour produire la 408 à Izhevsk, et avec le français Renault pour produire la 408 à Vilvoorde (Belgique) où la Régie Nationale dispose d’une usine qui a fabriqué notamment les Rambler Renault entre 1962 et 1967. Les Moskvitch 408 sont assemblées sur le site de Vilvoorde de 1967 à 1969. L’accord avec Renault prévoit la modernisation des usines de Moscou et d’Izhevsk. La Moskvitch 408 est produite en Russie jusqu’en 1975.


1967 : Moskvitch 412


En 1967, la Moskvitch 412 qui ne remplace pas la 408 s’ajoute à la gamme, en tant que version de haut de gamme. Elle s’en différencie par un allongement de la carrosserie à 4,25 mètres, une nouvelle calandre encadrée de phares rectangulaires et non plus ronds, et surtout un nouveau moteur en alliage léger de 1 478 cm3 et 80 ch, ce qui permet une vitesse de pointe de 147 km/h, plus en phase avec les standards européens de l’époque.

La Moskvitch 412 lancée en 1967 est une 408 restylée et légèrement allongée. Son moteur est cette fois un 1 478 cm3 moderne, construit en alliage léger.

En 1968, l’usine de Moscou fabriquant les Moskvitch change de nom, abandonnant l’appellation MZMA pour AZLK (Fabrique Automobile de la Jeunesse Léniniste). La Moskvitch 412 arrive en Europe de l’Ouest l’année suivante. En France, ce sont les établissements Poch qui sont chargés de l’importation, comme pour Skoda. La carrière de la Moskvitch 412 prend fin en 1975, comme pour la 408, toutes deux étant remplacées par les nouvelles 2138 et 2140.

Les chiffres de production des Moskvitch 408 et 412 ne sont connus avec précision, mais certains experts estiment à un million le nombre de 408 produites au total (soit en moyenne 90 000 par an) et à un demi million celui de 412 (soit en moyenne 62 000 par an).


1973 : Moskvitch 2125


En 1970, la production de la marque Moskvitch prend son envol, grâce au démarrage de la seconde usine située à Izhevsk, et appartenant au constructeur russe IZh reconverti fraîchement à l’automobile. Cette usine est mise sur pied avec l’aide de la Régie Renault. De 150 000 voitures par an dans les années 60, la production de la marque Moskvitch passe à 300 000 dans les années 70, avant de retomber à 200 000 dans les années 80, la concurrence de Lada se faisant de plus en plus sentir. Les meilleures années de la marque Moskvitch sont les années 1975, 1976 et 1977 avec plus de 300 000 voitures assemblées chaque année, même si ses modèles présentent un style démodé comparé à celui des Lada lancées en 1970.

En 1973, un nouveau modèle s’ajoute sur les lignes d’assemblage de l’usine IZh. Il s’agit de la Moskvitch 2125, dont la carrosserie dérivée des modèles 408/412 se différencie par sa partie arrière fastback dotée d’un hayon. C’est un peu le pendant soviétique de la Renault 16 lancée en France en 1965. Le moteur est repris de la Moskvitch 412. Il s’agit du 1,5 litre dont la puissance est réduite, autorisant cependant une vitesse maximale de 140 km/h, supérieure à celle de la 408 dotée du vieux 1,4 litre. Baptisé Moskvitch 2125 "  Kombi ", le nouveau modèle russe est fabriqué exclusivement chez IZh entre 1973 et 1997.

La Moskvitch 2125 (ou IZh 2125) lancée en 1973 est une 412 dotée de six glaces latérales et d’un hayon. Il s’agit de la première berline russe dotée de cinq portes. Elle n’a rien à voir avec le break Moskvitch 412.

Les versions produites après 1981 reprennent l’intérieur et le tableau de bord des 2138/2140 produites à Moscou à partir de 1975. La 2125 connaît une carrière honorable avec 150 000 unités par an en moyenne durant les premières années, et est même exportée vers l’Europe de l’Ouest et vers l’Europe de l’Est, car ce modèle est l’une des rares automobiles russes à être dotée de cinq portes, mis à part les breaks Moskvitch et Volga qui sont plus chers. La 2125 n’a donc pas de véritable concurrente sur le territoire russe, d’où son succès.

Après le rachat partiel de IZh par AvtoVAZ en 1995/1996, l’usine d’Izhevsk rebaptisée IZhAuto doit néanmoins cesser la production de la Moskvitch 2125 en 1997, et une nouvelle berline à hayon est lancée pour lui succéder, il s’agit de la IZh 2126 " Oda ", conçue entièrement par AvtoVAZ, et qui connaît un succès plus modeste, avec 230 781 unités produites jusqu’en 2005. Ce modèle est assez proche de la Lada Samara lancée en 1984, qui comporte aussi un hayon.


1975 : Moskvitch 2138/2140


Les Moskvitch 408 et 412 sont remplacées en 1975 par les 2138 et 2140, qui ne sont en réalité que d'habile replâtrages des modèles précédents. Ainsi, les carrosseries sont identiques, mais les parties avant et arrière sont redessinée par le studio moscovite du designer Raymond Loewy dans un style plus moderne, avec une calandre noir mat entourée de deux phares rectangulaires. L’intérieur est entièrement repensé, qu'il s'agisse du tableau de bord, des sièges ou des contre-portes.

La 2138 reprend l’ancien moteur de 1 357 cm3 de la 408, alors que la 2140 adopte le 1 478 cm3 plus moderne de la 412. Les versions break et fourgonnette sont reconduites. Un diesel Perkins de 1760 cm3 développant 50 ch est proposé à partir de 1979. La carrière commerciale de la 2138 est arrêtée en 1981 alors que celle de la 2140 se prolonge jusqu’en 1994. Pourtant, ce modèle est totalement démodé, ses origines remontant à 1964, soit trente ans plus tôt. Les ventes déclinent d’ailleurs dès les années 1978/1979, et la fin de l’ère communiste en 1991 marque la fin programmée de la Moskvitch 2140.

La Moskvitch 2138 lancée en 1975 est une 408 restylée. Mais à l’époque, ce modèle est déjà démodé comparé aux Lada commercialisées en 1970. En outre, son moteur date de la fin des années 50.

Le problème principal de Moskvitch est l’émergence dans les années 70 d’un nouveau constructeur russe de voitures de gamme moyenne, AvtoVAZ, qui avec sa marque Lada inonde le marché russe de voitures dérivées de la Fiat 124 italienne. De 20 000 unités produites à Togliatti en 1970, le volume de production de Lada progresse à 170 000 en 1971, 335 000 en 1972, 550 000 en 1973, 650 000 en 1974, 690 000 en 1975, 710 000 en 1976, 725 000 en 1977, 740 000 en 1978 et 830 000 en 1979.

Ces voitures rustiques et robustes, mais plus modernes que les Moskvitch, ringardisent progressivement les productions d’AZLK. L’usine de Moscou ne peut rivaliser avec celle de Togliatti en matière de capacités, celles-ci étant fixées à un million de véhicules par an, soit 7,5 fois supérieures à celles de Moscou. Les dernières années de la marque moscovite font penser à des soubresauts d’un malade en fin de vie.

La Moskvitch 2140 lancée en 1975 est une 412 restylée, ce qui signifie qu’elle bénéficie du moteur 1,5 litre en alliage léger apparu en 1967, contrairement à la 2138 dotée du vieux moteur 1,4 litre.


1986 : Moskvitch 2141 Aleko


Dès 1976, soit un an après le lancement des Moskvitch 2138/2140, le constructeur AZLK est approché par le ministre soviétique chargé de l’industrie automobile, Viktor Poliakov. Celui-ci fait savoir aux dirigeants d’AZLK qu’ils pourraient s’inspirer d’un nouveau modèle français lancé en septembre 1975 qu’il trouve très intéressant, et qui est en même temps très différent de ce que propose le constructeur concurrent AvtoVAZ à cette époque. Il s’agit d’une berline traction avant dotée de cinq portes au design moderne et élégant, qui vient de recevoir en mars 1976 le titre de " Voiture de l’Année ". C’est bien sûr la Simca 1307/1308, conçue à Poissy en collaboration avec les ingénieurs et les designers de Ryton.

Les deux filiales européennes du groupe Chrysler ont travaillé la main dans la main pour concevoir ce nouveau modèle qui plaît tout de suite à la clientèle européenne. AZLK achète donc une Simca 1307 et l’amène à Moscou pour un démontage en bonne et due forme. Le premier prototype n’est qu’une Simca à moteur de Moskvitch 2140 (le 1,5 litre) dotée de trains roulants maison. Puis, jusqu’à la fin des années 70, le modèle est retravaillé chez AZLK, et la voiture finale ne partage aucune pièce avec la Simca, bien que son design demeure très proche. Si proche que certains pensent que les plans de la Simca 1307 ont été vendus par le groupe PSA - propriétaire de Simca à partir de 1978 - au constructeur russe, ce qui est faux.

La Moskvitch 2141 lancée en 1986 semble être une copie fidèle des Simca 1307/1308, avec une calandre qui rappelle la Talbot 1510. En réalité, la voiture russe ne partage aucun élément avec les voitures françaises. Cette berline est en fait la véritable héritière de la Moskvitch 2125.

Différence fondamentale au niveau technique, le moteur n’est pas monté transversalement comme sur la Simca mais longitudinalement. La version de série baptisée Moskvitch 2141 " Aleko " sort très tard, en 1986, et la date de son lancement pose une énigme. En effet, pourquoi avoir attendu dix ans avant de commercialiser ce modèle, alors que les premiers prototypes ont fait leurs premiers tours de roues dix ans plus tôt. Certainement pas parce que les anciennes 2138/2140 se vendaient bien, puisque l’on a vu que leur diffusion avait commencé à décliner dès la fin des années 70.

La seule explication possible - mais qui n’est pas vérifiée - est que le groupe PSA aurait demandé à AZLK de commercialiser l’Aleko après la suppression du marché des Simca 1307/1308 et de leurs dérivés Talbot 1510/Solara. Effectivement, on observe que la commercialisation des Aleko commence juste après la disparition des Talbot 1510 et Solara en Europe occidentale. Coïncidence ? Personne ne peut répondre à cette question. Jacques Calvet, ex-patron de PSA, avait sans doute la réponse mais il n’a révélé aucune information à ce sujet et aujourd’hui il n’est malheureusement plus de ce monde.


Le déclin et la disparition de Moskvitch


La Moskvitch 2141 Aleko commence donc sa carrière commerciale fort tardivement, ce qui signifie que le modèle est déjà quelque peu démodé, mais bien moins que les Moskvitch 2125 et 2140 qui sont à cette époque – au même titre que les Volga – de véritables dinosaures de l’industrie automobile russe. Malgré son design avenant, l’étendue de ses motorisations - 1,5 litre, 1,6 litre, 1,7 litre - et de ses versions - berline, break, fourgonnette et pick-up - l’Aleko est boudée par le public russe, comme chez Volga qui a du mal à vendre autre chose que son ancienne M24 et ses dérivés successifs …

La tentative d’exporter l’Aleko en Europe occidentale se solde par un échec cuisant, même motorisée par un diesel Ford de 1 753 cm3. En France, importée par la société Poch, la voiture ne trouve que 769 clients entre 1990 et 1993. En Russie, la production des Moskvitch connaît un déclin inexorable, passant de 185 000 unités en 1987 à 115 000 en 1988 et 74 000 en 1989. Après un rebond en 1990 avec 95 000 ventes, 1991 avec 105 000 ventes et 1992 avec 102 000 ventes, la production repart à la baisse les années suivantes : 96 000 unités en 1993, 68 000 en 1994, 41 000 en 1995 et 3 000 en 1996. Le volume de production est pratiquement nul en 1997.

Cette chute de la production est imputable à la fois à la baisse des ventes des anciennes 2125 et 2140 - la 2138 a disparu des lignes d’assemblage en 1981 - et à l’insuccès notoire des 2141 Aleko. Face à cette baisse des ventes et de la production, Moskvitch tente une fuite en avant désespérée vers le haut de gamme.

La Moskvitch 2142 lancée en 1998 est une interprétation très personnelle d’une berline quatre portes dérivée de la 2141.

La 2141 est remplacée en 1998 par la 2142 qui en est une version trois volumes, c’est-à-dire un modèle comparable à la Talbot Solara disparue en 1986. Les modèles les plus emblématiques sont les " Prince Vladimir " et les " Ivan Kalita ", versions luxueuses des 2142, dotées d’un moteur de deux litres d’origine Renault, d’un empattement allongé et d’une calandre genre Bentley tout à fait incongrue sur ce type de voiture de moyenne gamme. Un coupé deux portes baptisé Duet et dérivé de la Kalita est lancé en 1999. Il demeure le seul coupé de la marque.

Mais tous ces modèles, qui certes se différencient nettement des Lada du constructeur AvtoVAZ, sont boudés par le public russe qui préfère acquérir une Volga pour le même prix, voire acheter une voiture étrangère. Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991, la clientèle russe a en effet la possibilité d’acquérir une voiture étrangère et ne s’en prive pas. Les ventes de Moskvitch s’établissent à 45 000 unités en 1998, 30 000 en 1999 et 25 000 en 2000. En 2001, seulement 6 000 véhicules sortent de l’usine de Moscou. La marque est placée en liquidation judiciaire et disparaît les mois suivants, trois ans après l’arrêt d’activité du constructeur ukrainien ZAZ. Deux ténors de l’industrie automobile soviétique disparaissaient ainsi dans l’indifférence générale.

La Moskvitch 2142 " Ivan Kalita " est une tentative ratée de se positionner sur le haut de gamme, la clientèle préférant la classicisme d’une Volga. La calandre genre Bentley semble assez anachronique sur un tel modèle.

Texte : Jean-Michel Prillieux
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