Messerschmitt, de l'avion de chasse à la microcar
Messerschmitt, le célèbre constructeur allemand d’avions de chasse de la Seconde Guerre mondiale, tente de s’immiscer dans les années 50 sur le marché des microcars alors très demandés dans une Allemagne en pleine reconstruction. Cette aventure s’arrête cependant en 1964. Willy Messerschmitt, fondateur et propriétaire des usines aéronautiques qui portent son nom, constructeur notamment des fameux Messerschmitt 109 et 110 de la Seconde Guerre mondiale, n’a plus le droit de construire des avions à partir de 1945, selon les directives imposées par les Alliés après la défaite allemande.
A la fin de la guerre, Willy Messerschmitt, ingénieur propriétaire des usines aéronautiques qui portent son nom doit trouver de nouvelles activités pour occuper ses salariés, comme chez Bristol ou Saab. Willy Messerschmitt a participé comme beaucoup d’autres industriels allemands au développement de la gigantesque machine de guerre nazie, qui a permis à l’Allemagne de dominer militairement l’Europe pendant plusieurs années. Afin d’éviter de disparaître complètement, la firme Messerschmitt décide de se lancer dans l’automobile au début des années 50.
Le Messerschmitt 109 est l’un des avions de chasse les plus performants et les plus produits pendant la Seconde Guerre mondiale, avec près de 35 000 exemplaires. Son moteur est fourni par Daimler-Benz. A cette époque, l’Allemagne, complètement dévastée en 1945, est en pleine reconstruction, et une catégorie de voitures rencontre le succès, les microcars. Profitant de l’engouement des Allemands pour ces très petites voitures, dont les BMW Isetta, Zundapp, Goggomobil, Lloyd sont les principales représentantes, la firme Messerschmitt lance la KR 175 en 1953. S’inspirant du Flitzer - filant à toute vitesse en français - de l’ingénieur Fritz Fend, présenté à la fin des années 40, ce véhicule est tout à fait original.
En 1945, l'ingénieur Fritz Fend construit un vélocar qui se déplace à la force des mollets. En 1948, un petit moteur de 38 cm3 remplace la puissance de l'homme. Cette Flitzer plafonne à 40 km/h. L'année suivante, un 98 cm3 fourni par Fichtel & Sachs permet de rouler à 60 km/h. Messerschmitt KR 175 La KR 175 se présente en effet sous la forme d’un petit véhicule biplace en tandem de 2,82 mètre de long, doté de trois roues dont deux directrices à l’avant et une motrice à l’arrière. Le moteur, placé juste devant la roue arrière, est un Fichtel & Sachs à deux temps de 175 cm3 de 10 ch. Il autorise une vitesse de 90 km/h, rendue possible par le faible poids - 200 kg - de l’engin. La carrosserie reçoit une vaste bulle en plexiglas translucide qui permet une visibilité maximale sous tous les angles. Pour accéder aux sièges, le cockpit bascule sur le côté. Cette solution ainsi que le guidon à plat style " manche à balai " rappelent sans équivoque les origines aéronautiques du nouveau véhicule. Le Messerschmitt KR 175 connaît un relatif succès avec environ 20 000 exemplaires fabriqués entre 1953 et 1955, profitant de la vogue des microcars dans l’Allemagne convalescente des années 50.
En janvier 1952, Fritz Fend et Willy Messerschmitt décident de construire une version améliorée de la Flitzer dans la vaste usine Messerschmitt. Le Kabinenroller - scooter à cabine - KR 175 est né. Messerschmitt KR 200 En 1955, la KR 175 est remplacé par la KR 200, équipé cette fois d’un moteur Fichtel & Sachs plus puissant de 200 cm3, autorisant avec son poids de 240 kg une vitesse de 100 km/h. La carrosserie reçoit en même temps quelques modifications : pare-brise panoramique, voie avant augmentée, suspensions améliorées permettant en particulier un meilleur confort et une meilleure tenue de route.
Au printemps 1955 apparaît la KR 200 dont la cylindrée est portée à 200 cm3. Le pare-brise est élargi et devient panoramique. Des joncs chromés embellissent la voiture. La voie avant est augmentée pour améliorer la tenue de route. En 1956, l’Allemagne fédérale est à nouveau autorisée à disposer d’une industrie aéronautique. Willy Messerschmitt reprend donc la conception et la construction d’avions, délaissant de plus en plus la fabrication des Kabinenroller à Regensburg. Près de 30 000 KR 200 sont cependant fabriqués jusqu’en 1964. A ce moment-là, les microcars sont complètement passés de mode, et la clientèle allemande opte pour des modèles de plus en plus volumineux, ce choix étant favorisé par l’élévation du niveau de vie en Allemagne.
La KR 200 Roadster dispose d'un simple saute vent et d'une capote, mais fait l'impasse sur les glaces latérales. Tous les KR 200 sont équipées d'un système de transmission particulier qui permet de disposer de quatre rapports dans les deux sens de marche. Messerschmitt Tiger 500 Les voitures les plus vendus en Allemagne sont alors les Volkswagen 1200 et 1500 , l’Opel Rekord et l’Opel Kadett. Une petite série de Kabinenroller à quatre roues et à moteur 500 cm3 toujours fourni par Fichtel & Sachs est proposée en 1957, sans doute pour concurrencer la petite BMW 600 lancée la même année, celle-ci étant un dérivé à quatre roues de l’Isetta BMW dotée de trois roues. Mais cette version baptisée Tiger 500 est boudée par le public, car avec une vitesse de pointe de 140 km/h, cet engin est encore plus délicat à manier que les KR 175 et KR 200, voire dangereux. En outre, son moteur est jugé capricieux et manquant de mise au point. Enfin, son prix est trop proche de celui de la Volkswagen 1200, qui dispose elle de quatre places, d’un vrai coffre et d’une carrosserie plus vaste et plus robuste, donc plus rassurante.
Fritz Fend améliore sans cesse son invention. En 1957, l'adoption d'un bicylindre de 500 cm3 et 25 ch conjugué à un poids qui reste contenu à 350 kg exige pour supporter cette puissance de passer sur quatre roues. Avec son porte à faux arrière allongé, la Tiger mesure trois mètres. La Tiger 500 sonne finalement le glas de la marque Messerschmitt dans le domaine automobile, sa diffusion étant des plus confidentielles, entre 350 et 550 exemplaires selon les sources. En 1964, le constructeur abandonne la production automobile pour se consacrer exclusivement à l’aéronautique, mettant ainsi fin à l’une des voitures les plus originales du XXe siècle.
Texte : Jean-Michel Prillieux |
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