De Tomaso, des GT italiennes à moteur Ford
De Tomaso était une des nombreuses marques italiennes de Grand Tourisme, qui a lancé son premier modèle de série en 1966. Cette marque créée par Alessandro De Tomaso, a cessé ses activités à la mort de son fondateur, en 2003. Ces voitures avaient l’originalité d’être dotées de moteurs V8 américains de marque Ford. Alessandro De Tomaso, pilote argentin de grand renom, fonde en 1963 la marque automobile qui porte son nom. Ce pilote devenu entrepreneur a l’ambition de produire des modèles de Grand Tourisme, rivales des Ferrari, Maserati ou Lamborghini. Ce marché lucratif, malgré son étroitesse, est en pleine expansion durant les années 60. De moins de 1 000 unités en 1962, il est passé à 1 500 unités en 1966, pour franchir la barre des 2 000 unités en 1969. Le premier modèle De Tomaso est la Vallelunga, un coupé présenté en 1963. Mais il s’agit pour l'instant plus d’une voiture pour la compétition, que d'une concurrente sérieuse pour Ferrari et Maserati.
La De Tomaso Vallelunga est la première voiture de la marque. Elle est destinée davantage à la compétition qu’au grand public. Ce modèle est doté du moteur 1,6 litre monté sur les Ford Cortina Lotus. Une cinquantaine d’exemplaires aurait été fabriquée sur le site du constructeur à Modène entre 1963 et 1966. Cette voiture sportive dessinée par Trevor Fiore, dotée d'un moteur Ford Cortina Lotus de 1,6 litre développant 132 ch, atteint déjà la vitesse maximale de 215 km/h. La Vallelunga est construite à cinquante-trois exemplaires autour d'un châssis poutre en aluminium, et habillée d'une carrosserie en fibre de verre. Ce type de châssis restera la marque technologique du constructeur. 1966 : De Tomaso Mangusta La Mangusta lancée en 1966 est le premier modèle De Tomaso proposé au public, qui peut enfin prétendre concurrencer les Ferrari et Maserati. Ce coupé sportif au style avant-gardiste est dessiné par le jeune talent Tom Tjaarda, et ses formes sont de la même veine qu’une Lamborghini Miura dessinée par Marcello Gandini pour Bertone, qui est lancée la même année, et qui est dotée comme la Mangusta d’un moteur en position centrale.
De Tomaso entre dans la cour des grands avec le lancement en 1966 de la Mangusta au style avant-gardiste, qui s’oppose directement à la Lamborghini Miura lancée la même année. Cette fois, le moteur retenu est un V8 Ford de 4,7 litres monté sur les Ford Mustang de l’époque. Il est situé en position centrale. La Mangusta longue de 4,27 mètres est animée par un puissant V8 Ford américain de 4 728 cm3 et 305 ch. De Tomaso n’a pas les moyens de concevoir lui-même un moteur. A cette époque, d’autres jeunes constructeurs de voitures de Grand Tourisme procèdent de la même manière. Ainsi, Iso Rivolta se fourni chez Chevrolet, et Monteverdi achète ses mécaniques à Chrysler. Seuls Ferrari, Maserati et Lamborghini montent leurs propres moteurs.
La partie arrière de la Mangusta révèle sa principale particularité, son capot moteur transparent à double ouverture, donc à double vitrage. Le système d’ouverture rappelle étrangement celui utilisé sur les voitures des années 30, mais à l’époque, il s’agissait de capots situés à l’avant et non transparents … Dans un passé récent, les Facel Vega, célèbres voitures françaises de Grand Tourisme (1954-1964), avaient été dotées de moteurs Chrysler. Ces moteurs, qui n’ont certes pas la noblesse des moteurs italiens de conception, ont l’avantage de leur faible coût en raison d'une production en grand nombre. Ils allient un couple imposant, une grosse cylindrée, une puissance significative, et une grande robustesse, car ils tournent lentement. Avec son V8 Ford, la Mangusta atteint 250 km/h en pointe. Elle a été produite à 402 exemplaires de 1966 à 1970, date de son remplacement par la Pantera. 1970 : De Tomaso Pantera Les choix d’Alessandro De Tomaso concernant les moteurs de ses voitures lui permettent de développer ses relations avec Ford, qui s’engage à vendre la remplaçante de la Mangusta sur le marché américain. Cette nouvelle voiture, la Pantera, de nouveau à moteur central, est lancée en 1970. Egalement dessinée par Tom Tjaarda, elle est dotée d’un V8 Ford plus gros, un 5 763 cm3 de 300 ch, qui sera aussi utilisé sur les Monteverdi à partir de 1972. Aussi longue mais plus lourde que la Mangusta, la vitesse maximale de la Pantera est de 240 km/h. Elle a été vendue en 1971 et 1972 à 3 751 exemplaires, principalement aux Etats-Unis, et grâce au réseau Ford.
La De Tomaso Pantera lancée en 1970 pour succéder à la Mangusta semble moins excentrique. C’était le souhait de Ford qui a accepté de vendre ce modèle sur le marché américain. Le V8 Ford est toujours situé en position centrale. Ce volume de ventes est très important pour un modèle de Grand Tourisme. De Tomaso vient d'inventer le concept de la voiture de Grand Tourisme produite en " grande " série … Les ventes chutent néanmoins aux Etats-Unis vers la fin de l’année 1973, en raison d'un manque de fiabilité de la Pantera, et du terrible choc pétrolier qui fait augmenter le prix des carburants de manière considérable. Ford décide de cesser la commercialisation de la Pantera aux États-Unis en 1975, après avoir écoulé au total près de 5 500 exemplaires. La commercialisation du modèle se poursuit en Europe à un niveau très inférieur. La Pantera arrête finalement sa carrière commerciale en 1993, avec au compteur 7 260 exemplaires fabriqués.
La partie arrière de la Pantera montre que De Tomaso a abandonné l’idée d’un capot moteur transparent s’ouvrant en deux parties vu sur la Mangusta. Il revient à un capot classique, et l’emplacement de la petite lunette AR s’inspire de celui de la Dino Ferrari lancée en 1966. La Pantera est dans l’ensemble moins originale que la Mangusta. 1971 : De Tomaso Deauville La gamme De Tomaso s’élargit en 1971 avec le lancement d’une élégante berline quatre portes de 4,89 mètres de long, toujours dessinée par Tom Tjaarda, la Deauville. Selon Alessandro De Tomaso, cette voiture luxueuse et performante (230 km/h) dotée du Ford V8 5,7 litres de 300 ch, peut devenir l'héritière de la Maserati Quattroporte, dont la production a cessé en 1969. En réalité, l’Iso Fidia lancée en 1967 est déjà sur le point de remplir cette tâche. Les Fidia et Deauville vont s'affronter, et à ce jeu, les deux modèles sont finalement au coude-à- coude, avec 244 ventes pour la Deauville et 192 ventes pour la Fidia. Le léger avantage en faveur de la De Tomaso est à mettre sur le compte de sa carrière qui s’est poursuivie jusqu’en 1989, alors que l’Iso Rivolta - certes lancée quatre ans plus tôt - s’est retirée du marché dès 1974.
La De Tomaso Deauville lancée en 1971 est une grande berline luxueuse et performante, mais son style abandonne les formes avant-gardistes des Mangusta et Pantera. Le modèle s’inspire plutôt du classicisme d’une Jaguar XJ6. Du coup, elle semble moins moderne qu’une Iso Fidia lancée pourtant quatre ans plus tôt. Ces deux berlines ont battu à plate couture la Monteverdi 375/4 qui n’a pas dépassé les 13 unités (voire les 28 unités citées par une autre source). Le point sur lequel tout le monde est d’accord, c'est la ressemblance flagrante entre les lignes de la Deauville et celles de la Jaguar XJ6. Ce lien est volontiers assumé par Alessandro De Tomaso, car la Jaguar est alors considérée depuis son lancement en 1968 comme la plus belle et la plus racée des berlines de son époque.
La partie arrière de la Deauville est peut-être la moins réussie. Le constructeur n’a pas été jusqu’à copier la forme en " L " des feux de la Jaguar XJ6. 1972 : De Tomaso Longchamp Un an après la Deauville, De Tomaso complète sa gamme par un coupé classique et bourgeois, à moteur avant, moins excentrique que les Mangusta et Pantera à moteur central. Ce luxueux coupé 2 + 2 de 4,53 mètres de long est sensé concurrencer la Ferrari 365 GT4 2+2, lancée la même année. Animé par le 5,7 litres de 300 ch d’origine Ford et toujours dessiné par Tom Tjaarda, le coupé Longchamp peut atteindre 240 km/h, soit 10 km/h de plus que la berline Deauville, et autant que la Pantera.
La De Tomaso Longchamp lancée en 1972 est un coupé dérivé de la berline Deauville. Elle adopte pareillement un style classique qui sera repris tel quel sur la Maserati Kyalami à partir de 1977, la firme au trident ayant été reprise par De Tomaso en 1975. Le coupé De Tomaso Longchamp s’écoule à 395 exemplaires entre 1972 et 1989, auxquels il faut ajouter 14 cabriolets, alors que la Ferrari 365 GT4 2 + 2 à priori plus attrayante atteint 525 exemplaires. Il convient d'ajouter à ce nombre 1 708 Ferrari 400 et 576 Ferrari 412 produites ultérieurement avec la même carrosserie. Victoire écrasante pour Ferrari ! De Tomaso rachète Maserati à Citroën en 1975. La De Tomaso Longchamp devient une Maserati Kyalami. On compte 200 exemplaires supplémentaires pour cette Kyalami entre 1977 et 1983.
La partie arrière de la Longchamp s’avère plus réussie que celle de la Deauville. Elle est moins mollassonne, plus carrée et plus nerveuse. Elle rappelle les formes très géométriques des Monteverdi High Speed 375. La Maserati Kyalami reprendra cette partie arrière à quelques détails près. La Kyalami est dotée d’un moteur Maserati - un 4,2 litres développant 265 ch remplacé en 1978 par un 4,9 litres de 280 ch - et non du Ford V8 de 5,7 litres monté sur la Longchamp. Les modifications esthétiques apportées à la Kyalami pour la différencier de la Longchamp, et pour harmoniser son style avec celui des autres Maserati, sont signées Pietro Frua et non Tom Tjaarda. Frua, dont c’est l'une des dernières réalisations, a surtout modifié les parties avant et arrière. Il s'est inspiré du projet de la remplaçante de la Quattroporte proposé à Citroën en 1971. Ce projet a été refusé par l’état-major de Javel, qui avait à ce moment-là un autre chantier de berline haut de gamme sur le feu, qui deviendra la Quattroporte II. Le constructeur français a en effet pris le contrôle de Maserati en 1968. 1996 : De Tomaso Guara Au début des années 1990, De Tomaso connaît de graves difficultés financières et doit se séparer en 1993 des constructeurs automobiles rachetés dans les années 70, Innocenti et Maserati, qui sont revendus au groupe Fiat. De plus, la production de la Pantera est stoppée, quatre ans après celle des Deauville et Longchamp. Plus aucun modèle n’est donc en fabrication dans son atelier de Modène. Pour Alessandro De Tomaso, c’est un constat d’échec qui lui rappelle douloureusement la chute de Facel Vega en 1964, celle d’Iso Rivolta en 1974 et celle de Monteverdi en 1984. L’année 1994 signera-t-elle la fin de la marque De Tomaso ?
La De Tomaso Guara lancée en 1996 doit être le point de départ d’une nouvelle génération de modèles de la marque. Fortement inspirée des Mangusta et Pantera, elle ne peut s’imposer face à une concurrence accrue. C'est le dernier modèle d’Alessandro De Tomaso qui disparaît en 2003 à l’âge de 74 ans. Non, car la production qui s’est interrompue en 1993 pour cause de faillite reprend à très petite cadence à partir de 1996, avec le lancement de la Guara. Héritière des Mangusta et Pantera, cette nouvelle berlinette de 4,20 mètres de long, à moteur central, possède initialement un moteur BMW V8 de 4 litres et 286 ch. Elle renoue avec le moteur Ford à partir de 1998, un V8 de 4,6 litres et 320 ch, emprunté à la Mustang. La Guara atteint ainsi 270 km/h, bien mieux que les Mangusta et Pantera. Hélas, les ventes de la Guara demeurent anecdotiques, puisqu’elles ne dépassent pas la cinquantaine d'exemplaires. De Tomaso est bien incapable de revenir aux années fastes de la Pantera, quand les cadences de production battaient record sur record. L’histoire de cette marque se termine avec la disparition de son fondateur Alessandro De Tomaso en 2003. Au total, De Tomaso aura produit 8 415 voitures sous son propre nom. Texte : Jean-Michel
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