Genève 1959


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En raison de l'absence de toute industrie automobile nationale, la Suisse est un territoire de confrontation pour les constructeurs automobiles. Sur ce marché, la France est le pays qui a le plus progressé en 1958. Ses constructeurs ont vendu 12 254 véhicules, contre 10 892 en 1957. Ils se placent en deuxième position dans le classement des nations importatrices, grâce notamment à l'amélioration régulière de leurs services de distribution et de leur après-vente. Pendant la même période, les constructeurs allemands qui détiennent tout de près 57 % de part de marché, avec 33 795 ventes en 1958, semblent plafonner. Les constructeurs italiens, britannique et américains rétrogradent avec respectivement 5 412, 4 893 et 2 694 immatriculations. La Tchécoslovaquie et la Suède ferment la marche avec 166 et 105 ventes.

L'absence de Volkswagen a été une surprise pour les visiteurs. On évoque un désaccord avec les organisateurs du Salon. A moins que Volkswagen, satisfait de ses 20 % de part de marché, avec plus de 12 700 unités écoulées en Suisse en 1958, ait considéré que l'investissement n'en valait pas la chandelle, faute par ailleurs de nouveauté à présenter. Volkswagen fait, il est vrai, quasiment de la monoculture avec sa veille Coccinelle. Son cousin Porsche a suivi le même mauvais exemple, et est également absent. Le règlement du Salon est tel que l'absence d'un constructeur entraîne l'interdiction des entreprises indépendantes qui travaillent sur ses châssis. Par conséquent, le suisse Enzmann qui produit une voiture de sport sur châssis VW a été interdit de stand.

C'est Opel qui vient immédiatement derrière Volkswagen avec 9 754 voitures vendues l'an dernier. Pour les Français, les modèles qui attirent la clientèle sont la Peugeot 403, en bonne voisine, et la Renault Dauphine, avec respectivement 3 669 et 3 597 unités. Au global, les immatriculations se portent bien en Suisse, avec pour reprendre des données plus récentes 8 500 unités en janvier 1959, contre seulement 6 300 en janvier 1958.


Traditionnellement réticent à lancer de nouveaux modèles au printemps, Fiat a surpris son monde en dévoilant la 1800, une berline destinée à conquérir le nouveau Marché Commun. Dotée d'un six cylindres de 1 795 cm3 développant 75 chevaux, cette voiture est classique dans son approche. En effet, le constructeur a voulu préserver les acheteurs de toute surprise ou maladie de jeunesse. En lieu et place des rondeurs des modèles précédents, la 1800 se démarque par ses lignes anguleuses signées Pinin Farina. L'ensemble est élégant, même si l'on peut regretter que le célèbre carrossier ait vendu une carrosserie à peu près identique à la British Motor Corporation. Malgré un volume intérieur modeste, la 1800 se positionne dans une gamme supérieure, avec un tarif aligné sur celui, par exemple, des Simca Beaulieu et Citroën ID 19.

Fiat 1800Copyright

Après le succès mitigé de la Fiat 1200 TV, le constructeur italien renouvelle son offre sur le marché des cabriolets, avec un modèle plus moderne. Né d'une collaboration avec Pinin Farina, la Fiat 1200 Spider se positionne clairement comme une voiture de tourisme, privilégiant le confort à toute prétention sportive. Son design reprend les codes esthétiques du carrossier turinois. Les lignes, à la fois fluides et marquées par quelques angles vifs, adoptent une esthétique plus européenne et cubique. Les usages qui ont cours aux Etats-Unis, notamment l'usage d'ailerons marqués et d'un pare-brise panoramique, sont abandonnés.

Fiat 1200 CabrioletCopyright

Lancée à Turin en 1953, l'Appia, petite sœur de l'Aurelia, a marqué un tournant pour Lancia. Conjuguant un certain raffinement technique cher à la marque et des coûts de production raisonnables, l'Appia a immédiatement trouvé son public. Son succès a permis à Gianni Lancia de financer l'ambitieux programme sportif qu'il a initié en 1952. En 1956, une deuxième génération a vu le jour. La concurrence de l'Alfa Romeo Giulietta a obligé Lancia a faire évoluer sa berline moyenne. La troisième génération, dévoilée à Genève, marque une rupture stylistique avec l'adoption d'une calandre horizontale plus moderne, à la manière de la Flaminia. Sa nouvelle identité visuelle, plus moderne et moins ostentatoire, s'inscrit dans une volonté de séduire un public plus large. Plus que jamais, l'Appia se positionne sur le marché des petites voitures familiales haut de gamme.

Lancia Appia, troisième sérieCopyright

Révélé à Turin en 1956, le prototype Super Flow de Pinin Farina étonna par son design avant-gardiste, inspiré de l'aéronautique. Ses flancs convexes, soulignés par une moulure concave, et son cockpit futuriste en faisaient une voiture hors du commun. Le pare-brise panoramique et les ailerons étaient d'inspiration américaine. Son nom de baptême sonnait d'ailleurs comme un appel du pied au marché américain. La Super Flow II, présentée à Paris six mois plus tard, conservait l'esprit initial tout en affinant certains détails. La Super Flow III, exposée cette année à Genève, se mue en barquette, abandonnant toit et ailerons au profit d'une ligne plus pure. Ce troisième prototype témoigne d'une recherche constante de l'équilibre entre l'audace et l'élégance.

Alfa Romeo Super Flow III par Pinin FarinaCopyright

Le carrossier Vignale est de plus en plus présent sur la scène italienne. Il est associé à Giovanni Michelotti qui lui dessine toutes ses carrosseries spéciales. Il travaille pour de grands constructeurs, notamment le britannique Standard, qui expose à Genève un prototype Triumph. Bertone de son côté expose une nouvelle carrosserie, sur la plateforme d'un cabriolet 2000. Il s'agit d'un coupé qui reprend certaines des solutions actuelles dans le domaine du style, notamment les portières à encadrement rapporté et un habitable assez angulaire, en les conciliant avec des lignes souples et agréables.

Alfa Romeo 2000, par BertoneCopyright

Citroën et Panhard partagent un stand commun. Sur un autre stand, la Simca Fulgur intrigue les visiteurs. Cette voiture de rêve affiche des formes aérodynamiques poussées à l'extrême. Elle semble s'inspirer de ce qui se fait dans l'aéronautique, notamment de l'avion à réaction Fouga Magister. Ses roues, dissimulées derrière des panneaux lisses, et son avant épuré, accentuent son caractère avant-gardiste. Simca annonce une motorisation électrique alimentée par des piles atomiques, promettant une autonomie exceptionnelle d'environ 5 000 km, et des performances vertigineuses, avec une vitesse de pointe pouvant atteindre 300 km/h. Un système de gyroscope associé à des suspensions rétractables confère à la Fulgur des capacités inédites, comme la possibilité d'escamoter les roues à haute vitesse. Toutefois, la faisabilité technique de ce prototype, aussi séduisante soit-elle sur le papier, demeure incertaine, laissant planer un voile de mystère sur cet engin hors du commun.

Simca FulgurCopyright

La Vauxhall Victor Série II, autre nouveauté à Genève, arbore un look totalement revu. Le capot, la calandre, les pare-chocs et les feux sont redessinés, tandis que les ailes arrière, le capot de coffre et la visière du pare-brise, font également l'objet de modifications. Ces retouches esthétiques confèrent à la Victor un aspect plus moderne et dynamique. Sous cette robe renouvelée, la berline britannique reste fidèle à ses fondamentaux, misant sur des solutions techniques éprouvées, pour séduire une clientèle en quête d'une berline 1500 fiable et confortable. Le succès de Vauxhall, filiale britannique de la General Motors depuis 1925, ne se dément pas. Le constructeur a exporté plus de 100 000 véhicules en 1958, dont près de 42 000 Victor, témoignant ainsi de l'attrait de ce modèle auprès du public.

Vauxhall Victor Série IICopyright

Ford UK expose les Consul, Zephyr et Zodiac elles aussi retouchées, avec un toit un peu plus plat et des chromes plus abondants. La Rover 3 litres, connue depuis le Salon de Londres, fait sa première apparition sur le marché suisse. La petite maison britannique Berkeley expose la 700. Cette voiture utilisait jusque-là des moteurs deux temps à deux et trois cylindres, de 328 ou 492 cm3. La quatre temps Royal Enfield de 692 cm3 affiche 41 ch en version normale et 51 ch en version sport. Son poids plume de 350 kg lui permet d'afficher des performances enviables.

Les américaines du millésime 1959 sont présentes, au grand complet, mais déjà on évoque ce que seront les voitures de 1960. La course au gigantisme est déclenchée depuis quelques années aux Etats-Unis, et on se demande bien quand s'arrêteront ces outrances. Nash Rambler et Studebaker, deux indépendants que l'on dit en difficulté, ont décidé de prendre le contre-pied de la concurrence, et de faire marche arrière. L'un est présent avec l'American, l'autre avec la Lark, deux compactes plus maniables en ville et plus économiques à l'achat. Elles commencent à intéresser une clientèle qui tourne le dos au " toujours plus ". Les trois géants que sont la General Motors, Ford et Chrysler regardent ces voitures avec circonspection.

Rambler AmericanCopyright

L'élégant coupé Alexander, aux lignes avant-gardistes, est né de la rencontre improbable entre le constructeur allemand Lloyd, et le célèbre carrossier italien, Pietro Frua. Lloyd, filiale de Borgward, est connu pour ses petites voitures économiques. En revanche, Pietro Frua est réputé pour ses créations audacieuses et élégantes, souvent destinées à des marques de luxe. La Lloyd Alexander est un coupé qui allie la simplicité de l'automobile populaire à l'esthétique raffinée de la carrosserie italienne. Ses lignes fluides et élancées, ses phares en amande et sa calandre expressive lui confèrent une allure à la fois sportive et élégante.

Lloyd Alexander, à partir d'un dessin de Pietro FruaCopyright

Les différentes versions de la Scimitar du designer Brooks Stevens ont été réalisées pour une société d'aluminium du nom d'Olin Mathiesson, par le carrossier allemand Reutter, par ailleurs fournisseur de Porsche. Ces voitures présentent quelques solutions originales, mais doivent surtout être considérées comme des " show cars " destinées à faire de la publicité pour leur commanditaire. Aucune production n'est en effet envisagée. Ce qui est nouveau dans la démarche de la Scimitar, c'est la volonté d'Olin Mathiesson de démontrer que l'aluminium peut être utilisé de manière rentable dans une industrie où la construction en acier domine.

Olin Mathiesson ScimitarCopyright

On sait que la Suisse, à défaut de posséder une industrie automobile, abrite quelques constructeurs de poids lourds à la réputation bien établie, notamment Saurer ou Berna. A mi-chemin entre ces deux activités, le public a découvert à Genève un véhicule tout-terrain à six roues motrices. Le Meili Metra est propulsé par un moteur Porsche. Il peut s'arc-bouter sur quatre roues, et franchir des obstacles comme s'il avait des chenilles.

Meili MetraCopyright

Beutler est un nom qui résonne dans le monde de l'automobile, particulièrement parmi les amateurs de voitures classiques et de modèles uniques. Ce carrossier suisse, installé à Thoune (Thun en allemand) dans le canton de Berne, fondé par les frères Fritz et Ernst Beutler en 1946, s'est rapidement fait remarquer pour son savoir-faire exceptionnel et ses créations originales. L'une des collaborations les plus marquantes de Beutler a été celle avec la jeune marque Porsche. Le carrossier suisse avait été choisi pour construire le prototype du cabriolet 356, présenté au Salon de Genève en 1949. Cette reconnaissance ouvrait les portes à de nombreuses autres opportunités. Le carrossier expose cette année un cabriolet DS 19. Celui-ci conserve la plupart des panneaux de carrosserie d'origine. La porte de la berline est maintenue, ainsi que l'aile arrière qui reste démontable. Les montants du pare-brise sont plus épais et renforcés.

Beutler Citroën DS. Source : L'Automobile, numéro 156, avril 1959

Si les années 50 ont été marquées par une certaine flamboyance dans le design automobile, le Salon de Genève 1959 témoigne d'une évolution vers un style plus épuré et fonctionnel. Les lignes deviennent plus tendues, les chromes moins ostentatoires. Les constructeurs cherchent à allier esthétique et aérodynamisme, préfigurant sans aucun doute les formes de la prochaine décennie.

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