Simca Cinq, Six et 8


Fiat diffuse ses automobiles en France à partir de 1907 par le biais d'Ernest Loste, un ancien coureur cycliste. Celui-ci opère d'abord en son nom propre, puis à partir de 1926 sous celui de la SAFAF, Société Anonyme Française des Automobiles Fiat, dont, en tant que seul apporteur, il prend la présidence. Pour assister ce dernier dans ses fonctions, Fiat nomme le jeune Enrico Teodoro Pigozzi, 28 ans, au poste de directeur général. Afin de lutter contre la xénophobie ambiante, Pigozzi fait le choix de franciser ses prénoms en Henri Théodore. Ce Piémontais a débuté dans la vie professionnelle en récupérant en France des métaux pour les fonderies du groupe Fiat. Ce n'est donc pas un inconnu pour le géant de Turin.

Sous couvert de la SAFAF, Fiat augmente régulièrement ses ventes dans l'Hexagone, jusqu'à ce que la crise apparue aux Etats-Unis en 1929 ne rattrape le Vieux Continent à l'aube des années 30. Le protectionnisme tend alors à se répandre dans la plupart des états européens, avec des droits de douane de plus en plus élevés. Parallèlement, le contexte politique se tend, et les démocraties rechignent à traiter avec l'état fasciste qu'est devenu l'Italie.

La solution envisagée par HT Pigozzi est de produire directement en France la petite Fiat 6 CV Ballila. A partir de 1932, il s'entoure d'une kyrielle de sous-traitants qualifiés afin de fabriquer sur notre territoire un maximum de composants. Il suffit ensuite de les assembler dans un entrepôt situé à Suresnes, et de vendre ces automobiles sous le blason de Fiat France. Le succès est au rendez-vous. Le nom de SAFAF demeure, mais se transforme en Société Anonyme Française pour la Fabrication en France des automobiles Fiat.

Fiat 6 CV Ballila

C'est le moment de franchir une nouvelle étape. Fiat et HT Pigozzi décident de s'implanter de manière plus durable en créant de toutes pièces une nouvelle marque française. C'est ainsi qu'est fondée le 2 novembre 1934 la SIMCA (Société Industrielle de Mécanique et de Construction Automobile). La Simca devra regrouper la fabrication et le montage de l'ensemble des éléments de la 6 CV d'origine Fiat. HT Pigozzi se met en quête d'un site industriel capable d'accueillir ses futures installations. Le constructeur Donnet installé à Nanterre est déclaré en faillite en décembre 1934. Son usine - quasiment neuve - est à vendre. L'acquisition est rondement menée par les actionnaires de Simca. Roger Fighiera est le président de Simca, et HT Pigozzi l'administrateur délégué, pour tout dire le directeur.


Salon 1934, millésime 1935


Utilitaire :
Fiat 6 CV Commerciale 250 kg

Fiat France (SAFAF) expose sa 6 CV, en différentes versions : berline deux et quatre portes, coupé, roadster, roadster sport et berline commerciale, dont la charge utile est limitée à 250 kg. Cette dernière est dotée du moteur qui équipe toute la gamme des 6 CV, à l'exception du roadster sport, un 995 cm3 de 24 ch. Parallèlement, Fiat propose la 11 CV, son modèle haut de gamme, dépourvu de toute variante utilitaire. Ces automobiles sont encore produites à Suresnes.

Fiat 6 CV Commerciale

La SAFAF est dissoute le 1er juillet 1935. Désormais, les voitures qui sortent de Nanterre portent le logo Fiat barré - encore discrètement - par le nom de Simca. A cette époque, on ne peut évidemment pas imaginer l'importance que prendra cette nouvelle marque dans le paysage automobile français durant les Trente Glorieuses.


Salon 1935, millésime 1936


Utilitaires :
Fiat 6 CV Commerciale 250 kg
Fiat 6 CV Fourgonnette 300 kg (à partir de mars)

Les marques Fiat et Simca demeurent officiellement associées sur le stand du Grand Palais. La gamme des utilitaires s'étoffe en mars avec l'arrivée d'une 6 CV Fourgonnette de 300 kg. La brochure publicitaire qui décrit ces deux modèles ne fait encore mention que de la marque Fiat.

Fiat 6 CV Commerciale

Le 30 mars 1936, Roger Fighiera et HT Pigozzi présentent à la presse la toute nouvelle Simca Cinq construite sur le site de Nanterre, une usine complètement rénovée, où s'activent près de 3000 personnes. La voiture française vole la politesse à son homologue italienne, la Fiat 500 Topolino, qui ne sera dévoilée en Italie que quelques semaines plus tard. La Cinq est dotée d'un petit 4 cylindres de 569 cm3 qui développe 16 ch.

Comparé au logo de 1935 (à gauche), celui de 1936 fait ressortir de manière plus évidente le nom de Simca.

Les mouvements sociaux de 1936 avec l'arrivée aux commandes du pays du Front populaire perturbent la mise en production de la nouvelle petite Simca. Les premiers congés d'été attribués aux salariés ne font que décaler son lancement. La Simca Cinq n'est finalement disponible qu'à partir de septembre, en version coupé tôlé de tourisme.


Salon 1936, millésime 1937


Utilitaires :
Fiat 6 CV Commerciale 250 kg
Fiat 6 CV Fourgonnette 300 kg

La Simca Cinq décapotable rejoint la version coupé tôlé au Salon de Paris 1936. Mais la principale attraction du stand Simca est la nouvelle Simca 8, équivalent français de la Fiat Nuova Balilla 1100. Ses lignes s'inspirent à une échelle plus grande de celles de sa petite soeur la Cinq. Son 4 cylindres 1090 cm3 développe 32 ch, ce qui en fait un modèle très attrayant dans sa catégorie. La Simca 8 n'est pour l'instant disponible qu'en berline ou en cabriolet. Il n'est pas question, et il ne sera pas question avant la guerre d'en extrapoler le moindre utilitaire.

L'arrivée en mars 1936 de la Simca Cinq, puis en octobre de la Simca 8 conduit vers la sortie dès septembre toutes les versions tourisme des Simca Fiat 6 et 11 CV. Seule la version Fourgonnette va faire de la résistance au-delà de 1937.

La Simca Cinq dans sa version décapotable


Salon 1937, millésime 1938


Utilitaires :
Fiat 6 CV Fourgonnette 300 kg
Simca Cinq Fourgonnette

La Fiat 6 CV Fourgonnette est présente une dernière fois sur le stand Simca lors du salon parisien de 1937, avant de quitter le programme de production peu après. La nouveauté du moment est la Simca Cinq Fourgonnette. Sa charge utile est limitée à 250 kg, comme l'ancienne Fiat 6 CV Commerciale.

La nouveauté Simca du Salon de Paris 1937

Chez Simca, on rechigne de plus en plus à marquer ses relations avec Fiat, marque d'un état fasciste. Les relations entre la France et l'Italie sont en effet tendues. Le nouveau logo qui apparaît dans les premiers mois de 1938 ne laisse plus apparaître que le nom de Simca. Une hirondelle stylisée surmonte la mention Simca Nanterre.


Salon 1938, millésime 1939


Utilitaire :
Simca Cinq Fourgonnette

La Simca Cinq Fourgonnette est la seule à représenter la catégorie des utilitaires. Pour le reste, la gamme Simca est quasiment inchangée par rapport à celle de l'année précédente.


1940/1945


Simca n'est pas comme ses concurrents soumis à l'effort de guerre dès 1939. L'Italie n'a pas encore officiellement choisi son camp lors de la déclaration de guerre, et le gouvernement français préfère pour l'instant ménager les intérêts italiens dans notre pays. Le 10 juin 1940, l'Italie déclare finalement la guerre à la France et à l'Angleterre. Les choses deviennent plus claires. L'occupant allemand autorise la production des Simca Cinq et 8 dans l'intérêt de leur nouvel allié transalpin. Il est d'ailleurs le premier client de l'usine de Nanterre.

Sur proposition de Fiat, l'usine est dirigée par Hans Renken, haut responsable de la Deutsche FIAT AG qui contrôlait la firme NSU FIAT. La vie continue à Nanterre. Il est produit 5 515 voitures en 1940, 7 094 en 1941 et 2 849 en 1942. Mais à partir de 1943, l'armée allemande connaît de graves difficultés sur le front russe. L'occupant décide de réduire considérablement la production de voitures civiles pour se concentrer sur la fabrication de matériel militaire. 141 Simca sont assemblées cette année-là.

En 1941, Simca adhère au GFA (Générale Française Automobile), présidé par le Baron Charles Petiet. L'objectif de ce groupement qui rassemble plusieurs constructeurs de moyenne importance, tant d'automobiles que de camions (Delahaye, La Licorne, Hotchkiss ...), est de faciliter l'achat de matières premières à une époque où celles-ci sont rares. L'autre idée qui prévaut est d'éviter toute concurrence frontale improductive entre les différents membres. Parallèlement, par cette adhésion, Simca affirme son attachement à la France, ce qui pourra lui éviter des ennuis à la fin de la Guerre.

Paris est libéré en août 1944. Par chance, l'usine de Nanterre est intacte. Elle n'a jamais constitué une cible privilégiée par les alliés lors des bombardements. Une discussion s'engage pour définir l'avenir de Simca. Le constructeur échappe à la nationalisation en acceptant de produire l'AGF, une voiture conçue par Jean-Albert Grégoire pendant la guerre. HT Pigozzi préfère prendre le large durant quelques mois, le temps que les comités d'épuration accomplissent leurs basses oeuvres.

La suite des évènements ne va pas vraiment se dérouler comme prévu. L'industrialisation de l'AGF, création de Grégoire, s'avère hors de prix. Et surtout pourquoi s'embarrasser avec un tel véhicule, alors qu'il suffit de relancer les chaînes intactes des Simca Cinq et 8 dont l'outillage est déjà largement amorti. HT Pigozzi finit par reprendre en  juin 1945 les commandes de son entreprise. Les relations avec Grégoire sont tendues. Au final, le plan de financement de l'industrialisation de l'AGF n'aboutit pas, et Jean-Albert Grégoire quitte Simca début 1947.

203 voitures sont produites en 1944 et 112 en 1945. L'activité essentielle de Simca en attendant toute reprise de production automobile significative est de réparer pour le compte de l'armée américaine les moteurs des Jeep utilisées par les alliés, ce qui permet de maintenir un certain niveau d'activité et de solides revenus à l'usine de Nanterre.

A partir de 1941, la mention de GFA est positionnée sur le sigle Simca Nanterre. Il n'est absolument plus question de la marque Fiat. La présence de l'hirondelle marque bien l'appétit d'oiseau des voitures Simca.


Millésime 1946


Utilitaire :
Simca Cinq Fourgonnette

La production automobile des Simca Cinq et 8 reprend en mai 1946. Faire l'acquisition d'une automobile de tourisme reste extrêmement difficile. L'essentiel de la production part vers l'étranger : il faut faire rentrer des devises ... Les voitures qui restent en France sont accessibles grâce à des licences d'achat délivrées avec parcimonie par les pouvoirs publics. Les utilitaires n'ont pas à supporter les mêmes contraintes. Durant l'année 1946, le seul utilitaire disponible est la Simca Cinq Fourgonnette. Un total de 8 243 voitures sont produites durant ce millésime.


Salon 1946, Millésime 1947


Utilitaires :
Simca Cinq Fourgonnette
Simca 8 Camionnette 500 kg
Simca 8 Fourgonnette tôlée

Pour renforcer son offre d'utilitaires, Simca propose sa Simca 8 en version Camionnette 500 kg et en Fourgonnette tôlée. Ce type de véhicule répond parfaitement à la demande du moment dans un pays en pleine reconstruction. Le moteur est toujours le 1090 cm3 de 32 ch d'avant-guerre.

Feuillet publicitaire recto verso

La page verso de ce dépliant 1947 avec la Simca 8 Camionnette 500 kg et la Simca Cinq Fourgonnette 250 kg


Salon 1947, Millésime 1948


Utilitaires :
Simca Cinq Fourgonnette
Simca 8 Camionnette 500 kg
Simca 8 Fourgonnette tôlée
Simca 8 Break (au cours de l'été 1948)

Le nouveau visage de la Simca Six

La nouvelle Simca Six est présentée lors du Salon d'octobre 1947. Celle-ci reprend la cellule centrale de la Simca Cinq. Par contre, sa physionomie est bouleversée par l'adoption d'une calandre plus basse et plus large s'inspirant des productions américaines. Les phares sont intégrés dans les ailes semi-ponton. Le quatre cylindreS de 569 cm3 dispose d'une puissance de 16 ch, contre 13 ch sur la Cinq. La Simca Cinq Fourgonnette reste au programme, n'ayant pas encore d'équivalent sur base Simca Six. 

Le succès de la Simca 8 ne se dément pas. Durant l'été apparaît officiellement au catalogue un break avec carrosserie bois de 450 kg de charge utile. Il est assemblé dans les ateliers de la SIOP (Société Industrielle de l'Ouest Parisien), fabriquant par ailleurs des automobiles Rosengart.

Reproduction des quatre pages du catalogue 1948, avec notamment le break bois

La carrosserie R. Kramer installée à Boulogne-sur-Seine présente à cette époque une version façon bois à mi-chemin entre la voiture de tourisme et l'utilitaire. Celle-ci présente la particularité de disposer de sièges escamotables.

Le break Simca 8 revisité par le carrossier Kraemer


Salon 1948, Millésime 1949


Simca Cinq Fourgonnette (jusqu'en février)
Simca Six Fourgonnette (à partir de mars)
Simca 8 Camionnette 500 kg
Simca 8 Fourgonnette tôlée
Simca 8 Break

La Simca Six ne rencontre qu'un succès mitigé. Elle se heurte à la concurrence frontale des récentes Renault 4 CV et Citroën 2 CV. L'une et l'autre disposent de quatre portes et de quatre places, contre deux pour la Simca Six. Qui plus est, elles sont bien moins chères à l'achat. Le seul argument qui puisse jouer en faveur de la Simca Six est son style sympathique et sa plus grande vivacité sur route. Cette situation n'empêche pas Simca de remplacer en février 1949 la Simca Cinq Fourgonnette par son équivalent sur base Simca Six.

La carrière de la Simca Six Fourgonnette sera de courte durée


Salon 1949, Millésime 1950


Simca Six Fourgonnette (jusqu'à l'été 1950)
Simca 8 1200 Camionnette 500 kg
Simca 8 1200 Fourgonnette tôlée
Simca 8 1200 Commerciale

La Simca 8 évolue en recevant à partir d'octobre 1949 le nouveau moteur 1221 cm3 de la Simca 8 Sport, dont la puissance est limitée à 40 ch (au lieu de 50). Parallèlement apparaît la Simca 8 Commerciale 450 kg moins coûteuse à produire que le Break bois qu'elle remplace. La production des Simca Six Fourgonnette est arrêtée au cours de l'été 1950.

Simca 8 Commerciale 1200


Salon 1950, Millésime 1951


Simca 8 1200 Camionnette 500 kg
Simca 8 1200 Fourgonnette tôlée
Simca 8 1200 Commerciale

Les trois utilitaires sur base Simca 8 1200 terminent paisiblement leur carrière. Simca expose en octobre 1951 à Paris leurs remplaçants sur base Aronde, mais ceux-ci ne seront effectivement  disponibles qu'un an plus tard.

Simca 8 1200 Fourgonnette tôlée

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