Trojan


Créée en 1922, la marque automobile britannique Trojan s'est employée à commercialiser le véhicule d'entrée de gamme le moins cher du marché. A partir de 1936, l'entreprise se concentre sur la production de petits véhicules utilitaires. En 1961, Trojan revient à l'automobile en reprenant à son compte le modèle compact Heinkel fabriqué de 1956 à 1961. Cette production cesse en 1964.


La société Trojan était fondée en 1922 par Leslie Hayward Hounsfield (1877-1957). Il étudiait dès 1910 une voiture simple, économique, facile à conduire, qui puisse devenir un outil universel. Le prototype était prêt en 1913, mais sa production ne fut pas entreprise en raison de la guerre. Sans perdre espoir en son projet, une première série de six voitures était fabriquée en 1920. La version définitive voyait le jour au Salon de Londres en 1922. Un accord était conclu avec la Leyland Motors qui en assurait la production dans son usine de Kingston-on-Thames. Il était surprenant de voir ce groupe qui fabriquait non seulement des camions, mais également la très luxueuse Leyland Eight, se mettre à fabriquer un modèle aussi élémentaire.

La Trojan était économique à l'achat et à l'utilisation. En 1925, son prix équivalait à celui d'une Ford T. Il s'agissait surtout de la quatre places de conception britannique la moins chère du marché. Son avantage prix séduisait de nombreux acheteurs qui n'attachaient que peu d'importance aux apparences, car en effet la Trojan n'était pas très gracieuse. Lors d'une campagne de publicité, Trojan expliqua qu'il n'était pas plus coûteux de couvrir la distance de 200 miles à bord d'une de ses voitures qu'à pied, au regard du budget qu'il était nécessaire de consacrer à l'achat de chaussures et au remplacement des chaussettes !

Publicité Trojan, 1926

La Trojan se distinguait jusqu'en 1929 par ses roues à bandage plein, les pneumatiques n'étant proposés qu'en option. Le confort des passagers était suffisamment assuré par de très longs et très souples ressorts dans chaque angle. La puissance de traction de la Trojan et son aptitude à grimper toutes les côtes en firent un modèle apprécié. Mais sa vitesse maximale n'était que de 60 km/h, et ses accélérations poussives. Ce véhicule connut un réel succès, surtout en version camionnette de livraison. Le contrat passé avec la société des thés Brooke Bond qui en équipa son parc contribua à la notoriété de Trojan.

Trojan 3-door Tourer, environ 1927

L'accord avec Leyland dura jusqu'à ce que l'industriel, qui souhaitait de la place dans son usine pour assembler des poids lourds, ne décide de suspendre la production de la Trojan. Environ 11 000 voitures de tourisme et 6 700 versions utilitaires furent assemblées jusqu'en 1928. La fabrication était alors transférée dans les établissements Trojan à Croydon, près de Londres.

Le secteur des véhicules commerciaux de l'entreprise continuait à prospérer, tandis que celui des automobiles, malgré quelques tentatives de modernisation des produits, avec en 1930 un nouveau modèle dénommé Trojan RE (il n'en fut produit qu'environ 250 exemplaires jusqu'en 1934), s'avérait moins porteur. En 1935, la firme présentait la Mastra, une voiture 6 cylindres 2,2 litres qui n'atteignit pas le stade de la production. Entre-temps, Leslie Hayward Hounsfield avait quitté l'entreprise, et fondé une autre société qui allait fabriquer des lits de camp. Durant la Seconde Guerre mondiale, il s'en écoula des milliers.

En octobre 1936, la maison de Croydon annonçait son intention de ne se consacrer qu'à la production de véhicules commerciaux légers. Après la guerre, la construction d'utilitaires reprit, avec des moteurs Trojan jusqu'en 1952, puis avec des mécaniques diesel de chez Perkins.

Brochure Trojan, vers 1950

Publicité Trojan, vers 1953

En 1959, la société était rachetée par Peter Agg. Deux ans plus tard, la firme renouait avec la production automobile avec la voiture à trois roues Heinkel sous licence allemande, puis avec la voiture de sport Elva Courier.

Peter Agg en 1970

Heinkel, l'un des principaux constructeurs d'avions allemands, fut comme Messerschmitt après la guerre, contraint de trouver d'autres activités pour faire tourner ses usines. Après avoir assemblé des scooters, il construisait à partir de 1956 une petite voiture qui s'inspirait de l'Isetta, mais dans une version plus évoluée techniquement, avec en particulier l'adoption d'un moteur à quatre temps. Cette voiture se vendait bien, mais ne rapportait pas d'argent à Ernst Heinkel. En 1958, il fermait l'usine allemande d'où étaient sortis 11 975 véhicules, et transférait la chaîne de montage en Irlande, où 6 486 autres microcars furent assemblés. Mais la Heinkel irlandaise présentait de nombreux défauts, et l'image de cette voiture s'en trouva ternie.

En 1961, Trojan rachetait à Heinkel son site irlandais, ainsi que la chaîne de montage, une centaine de voitures finies et un stock de pièces. La production de la Trojan 200 démarrait durant l'été 1961, et s'échelonna jusqu'en 1964, avec de nouveau 6 187 exemplaires fabriqués. Les 3/4 étaient des trois roues, les autres en avaient quatre, ce qui améliorait la stabilité de l'engin. Il s'agissait néanmoins dans ce cas d'un essieu arrière étroit qui comptait pour une seule roue dans certains pays. Une part importante des Trojan 200 fut exportée vers l'Autriche, le Danemark, la Suède et la Suisse.

Trojan 200

Franck G. Nichols fondait en 1955 à Hasting la marque Elva pour produire une petite voiture de sport, la Courier. Malgré la présentation d'une version Mk 2 en 1961, le constructeur se trouvait en difficulté en 1962. Mise en liquidation, l'affaire était reprise par Trojan. Nichols conservait pour sa part une petite équipe afin de travailler sur de nouveaux projets.

Peter Agg proposait une nouvelle Mk 3, dotée d'un châssis à tubes carrés, d'un train avant de Triumph Spitfire, et toujours d'une mécanique MGA. Le manque d'expérience de Trojan en matière de voitures sportives n'était pas sans conséquence. La Mk 3 était complexe à produire, et disposait de performances moindres que la Mk 2.

Dans ce contexte difficile, Nichols fut appelé à la rescousse pour concevoir une version Courier Mk 4. La carrosserie était redessinée pour recevoir des portes de Triumph Spitfire, dotées de vitres descendantes qui remplaçaient avantageusement les petites vitres latérales de la Mk 3. La Mk4 empruntait son 4 cylindres 1800 cm3 à la MGB. La nouvelle collaboration avec Nichols ne se passait pas dans les meilleures conditions et les deux structures décidaient de se séparer. Au final, Trojan aura assemblé 210 Elva Courier Mk 3 et Mk 4 jusqu'en 1965.

Elva Mk 4 par Trojan

Nichols relançait la marque Elva en présentant au Salon de Turin de 1964 un coupé GT 160 à moteur central BMW. Celui-ci visait un marché bien plus haut de gamme que la Courier. Mais d'un prix de revient trop élevé, la voiture ne fut produite qu'en trois exemplaires.

Elva GT 160

La production de l'Elva Mk 4 était reprise en main par Ken Sheppard, qui assemblait les trente-huit derniers exemplaires dans l'usine Trojan de Croydon. Après quelques saisons en Formule 5000, Trojan s'engageait en F1 en 1974. Une nouvelle écurie du nom de Trojan Tauranac Racing prenait le départ de six Grands Prix, et obtenait comme meilleur résultat une dixième place. L'aventure s'achevait avant la fin de la saison, faute de budget.

Texte : André Le Roux / Jean-Michel Prillieux
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