Morris Minor Traveller
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'industrie automobile redémarre rapidement en Grande-Bretagne. La plupart des installations industrielles ont été épargnées durant la guerre. La demande intérieure est forte, mais surtout le pays a besoin de devises, et pour en obtenir il exporte massivement ses produits vers les pays du Commonwealth et les Etats-Unis. Le groupe Nuffield, dans lequel sont intégrées les marques Morris, MG, Riley et Wolseley, est le troisième constructeur automobile outre-Manche, derrière Austin et Ford. Ces deux constructeurs proposent déjà de nouveaux modèles, alors que Morris n'est présent sur le marché qu'avec les Eight et Ten conçues avant-guerre. Il est urgent pour Morris de réagir, avant de se faire distancer pas la concurrence.
Austin Eight, 1938/48 Un homme va jouer un rôle prépondérant dans la renaissance de Morris après-guerre : Alexandre Arnold Constantin Issigonis, plus connu sous le nom d'Alec Issigonis. Né en Grèce en 1906, celui-ci intègre le bureau d'études de Morris en 1936, après une première expérience chez Hillman. En 1941, en pleine guerre, la direction de Morris décide de lui confier le projet de l'étude d'une voiture populaire, susceptible d'être commercialisée quand la paix sera retrouvée, l'équivalent de notre 2 CV en quelque sorte. De par ses compétences, Issigonis a déjà une idée précise de ce que doit être une voiture moderne. Une fois l'étude menée à son terme, l'ingénieur aura à défendre le bien-fondé de sa proposition. En effet, le patron du groupe, en la personne de Lord Nuffield, est très frileux devant tant d'audace technique : carrosserie monocoque, moteur placé à l'extrême avant, roues de petit diamètre pour favoriser la tenue de route, freins hydrauliques, etc ... Le grand public ne tarde pas à connaître le résultat du travail. Dès 1948, Morris expose à Earls Court, premier salon automobile britannique d'après-guerre, la Morris Minor. Ses formes rondes, avec des ailes séparées, contrastent avec le style" razord edge " très en vogue à l'époque. Issigonis n'a pas osé le style ponton, lancé par Détroit, et que les concurrents britanniques peinent encore à interpréter correctement sans tomber dans le ridicule. Deux versions figurent au catalogue pour 1949, un coach et un cabriolet. Le modeste 4 cylindres maison de 918 cm3 développe 27 ch, et autorise une vitesse de 97 km/h.
Morris Minor, 1949 La version quatre portes apparaît au Salon de Londres en octobre 1950. A partir de janvier 1951, et pour répondre à la réglementation américaine, les phares sont repositionnés sur les ailes, modifiant ainsi l'expression du visage de la Minor. Les modèles exportés aux Etats-Unis sont déjà dotés de ce nouvel avant depuis 1949. Le groupe Nuffield fusionne avec son éternel rival Austin en février 1952, pour former la British Motor Corporation (BMC), et ainsi mieux faire face à la concurrence de Ford, leader en Grande- Bretagne sur le marché de la voiture populaire. Chaque marque conserve ses modèles, mais un début de standardisation est lancé. C'est ainsi que la Morris Minor adopte à partir du modèle 1953 la mécanique anémique - 803 cm3 et 30 ch - des Austin A 30. En mai 1953, un van et un pick-up étoffent l'offre. Ce n'est qu'en octobre 1953 qu'est commercialisé le break Traveller. Ce break " bois " qui s'inspire des " woodies " américains complète judicieusement la gamme, en la tirant vers le haut. Le bois ne joue ici qu'un rôle décoratif, et non pas structurel.
Morris Minor Traveller La Minor traverse les années 50, peu sensible à la concurrence interne et externe au groupe. Quelques améliorations ponctuent sa vie : nouvelle calandre en octobre 1954 avec des lamelles horizontales peintes en noir, élargissement de la palette des couleurs, nouveau moteur plus puissant - 948 cm3 et 37 ch - et suppression du pare-brise en deux parties en 1957. La Minor devient rapidement un classique dans son genre, comme la Coccinelle en Allemagne ou la 2 CV en France, faisant souffrir ses rivales : l'Austin A 35 avec ses lignes étriquées, les Standard Eight et Pennant sans âme, la Ford Popular déjà démodée ... La millionième Minor tombe de chaîne en 1960. Même la Mini apparue en 1959 ne lui fait que peu d'ombre. Cette dernière incarne le changement alors que la Minor est la gardienne d'une certaine tradition. Les deux voitures cohabiteront d'ailleurs au catalogue jusqu'en 1971. L'usure du temps marque tout de même la Minor à partir des années 60, face à une concurrence revigorée et à des automobiles aux lignes autrement plus modernes que la rondouillarde Minor. Citons par exemple la Triumph Herald ou la Ford Anglia, mais aussi quelques automobiles étrangères, comme la Renault Dauphine qui fait un tabac dans les rues de Londres. Dans le groupe BMC, l'Austin A 40 dessinée par Pinin Farina, puis les Austin et Morris 1100, dont la conception est dérivée de celle de la Mini, menacent aussi la Minor. Dans le cadre de la rationalisation de la production du groupe BMC, la Minor 1000 est proposée en 1962. Elle est dorénavant équipée de la même mécanique que les Austin A 40, MG Midget et Austin/Morris 1100. Avec une cylindrée de 1098 cm3 et une puissance de 48 ch, la Minor devient enfin vraiment plaisante à conduire. Désormais, cette automobile aux lignes délicieusement surannées, très " old england ", séduit plus une clientèle âgée et conservatrice. Elle parvient tout de même à occuper encore 2 % du marché britannique à la fin des années 60.
Morris Minor Traveller Lors de la création de la British Leyland en 1968, et du regroupement avec les marques Rover, Triumph et Jaguar, la Minor, contre toute attente, est maintenue en production, alors que sa concurrente, l'Austin A 40 née en 1958 est sacrifiée. Le cabriolet disparaît en août 1969, la berline en novembre 1970. L'une des dernières versions de tourisme à quitter les chaînes de production est ... le break Traveller en avril 1971, quelques mois avant les versions commerciales. Sur un total de 1 619 958 Morris Minor, il a été fabriqué 215 328 Traveller de 1953 à 1971. Ce modèle est à ranger au rayon des automobiles à succès, si l'on considère que ce type de carrosserie break était alors moins diffusé que de nos jours. Sa durée de vie, 18 ans, est exceptionnelle. Peu de Minor ont été vendues en France, en raison des taxes dissuasives, qui la mettait au même prix qu'une Citroën DS. Seuls quelques amateurs éclairés et sans problème de fin de mois, prêt à payer le prix fort pour acquérir une voiture vraiment différente, on fait l'acquisition de la version la plus originale, la Traveller.
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