Opel Kapitän, Admiral et Diplomat
Opel Admiral / Diplomat 1964/1968 Les nouvelles berlines Kapitän, Admiral et Diplomat, souvent identifiées par les initiales KAD, présentées en février 1964, renouvellent le haut de gamme Opel dont le style vieillissant est fortement ancré dans les années 50. Le constructeur de Rüsselsheim a décidé de franchir une nouvelle étape dans sa stratégie et dans ses ambitions, en s'attaquant à la catégorie des voitures de grand standing, malgré le caractère encore marginal de ce marché en Allemagne, au début des années 60. Une présence sur ce créneau peut contribuer à offrir à son constructeur une image valorisante, qui fait déjà tant défaut à Opel.
Opel Kapitan, 1964/1965 Le nouveau style des KAD de 1964, bien qu'en phase avec son époque, ne brille pas par sa légèreté. Certes, elles sont plus basses de 7 centimètres que les modèles antérieurs, mais leurs formes demeurent massives, avec une ceinture de caisse haut placée et un important porte-à-faux arrière qui nuit à l'équilibre d'ensemble. Les lignes des KAD sont largement inspirées des productions Chevrolet et Buick, mais elles ne se différencient pas suffisamment de la Rekord, un modèle Opel plus accessible. Au final, les KAD héritent d'une personnalité un peu bâtarde, positionnée entre deux continents.
Opel Diplomat, 1964/1968 La Kapitän est la version " de base ". L'Admiral, qui fait par son nom référence à une Opel d'avant-guerre, bénéficie d'un niveau d'équipement plus élevé. Pour l'instant, ces deux voitures sont équipées de l'ancien 6 cylindres 2,6 litres dont l'origine remonte à 1939. Sa puissance est ici portée à 100 ch. En septembre 1965, un nouveau 6 cylindres à l'étude depuis plusieurs années est enfin prêt. Il développe 125 ch. Une variante à deux carburateurs de 140 ch est disponible à partir de 1967. La Diplomat, qui joue le rôle de locomotive dans la gamme, emprunte son moteur dans le catalogue Chevrolet, un V8 4,6 litres de 190 ch. Un toit recouvert de simili cuir permet de la distinguer de ses " petites " soeurs. Cette mécanique est aussi disponible sur les Kapitän et Admiral, mais sous forme d'option. Ce 4,6 litres coexiste à partir de 1966 avec un 5,4 litres Chevrolet de 230 ch (330 exemplaires).
Opel Admiral, 1964/1968 Les performances commerciales des KAD sont honorables les deux premières années, avant que les ventes ne s'écroulent sous la barre des 5 000 unités en fin de carrière. En novembre 1968, les berlines Kapitän, Admiral et Diplomat s'éclipsent après avoir été produites respectivement à 24 249, 55 876 et 8 848 exemplaires. 113 exemplaires de la Kapitän et 623 de l'Admiral ont été équipés du V8 Chevrolet. Notons enfin la présence d'un Coupé Diplomat produit à 304 exemplaires. Déjà, on peut constater qu'un produit jugé pertinent pour l'Amérique du Nord ne l'est pas forcément dans la vieille Europe, sur un créneau où l'image compte autant que les qualités intrinsèques d'une auto. Et quitte à s'offrir un morceau d'Amérique, l'acheteur qui a quelques moyens préfère acquérir une vraie Chevrolet ou une vraie Buick, même s'il faut la payer un peu plus chère. Finalement, la clientèle européenne des voitures de luxe opte le plus souvent pour les valeurs éprouvées, encore et toujours représentées par BMW, Mercedes ou Jaguar.
Opel Kapitan, 1964/1965 Ce n'est que rarement l'aspect prix qui peut faire pencher le choix de l'acheteur pour une Opel. Certes, les KAD sont nettement moins coûteuses que les autres hauts de gamme allemands, pour des prestations dans certains cas supérieures, mais curieusement dans ce segment de marché, ce qui peut passer pour un avantage commercial n'en est pas un. La modicité d'un tarif peut à ce niveau constituer un contresens marketing. On n'achète pas une voiture de standing à bon marché ! Le coût fait partie de l'image, il induit une notion de privilège, flatte l'acquéreur, et contribue à nourrir le mythe. Opel Admiral / Diplomat 1969/1977 La première génération des KAD a été un semi-échec. Opel ne renonce pourtant pas à son objectif de venir taquiner Mercedes sur son terrain. Le constructeur met toute sa puissance industrielle et commerciale au service d'une seconde génération de son haut de gamme. Le niveau de qualité est renforcé, et les lignes s'européanisent, sans pour autant perdre complètement l'esprit américain. C'est à Nice que sont présentées les nouvelles KAD en février 1969, avant d'être exposées à Genève le mois suivant.
Opel Diplomat, 1969/1977 Les publicités de lancement mettent en avant le gabarit européen et la forme européenne, toute en distinction. On a abandonné " les fioritures inutiles ", référence à peine cachée au style US. Le format des nouvelles KAD est réduit de 3 centimètres en longueur, et surtout de 5 cm en largeur. Les projecteurs avant sont horizontaux sur la Kapitän et l'Admiral, et verticaux sur la Diplomat.Il y a peu de surprises sur le plan mécanique. Les Kapitän et Admiral usent toujours de 6 cylindres 2.8 litres avec trois niveaux de puissances, 132 ch, 145 ch avec deux carburateurs et 165 ch avec l'injection Bosch (seule l'Admiral utilise le moteur de 165 ch). La Diplomat est disponible avec le V8 de 230 ch Din, mais aussi pour les conducteurs soucieux de leur budget consommation avec le V6 2,8 litres à injection de 165 ch emprunté à L'Admiral. La série Kapitän peu demandée disparaît en avril 1970.
Opel Admiral, 1969/1975 En fin de carrière, en 1976 et 1977, l'Admiral s'incline à son tour, laissant seule la Diplomat défendre les couleurs du haut de gamme Opel. Dès lors, la Diplomat, en plus du V8 et du 6 cylindres à injection propose également le 6 cylindres à deux carburateurs. Opel commercialise à partir de 1973 une version longue de la Diplomat, mais celle-ci n'a pas la moindre chance de faire de l'ombre à la série SEL de Mercedes. La Diplomat coûte 31 340 francs en 1970 dans sa version 2,8 litres, et 38 310 francs avec le V8 Chevrolet. A titre de comparaison, une BMW 2500 est vendue 32 900 francs, et une Jaguar XJ6 37 680 francs.
Opel Diplomat, 1969/1977 Didier Charvet, dans l'Auto Journal du 1er juillet 1972, évoque tout l'intérêt d'acquérir une Diplomat : " En faisant l'acquisition d'une voiture, certains achètent d'abord une marque ; moi, je m'offre avant tout du confort. Les sigles de calandre valent trop cher. Je n'ai rien contre le disque sectorisé de BMW, les trois branches de l'étoile Mercedes ou le fauve élégant de Jaguar, mais je refuse de les payer cher ... Le monsieur qui s'offre une voiture de Russelsheim ne peut être qu'un citoyen modeste, respectueux des lois, dépourvu de tout agressivité inquiétante sur le plan social, et j'aime cette discrétion ... Pour le prix d'un modèle prestigieux " de base ", moi j'ai réclamé tous les gadgets et sous l'anonymat prudent d'une marque de grande série, je dissimule le raffinement d'une sorte de petite Rolls. Ainsi mon antenne radio est noyée dans le pare-brise, mes lève-glaces électriques sont ultra rapides et je possède même l'air conditionné, luxe suprême en Europe ... ".
Opel Admiral, 1969/1975 Plus encore que pour la première génération des KAD, l'échec commercial est évident. Si environ 18 000 exemplaires sont vendus la première année, ce nombre chute à 1 754 voitures dès 1974, après le premier choc pétrolier. Ensuite, les KAD retiennent l'attention selon les années d'environ 2 500 à 3 000 clients, et sont vendues dans trois cas sur quatre en 6 cylindres. Par rapport à la première génération diffusée à 89 277 exemplaires en un peu moins de cinq ans, le total s'élève ici à 61 619 voitures en neuf ans. Ce nombre se réparti en 4 976 Kapitän, 35 622 Admiral, 9 913 Diplomat 6 cylindres et 11 108 Diplomat V8. Les KAD sont devenues totalement marginales dans la gamme du constructeur, et représentent largement moins de 1 % de ses ventes.
Opel Kapitän, 1969/1970 Opel n'a jamais été récompensé des efforts fournis, pourtant nombreux. Le premier choc pétrolier ne peut pas à lui seul expliquer cette déroute. Encore une fois, Opel a souffert d'un manque de légitimité, et à force d'adapter le produit à la demande européenne, il a perdu justement de son attrait. Le marché était aussi en pleine mutation. Mercedes et BMW se sont spécialisés dans le haut de gamme avec des voitures autrement plus attrayantes (Mercedes S, BMW Série 7), tandis qu'Audi est monté doucement mais régulièrement en gamme. Face à ces trois marques, le fabriquant des Kadett et Ascona n'avait que peu d'illusion à se faire. Il était sorti de son territoire naturel pour s'aventurer à ses dépens dans une chasse bien gardée.
Opel Admiral, 1972/1977 |