Jeux de moto


Savez vous que certaines voitures ont été animées par des moteurs de scooter ou de moto. Par ailleurs, quelques rares motocyclettes ont adopté des mécaniques de voiture. Nous allons vous raconter cette histoire.

A la réflexion, il n'y a pas eu beaucoup de voitures à mécanique de moto car il s'agit d'un accouplement contre nature. Par son architecture, son volume, ses spécificités, ce genre de moteur n'est pas toujours à l'aise sous le capot d'une quatre roues. Ne croyez pas que nous allons évoquer les microcars comme la Vespa 400, la De Rovin ou la Goggomobil allemande. Ces voitures étaient propulsées par des mécaniques spécifiques même si elles étaient d'une conception très proche de celle d'un moto. Nous, nous allons vous parler des voiturettes qui ont carrément piqué leur moteur à une moto.


AMC, Ydral, Gnome et Rhone, Semo ...


Conséquence de la pénurie automobile, les années 50 ont été riches en naissances de voitures à moteur de moto, car jusqu'en 1955, on pouvait conduire une microcar de moins de 125 cm3 sans permis. De même, les longs délais de livraison des Renault 4 CV et Citroën 2 CV ont permis à de nombreux petits constructeurs artisanaux de voir le jour. 

On se souvient de l'intéressante Galy, un petit coupé qui rappelait la Goggomobil, avec un moteur monté à l'arrière, soit un Ydral 175 cm3 de 11 ch, soit un AMC 280 cm3 de 18 ch. Ce second modèle était annoncé pour une vitesse maximum de 96 m/h. 

3 CV Galy

Il y eut aussi l'Avolette, une trois roues pourvue d'un moteur de motocyclette Ydral, Sachs ou Maïco, de 125 à 280 cm3. Dans le même registre, l'Atlas était dotée d'un 175 cm3 et d'une carrosserie en fibre de verre à deux places.

Le moteur Gnome et Rhône était très apprécié, et fut monté en particulier sur l'original Biscooter conçu par Gabriel Voisin et produit à partir de 1950. Cette voiture fut très populaire en Espagne, alors que le pays subissait une grande pénurie de voitures. Environ 5000 Biscooter furent fabriqués.

Biscooter Voisin

C'est surtout le 125 cm3 Ydral à 2 temps qui était le moteur à tout faire, puisqu'il équipait la trois roues Decolon, la Rolux de 1950 construite à Clermont Ferrand, et surtout la Mochet fabriquée à Puteaux à partir de 1951. Mochet vendait au début des années 50 jusqu'à quarante voitures par semaine. Avec l'augmentation du niveau de vie eu Europe, l'ensemble de ces voitures disparurent les unes après les autres du marché.

Publicité Decolon


Rosengart, l'épilogue


Depuis 1951, la direction de la SIOP (Société Industrielle de l'Ouest Parisien), ex Rosengart, comptait beaucoup sur sa nouvelle Ariette pour sortir des graves difficultés financières auxquelles elle devait faire face. En dehors de la réputation déjà ancienne de la marque Rosengart dans le domaine des voitures économiques, l'Ariette ne manquait pas d'atout avec sa carrosserie plutôt élégante et au goût du jour. Malheureusement, cette belle robe signée Philippe Charbonneaux cachait une mécanique d'un autre âge, un 750 cm3 d'origine Austin. L'Ariette fut un échec commercial, et sa production ne dépassa pas 1577 exemplaires en deux ans.

C'est dans ce contexte que la SIOP présentait au salon de Paris de 1953 la Sagaie, une Ariette légèrement restylée, disposant d'un bicylindre à plat de marque Semo/Cemec déjà utilisé sur les motos de la police et de la gendarmerie. Plus au moins apparenté aux moteurs des motos BMW, celui ci conférait de bonnes performances à la nouvelle Sagaie, mais il était totalement inconnu de la clientèle Rosengart qui demeura méfiante à son égard. Face aux Aronde et 203 moins chères, seulement une vingtaine de Sagaie virent le jour avant la faillite de la SIOP durant le printemps 1954.

Rosengart Sagaie


L'oeuf sur roulette


Le climat économique de l'Allemagne des années 50 favorisa la naissance des voiturettes. Ce type d'automobile fit le succès des constructeurs BMW, Goggomobil, Lloyd, Maïco, Messerschmitt, NSU ou Zundapp.

BMW achetait en 1954 à Iso la licence de la fameuse Isetta italienne, petite voiture en forme d'oeuf à unique porte frontale qui fut également fabriquée en France par Velam. Par rapport à ces modèles très perfectibles, le constructeur de Munich améliora l'Isetta sur de nombreux points. Il remplaça surtout le moteur deux temps chauffant, bruyant et gourmand par le monocylindre quatre temps 250 cm3 de sa nouvelle moto R25. Grâce à ses 12 ch Din, l'Isetta était assez puissance pour s'intégrer dans le flot de la circulation et emporter deux passagers à 85 km/h, sans consommer plus de 4 litres d'essence au 100.

Produite également en version 300 cm3 de 13 ch, avec plus de couple, mais exigeant le permis, ainsi que dans une version à unique roue arrière pour certains marchés, l'Isetta BMW 250/300 connut un réel succès puisqu'elle fut fabriquée jusqu'en 1962 à 136 567 exemplaires en Allemagne et environ 30 000 unités en Grande Bretagne. C'est la plus belle réussite commerciale d'une voiture à moteur de moto. 

BMW Isetta

Fort de ce succès, BMW décidait d'en dériver une version quatre places longue de 2,90 mètres propulsée par le flat twin 600 cm3 de la moto R60 dégonflé. Cette fois, la sauce ne prit pas. Victime de son prix trop élevé, d'un manque d'accessibilité dû à ses deux portes dont une frontale et l'autre latérale côté trottoir, la BMW 600 ne parvint pas à séduire autant que sa petite soeur. Néanmoins, 34 813 exemplaires furent construits jusqu'en 1959.

BMW 600


La 700 a sauvé BMW


La 600 céda sa place à la 700 réalisée sur la même plate forme. A partir d'un dessin de Michelotti, BMW concocta un ravisant petit coupé trois volumes qui fut particulièrement bien accueilli. Sous le capot, le flat twin avait été réalésé à 700 cm3, cylindrée qui autorisait un 120 km/h en version 30 ch et même près de 140 km/h en version sport 40 ch. Devant l'accueil très positif, BMW décidait d'en dériver une berline à pavillon surélevé suivie en 1963 par une version LS à empattement allongé plus habitable.

Malgré son prix fort pour une 4 CV, grâce à son esthétique séduisante, ses excellentes qualités dynamiques et ses performances élevées, la 700 connut le succès. On peut même dire qu'elle a en partie sauvé la firme de Munich qui était à deux doigts d'être rachetée par Mercedes fin 1959. Grâce à sa formidable tenue de route, la BMW 700 se forgea un magnifique palmarès en compétition où les versions les plus puissantes préparées par Willi Martini développaient jusqu'à 70 ch. Jusqu'en 1964, 79 599 modèles 700 sont sortis des chaînes de BMW.

BMW 700, également disponible en cabriolet


Dos à dos


La Zündapp Janus fut produite à partir de juin 1957 en Allemagne. Le constructeur de motocyclette avait décidé comme NSU de se lancer dans la construction de micro voitures. La Janus, inspirée d'une idée de l'ingénieur aéronautique Honoré Desiré Dornier, ne manquait pas d'originalité. Trop peut être. Elle ressemblait à une Isetta à double porte frontale. Pour être clair, l'une était devant et l'autre à l'arrière, d'où son nom.

Zundapp Janus

Les quatre passagers étaient assis dos à dos. Ceux de l'avant regardaient la route tandis que ceux de l'arrière ... admiraient son envers. Au milieu, entre les deux banquettes dos à dos, se glissait un petit mono deux temps de 248 cm3 de 14 ch développé à partir du 200 cm3 de la moto Norma. La Zundapp n'était pas un bricolage, loin de là. Hélas, ce concept original ne séduisit pas du tout. Son prix trop élevé fut un obstacle, et la voiture devait faire face aux Coccinelle qui n'étaient plus rares sur le marché de la seconde main. Zundapp jetait l'éponge en 1958, après avoir assemblé 6902 exemplaires de la Janus. 

N'omettons pas la Heinkel Kabine de 1956 née avec un moteur monocylindre à quatre temps de 175 cm3 originellement destiné à un scooter. La Kabine s'inspirait directement de l'Isetta, mais elle était plus habitable et plus légère que celle ci. Heinkel, firme allemande célèbre pour ses avions, commença à fabriquer des moteurs et des scooters après la Seconde Guerre. La production de la Kabine cessait en Allemagne en 1958. Les droits de fabrication étaient cédés à un constructeur irlandais où la production continuait. A partir de 1961, cette voiture fut assemblée en Angleterre par Trojan. 

Heinkel Kabine

Nombre de ces voitures n'ont pas connu le succès commercial espéré pour trois raisons : des tarifs généralement trop élevés en raison de volumes de production faibles, la concurrence du marché de l'occasion et le choix des moteurs deux temps trop gourmands.


Quatre vitesses avant et arrière


Célèbre pour ses avions de chasse pendant la guerre, la firme allemande Messerschmitt dut trouver de nouvelles activités pour survivre peu après celle-ci. Ce fut aussi le cas pour d'autres firmes aéronautiques telles que Saab ou Bristol qui optèrent pour d'autres catégories d'automobiles.

Messerschmitt fit le choix de se lancer dans l'étude d'une voiturette qui ne manquait pas d'originalité, puisqu'elle comptait deux places positionnées en tandem. Par sa curieuse forme fuselée, son toit transparent qui basculait, sa recherche de légèreté,  elle rappelait fortement le célèbre avion de chasse Messerschmitt 109. La légende veut d'ailleurs qu'elle ait été réalisée à partir de celui-ci, ce qui est évidemment faux.

Dévoilé au salon de Francfort 1953, ce drôle de véhicule était propulsé par une mécanique de moto fournie par Fichtel & Sachs, spécialisé notamment dans la construction de moteurs. Un monocylindre deux temps refroidi par air de 175 (de 1953 à 1955) et 200 cm3 (à partir de 1955) entraînait la roue arrière. Les 10 ch permettaient au KR 200 de frôler les 90 km/h.

Messerschmitt KR 200

La KR avait conservé la boîte à crabots d'origine moto, c'est à dire sans marche arrière. Pour reculer, il fallait donc arrêter le moteur. Puis renverser l'allumage pour changer de sens de rotation, de manière à disposer des quatre rapports de marche arrière. Ce qui était, vous vous en doutez bien, d'un agrément fou en ville lors des manoeuvres de parking. Malgré ses défauts, la curieuse Messerschmitt KR atteignait dès ses débuts une production quotidienne de 90 exemplaires. La Messerschmitt a été importée en France, mais son prix qui correspondait à celui d'une 4 CV d'occasion a forcément limité sa diffusion.


La Cobra des voiturettes


Constructeur de caravane, Berkeley s'est lancé de 1958 à 1962 dans la construction d'un minuscule roadster animé par un moteur de motocyclette qui entraînait les roues avant. Après un bon vieux Excelsior de 328 cm3, Berkeley a collé sous le capot de son petit engin (3,13 mètres) le brutal vertical-twin de la puissante moto Royal Enfield 700 cm3 qui développait plus de 50 ch. Grâce à cette puissance élevée la Berkeley qui pesait trois fois rien s'envolait jusqu'à 145 km/h. On dit que sa tenue de route était ... plutôt sauvage.

Berkeley à moteur Royal Enfield


Une curieuse législation française


Vers 1975, un assouplissement de la législation française a provoqué la naissance de voiturettes sans permis à moteur de 50 cm3. Cette réglementation a rapidement donné le jour à de véritables chicanes de la route qui pointaient dangereusement à 45 km/h. Ce, dans le hurlement d'un minuscule 50 cm3 de 5 ch, à plein régime car s'époumonant à tirer un poids pour lequel il n'avait absolument pas été prévu. Parmi les horreurs vues ces années là, la Ligier à moteur MBK qui avait la particularité d'être construite en tôle est l'une de celles qui a rencontré le plus de succès, grâce en partie à la popularité de son nom dans le domaine de la Formule 1.

Ligier JS4


Moto à moteur d'auto


A l'inverse, on a vu aussi quelques rares motos à moteur d'auto. Il y eut la Munch Mammut, équipée d'un 4 cylindres transversal refroidi par air d'origine NSU 1200 TTS. Fabriquée en petite série pendant quelques années, cette colossale moto disposait de 98 ch, et pouvait atteindre plus de 200 km/h. Son esthétique prêta à de nombreux commentaires. La plupart des motards la trouvait bien trop massive par rapport à ce que proposait la concurrence. La production qui fut interrompue à plusieurs reprises s'arrêta définitivement en 1980.

Munch Mammut

En France, trois passionnés, Louis Boccardo, Dominique Favario et Thierry Grange, décidaient de créer au début des années 80 la moto BFG (de leurs initiales)  qui offrait la spécificité d'être propulsée par le flat four 1300 cm3 de la Citroën GSA. L'entreprise dut rapidement faire face à des difficultés financières, et fut cédée à MBK.

Malgré ses qualités et la possibilité d'assurer l'entretien chez le garagiste Citroën le plus proche, le BFG rencontra un accueil timide qui se solda par la construction d'environ 600 exemplaires seulement. Louis Boccardo remit ça avec la MF (Moto Française) qui faisait toujours appel à un moteur Citroën, cette fois ci un flat twin issu de la LNA. Mais le succès ne fut pas non plus au rendez vous.


BFG 1300

Avec le recul du temps, on s'aperçoit que le mariage auto moto a rarement été couronné de succès.  


Texte : Patrice Vergès, 1998 - Adaptation 2013 / Carcatalog
Ne pas reproduire sans autorisation de l'auteur.

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