Peerless, une tentative de GT britannique
La marque britannique Peerless a été active entre 1957 et 1960, en produisant 325 exemplaires de la Peerless GT conçue à partir d'une mécanique de Triumph TR3. L'entreprise a été dissoute en février 1960. Mais quelques mois plus tard, la Peerless GT est réapparue sous la désignation Warwick GT, pour une nouvelle existence tout aussi éphémère. Des débuts remarqués au Mans En 1958, une Peerless GT prend le départ des 24 Heures du Mans, et après deux tours d'horloge sous la pluie, elle atteint la ligne d'arrivée. Elle est pilotée par Peter Jopp et Percy Crabb. Sur les cinquante-cinq voitures au départ, ce coupé 2 + 2 termine quatrième de sa catégorie et seizième au classement général. Cette réussite vaut à Peerless une exposition médiatique exceptionnelle pour un nouveau constructeur, qui lui permet immédiatement d'asseoir sa réputation.
Deux Peerless GT sont inscrites aux 24 Heures du Mans 1958. Une seule, la numéro 24, prend le départ et termine en seizième position, aux mains des deux pilotes britanniques Peter Jopp et Percy Crabb. La Peerless GT est longue de 4,45 mètres. Elle utilise des techniques de construction avancées selon les normes de la fin des années 1950, avec un châssis tubulaire, un essieu arrière de Dion et une carrosserie en matériaux synthétiques. La mécanique, un modeste 1991 cm3 de 100 ch, est empruntée à la Triumph TR3. Genèse de la Peerless GT Reprenons l'histoire à sa genèse. Le premier prototype de la Peerless GT, initialement dénommé Warwick, est étudié par Bernie Rodger, un ingénieur qui s'est fait une renommée en concevant des voitures de course. La commande émane de James Byrnes, un hôtelier restaurateur prospère des Midlands. Celui-ci est passionné de course automobile et décide en 1956 de posséder sa propre voiture destinée aux circuits, construite selon ses propres spécifications, mais dont il pourra aussi se servir sur routes ouvertes. Les premiers essais s'avèrent concluants. Jim Byrnes s'empresse de montrer sa monture à son copain de régiment John Gordon, vendeur d'automobiles de luxe. C'est un homme d'expérience, et son avis éclairé est primordial. Il a piloté une DB2 de l'équipe Aston Martin au Mans en 1950, et s'est lancé deux ans plus tard dans une affaire de carrosserie qui transformait des Rolls-Royce en break de chasse. John Gordon qui intègre la petite équipe a une approche très positive du projet, mais suggère tout de même à Jim Byrnes quelques modifications, dont l'accroissement de l'habitabilité, pour en faire une vraie 2 + 2 qui répondra mieux aux attentes du marché.
En 1956, Peerless Motors Ltd veut se lancer dans la fabrication de voitures de course et de sport. Ce premier prototype est mis en chantier et donne naissance un an plus tard à la Peerless GT. Un second prototype à carrosserie 2 + 2 est toujours réalisé à partir d'éléments de Triumph TR3. Cette mécanique qui sera retenue en série a l'avantage de rendre la maintenance et l'acquisition de pièces détachées relativement simples. Il est exposé au Salon de Paris en octobre 1957. Le sérieux de ce prototype et les relations privilégiés qu'entretient Jim Byrnes avec des cadres de chez Triumph - des clients de son nouveau restaurant - lui permettent d'obtenir un engagement pour la fourniture de composants mécaniques. Le style élégant a probablement été inspiré par l'Aston Martin DB2/4, mais la Peerless GT conserve toutefois une apparence personnelle teintée de diverses influences, qu'elles proviennent de chez Ferrari, Maserati ou Pegaso. Elle aurait elle-même pu influencer l'A.C. Greyhound lancée en 1959, qui reprend certaines de ses caractéristiques esthétiques, notamment la partie arrière ramassée dotée de petits ailerons verticaux et d’une vaste lunette panoramique.
Ce prototype de la Peerless GT a été fabriqué en septembre 1957. La série est lancée Le nouveau constructeur s'installe dans une ancienne concession Jaguar de Slough mise en faillite, propriété de James Byrnes, dont la raison sociale était Peerless Motors Ltd. Ce nom faisait alors référence au constructeur américain de voitures de prestige Peerless, dont l'une des branches fabriquait des poids lourds. Après la Première Guerre mondiale, ces camions Peerless laissés sur place par les Américains furent remis en état par ce concessionnaire Jaguar, pour être revendus sur le sol britannique. La Peerless GT de série conserve le moteur de la TR3, et s'appuie sur un châssis tubulaire. Le choix d'une carrosserie en matière synthétique s'est imposé naturellement, en raison des économies évidentes de coût. L'intérêt suscité par l'exposition du second prototype à Paris pouvait laisser entrevoir une production annuelle de 1 500 unités, soit une cadence hebdomadaire d'environ vingt cinq voitures. Les premiers exemplaires sortent d'atelier fin 1957. L'accueil de la presse spécialisée est globalement positif. Les performances notamment sont satisfaisantes avec une vitesse de pointe de 170 km/h. Pour l'instant, le service commercial a peu d'efforts à fournir. Toute personne intéressée est invitée à essayer rapidement la voiture, à payer une avance et ... à rejoindre la liste d'attente qui ne cesse de s'allonger. Et pour cause, la logistique peine à suivre pour répondre à la demande. Au mieux, l'usine produit cinq voitures par semaine.
Le coupé Peerless GT lancé en 1957 s’est embourgeoisé par rapport au prototype de 1956. Mais il s’agit d’une vraie voiture de sport capable de courir sur les circuits. La lettre P figure en bonne place sur la calandre de la Peerless GT. La Peerless n'est pas particulièrement bon marché. Son prix hors taxe atteint 998 £ (+ 499 £ de taxe), alors que celui d'une Triumph TR3 est inférieur à 1 000 £ avec les taxes. La coexistence entre Peerless et Triumph est pacifique. L'artisan avec son coupé 2 + 2 n'empiète pas sur le terrain de jeu du roadster Triumph. D'un autre côté, la Peerless a l’avantage de ne pas faire d'ombre à sa contemporaine la Jaguar XK 150, qui navigue dans un créneau de prix bien supérieur. Un distributeur américain se propose d'écouler 80 Peerless par mois dans un premier temps. Les trois premiers exemplaires de " série " sortent de chaîne en mai 1958. Les communiqués de presse présentent la Peerless comme " la voiture de sport pour le père de famille ", ou comme " la voiture pour l'homme jeune qui désire une femme, une famille et une voiture de sport ". Les premières ombres apparaissent dans ce tableau idyllique. La Peerless est coûteuse à fabriquer, et ne permet pas de dégager une marge significative. Malgré cela, l'assemblage et la finition ne sont pas à la hauteur de ce que font les concurrents dans la même tranche de prix.
L'arrière de la Peerless GT est assez original puisque l’on remarque un coffre très court, une lunette panoramique genre Alfa Romeo Giulietta Sprint, de petits ailerons verticaux et des pare-chocs en deux parties. Conscient des critiques, l'équipe s'attache à proposer une Peerless GT phase 2 plus aboutie, qui progresse en effet sur une vingtaine de points. Grâce à de nouveaux moules, elle est plus légère et plus rigide. Les phares avant sont plus enfoncés dans les ailes, et une grille de calandre plus conventionnelle conduit à une disparition de l'emblème " P " de la première série. Le châssis et les éléments mécaniques ne bénéficient par contre d'aucune modification notable.
Mais son lancement intervient trop tard, car la firme se débat déjà dans d’inextricables difficultés financières. John Gordon démissionne en septembre 1959. Les fournisseurs commencent à perdre patience, ce qui ne fait qu'accroître les difficultés. Après une vaine tentative de se rapprocher de la prestigieuse firme Bristol, l'affaire est déclarée en faillite en février 1960. La Peerless GT a été produite au total à 325 exemplaires, dont 250 phase 1 et 75 phase 2. Résurrection éphémère sous le nom de Warwick Bernie Rodger refuse d'abandonner son enfant. La fabrication de la Peerless GT est relancée durant l'été 1960 au sein de la Bernard Rodger Developments Ltd, mais sous une nouvelle désignation commerciale : Warwick GT, comme à ses débuts. Par choix, elle sera produite à une plus petite échelle. L'assemblage est réalisé à Colnbrook, dans le Buckinghamshire. Il s'agit d'une version très améliorée de la Peerless GT, avec un châssis encore plus rigide et un habitacle réaménagé. Désormais, le capot moteur peut basculer vers l'avant d'un seul tenant englobant les ailes.
La Warwick GT héritière de la Peerless GT en 1960 en reprend l'essentiel de la carrosserie. La principale évolution concerne l'adoption d'un capot englobant les ailes. Celle-ci ne comporte évidemment plus la lettre P en son centre. Environ 40 exemplaires sont produits jusqu'en janvier 1962, ce qui avec la Peerless GT correspond à un total de 365 voitures depuis 1957. Un nouveau modèle destiné à succéder à la Warwick GT est étudié en 1962. Cette nouvelle version est dotée d’un V8 3,5 litres en alliage léger d’origine Buick, moteur utilisé à partir de 1967 sur la Rover P5. Il est alors prévu de la vendre sous l’appellation GT 350. Hélas, Bernie Rodger jette l’éponge avant que la production ne démarre vraiment. Epilogue En association avec Jim Keeble, John Gordon, cofondateur de Peerless Motors Ltd, reprendra la cadre de la Peerless GT pour y installer un V8 Chevrolet, le tout étant habillé d’une carrosserie conçue par Giorgietto Giugiaro et construite par Bertone. Cette voiture est dévoilée au Salon de Genève en 1960. Elle n'entrera en production qu'en 1964 sous la marque Gordon-Keeble. La Gordon Keeble est plus longue d’une vingtaine de centimètres que les Peerless GT et Warwick GT. Elle sera fabriquée à 99 exemplaires de 1964 à 1967. Elle devait initialement succéder à la Peerless GT ou bien compléter la gamme de la marque, puisque le dessin de ce modèle fut adressé en 1960 directement à John Gordon au sein de l’entreprise Peerless Motors Ltd. La faillite de l’entreprise la même année empêcha l’aboutissement du projet.
Ce dessin de Giorgietto Giugiaro pour le compte de Bertone est réalisé en 1960, dans le but de créer un coupé remplaçant ou complétant la Peerless GT. Ce projet sera repris en production par Gordon-Keeble en 1964.
Texte : Jean-Michel Prillieux / André
Le Roux |
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