Le Zèbre, pionnier de la voiture pour tous


Le Zèbre est une marque automobile française créée en 1911. Pionnier de la voiture pour tous, cet indépendant sera victime des constructeurs de grande série qui pouvaient se permettre de proposer des modèles encore moins chers, ou des modèles de même prix mais de catégorie supérieure. lE Zèbre disparaît en 1938.


 Les origines de la firme Le Zèbre


La marque Le Zèbre est créée en 1911 à Paris, dans la 17e arrondissement, par Jacques Bizet, le fils du compositeur Georges Bizet, et Jules Salomon, qui a travaillé quelque temps chez Delaunay-Belleville puis chez Unic, la firme de Georges Richard. Les deux hommes se sont connu chez Unic où Jacques Bizet occupait un poste de commercial. Ensemble, ils décident de créer leur propre marque automobile. Baptisée Bizet Constructions en 1909, la firme est renommée Le Zèbre en 1911.

Deux autres personnages importants, Emile Akar et Joseph Lamy entrent également dans le capital de la nouvelle société, lui procurant une certaine assise financière. Joseph Lamy assure, dans la foulée, la fonction de directeur commercial. Le Zèbre concentre sa production sur des modèles économiques, démocratisant l’automobile bien avant les années 20, et l'irruption notamment sur le marché des productions d'André Citroën.

Le premier modèle Le Zèbre, la monocylindre Type A, est lancé en 1911. Il s’agit d’une petite voiture vendue à un prix très attractif, 3 000 francs, alors qu’il faut débourser au moins 4 000 francs pour un modèle concurrent. Cette voiture, bien que de dimensions réduites, n’est pas un cyclecar comme peuvent le laisser entendre certains, mais bien une véritable voiture, aux performances réelles. Les ventes de la voiture sont stimulées non seulement par un prix attractif, mais également par le parrainage de Baudry de Saunier, le plus grand journaliste automobile de l’époque, rédacteur en chef de la revue Omnia, qui ne tarit pas d’éloges sur la Type A.

Premier modèle de la marque Le Zèbre, le Type A est une petite voiture lancée en 1911 qui connaît un certain succès puisqu'il s'en écoule plusieurs milliers d'exemplaires. Légère, fiable et économique, l'armée française en fait même un véhicule de liaison durant la guerre de 1914/1918.

En 1912 sort le second modèle de la marque, appelé Type B. C’est une 10 HP quatre cylindres quatre places qui est proposée à un prix également très bas, 6 000 francs contre 8 000 à 10 000 francs pour un modèle concurrent.

Le Type C, une quatre cylindres 10 HP dotée de deux places, comme le Type A, est lancé en 1913. Ce lancement coïncide avec le déménagement de la société à Suresnes, où sont désormais fabriquées les voitures de la marque. Ces dernières s’imposent dans la catégorie des voitures économiques, grâce à leurs qualités de robustesse et de fiabilité, tout autant que pour leur prix d’achat et leur coût d’entretien qu’aucun autre constructeur n’est en mesure de leur contester. 

Le Type C lancé en 1913 est une évolution " haut de gamme " du Type A, son moteur étant cette fois un 10 HP et non plus un 4 HP comme le Type A. Le Type C est une stricte deux places, à l'instar du Type A.


Les voitures Le Zèbre pendant la Première Guerre mondiale


Pendant la Première Guerre mondiale, les voitures Le Zèbre sont appréciées pour leur agilité et leur économie. Particulièrement légères et fiables, elles sont utilisées par l’armée comme véhicules de liaison. Dès 1915, le Ministère de la Guerre passe une commande de 40 voitures par mois. Ces contrats permettent à la société de poursuivre ses activités dans de relatives bonnes conditions et de conserver la majorité de ses employés, là où la concurrence se voit réquisitionnée pour produire des obus. De fait, si la guerre ne prête pas à l’euphorie, le climat social de l’entreprise est plutôt bon, la société étant saine et rentable.

Toutefois, l’année 1917 montre les prémisses d’une rupture entre les deux fondateurs de la marque, Jacques Bizet et Jules Salomon. Les tensions se multiplient alors entre le premier qui mène une vie dissolue, et le second dont la rigueur et la puissance de travail sont incomparables. Et l’inévitable rupture intervient dès la fin du conflit.


Jules Salomon après Le Zèbre


Jules Salomon quitte la société et décide de rencontrer André Citroën, directeur général chez Mors et qui a développé, durant la guerre, une importante usine d’armement, quai de Javel. Dès 1916, André Citroën pense déjà reconvertir son énorme outil industriel de production d’obus en usine automobile, et il a confié à ses ingénieurs Arthault et Dufresne l’étude d’une voiture haut de gamme, projet qui va évoluer vers le développement d’une voiture populaire, sous la tutelle de Jules Salomon. Ce sera la naissance en 1919 de la Type A, première voiture de Citroën.

Jules Salomon (1873-1963) est l'un des fondateurs de la marque Le Zèbre. Il quitte quitte l'entreprise à la fin de la guerre pour rejoindre André Citroën, qui lui propose de peaufiner ses premières voitures produites en grande série

Cette 10 HP se singularise par une production en grande série inspirée du système de production de Ford. Tout comme Jules Salomon, dix ans plus tôt, André Citroën a compris que l’avenir de l’automobile passe par des voitures de catégorie moyenne et économiques aussi bien à l’achat qu’à la fabrication. Produite à 100 exemplaires par jour, la Type A est suivie en 1922 par la célèbre 5 HP, toujours conçue par Jules Salomon. Plus connue sous le nom de " Trèfle ", cette voiture est directement inspirée d’un projet Le Zèbre.

Trois ans plus tard, Jules Salomon quitte Citroën et travaille pour Peugeot de 1926 à 1928, puis Rosengart de 1929 à 1935, avant de prendre une retraite bien méritée, malgré les nombreuses sollicitations de plusieurs constructeurs qui auraient bien voulu s’attacher les talents de cet ingénieur visionnaire. Il décède à Suresnes, en 1963, non loin de l’ancienne usine qu’il avait fondée.


La firme Le Zèbre après le départ de Jules Salomon


Jules Salomon parti, la firme Le Zèbre reprend la production automobile après la fin du conflit mondial, mais sans Jacques Bizet qui est débarqué, non sans avoir négocié son départ au prix fort. Un Type D est lancé en 1919. Il s’agit d’une 8 HP quatre cylindres proposée au prix très abordable de 10 200 francs.

Le Type D de la firme Le Zèbre est lancé en 1919. Ce modèle de 8 HP s'insère parfaitement entre la 4 HP et la 10 HP. Toutefois, avec le départ de Jules Salomon puis de celui de Jacques Bizet, la firme entre dans une période de turbulences et d'hésitations stratégiques.

Mais le départ d’Emile Akar et de Joseph Lamy qui fondent Amilcar en 1921 - le nom de cette marque étant une contraction de leurs noms - crée d’importantes turbulences chez Le Zèbre. En effet, la petite entreprise perd non seulement des hommes de valeur, mais également des capitaux importants, ainsi qu’une partie de son réseau commercial. Car Lamy et Akar associent de nombreux agents Le Zèbre à leur projet.

Au sein de la marque Le Zèbre, déstabilisée par ces départs successifs, une nouvelle et troisième direction prend la relève. Celle-ci lance en 1921 un nouveau Type A, basé sur le châssis de la Type C, et doté d’une carrosserie modernisée. En 1923, seuls les Type A et D figurent au catalogue, mais le Type E - version plus sportive du Type D - complète la gamme à la fin de l’année. Un nouveau modèle 10 HP est lancé début 1924, qui n’est autre qu’un modèle Amilcar dont la licence a été vendue à Le Zèbre. Quelques liens, plus commerciaux qu’amicaux, se sont en effet tissés entre les deux constructeurs, malgré les préjudices subis.


La fin de la firme Le Zèbre


Début 1924, la politique du constructeur Le Zèbre devient floue. La direction hésite entre poursuivre dans la voie des voitures populaires, avec Amilcar comme principal concurrent, ou se tourner vers des voitures de catégorie moyenne, voire haut de gamme, avec une concurrence bien plus fournie et beaucoup mieux armée, à l’image de Citroën.

La question est de savoir également si la firme Le Zèbre doit continuer à produire à des cadences modestes ou s’orienter vers la grande série. Dans ce contexte de grande hésitation, réapparaît le Type C d’avant-guerre habillée d’une nouvelle carrosserie. Il faut attendre 1925 pour voir apparaître un modèle beaucoup plus ambitieux qui révèle une réelle montée en gamme du constructeur, le Type Z, conçu par l’ingénieur anglais Harry Riccardo, connu dans le monde automobile pour ses systèmes de combustion des moteurs essence et diesel.

Le Type Z commercialisé en 1924 est une très jolie voiture de 10 HP, mais la firme Le Zèbre ne peut lutter contre les voitures concurrentes d'André Citroën fabriquées en grande série. Moins de 550 exemplaires sont effectivement fabriqués. Très populaire avant 1914, la firme Le Zèbre n'est alors plus que l'ombre d'elle-même.

Le partenariat liant Le Zèbre à Riccardo est bien accueilli par la presse, qui espère que l’entreprise de Suresnes puisse se sortir des difficultés auxquelles elle doit faire face depuis plusieurs années. Si la 2 litres Type Z se révèle être une excellente et très belle voiture, dotée d’un élégant radiateur en coupe-vent, elle s'avère être un véritable échec commercial. De 1925 à 1930, c'est la seule et ultime voiture commercialisée. Près de 550 exemplaires sont effectivement produits, un chiffre trop faible pour rentabiliser l’investissement consenti pour la création du modèle.

La crise économique mondiale déclenchée en octobre 1929 porte un coup fatal à Le Zèbre, qui est mise en liquidation judiciaire en 1931, avant de disparaître définitivement en 1938. Après avoir produit près de 10 000 voitures depuis 1909 quand la marque s’appelait encore Bizet Constructions, Le Zèbre disparaît dans l’indifférence générale.

Texte : Jean-Michel Prillieux
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