VW Porsche Murène

Une carrosserie spéciale sur base VW Porsche était exposée au Salon de Paris en octobre 1970 sur le stand Heuliez. Jacques Cooper était l'auteur de son dessin.

Jacques Cooper est né en 1931 d'une famille anglaise installée en France. Formé à la célèbre école Boulle, il eut la chance de travailler à partir de 1953 à Paris pour la Compagnie Américaine d'Esthétique Industrielle, ouverte récemment par Raymond Loewy. Il y opéra au design de meubles, d'hélicoptères, de tracteurs agricoles ... Il fut embauché chez Renault en 1957, et oeuvra sur les projets de la 4L, de la R8, de l'Estafette et de divers véhicules utilitaires.

En 1960, Jacques Cooper rejoignait la division électroménager de la General Motors. Au programme, création de lignes pour des réfrigérateurs, cuisinières, etc ...

En 1966, avec le désir de renouer avec le milieu automobile, il était recruté chez Brissonneau & Lotz. Cette entreprise fabriquait alors de petites séries de carrosseries automobiles pour de grandes marques européennes, ainsi que du matériel ferroviaire : rames pour passagers et carrosseries de locomotive. Il y travailla avec Paul Bracq, autre styliste français de réputation (Mercedes, Peugeot ...).

Après divers projets sur châssis Opel et BMW non menés à leur terme, il fut demandé à Jacques Cooper d'étudier un prototype de coupé sur base Porsche 914. A cet usage, le carrossier avait fait l'acquisition d'un voiture de série.

Mais la période était trouble chez Brissonneau & Lotz. Chausson, déjà sous le contrôle de Renault et de Peugeot, était sur le point de prendre en main les destinées du carrossier de Creil. Il n'était alors plus question de travailler sur un tel programme basé sur une voiture étrangère.

Jacques Cooper contactait Heuliez qui se montrait intéressé par la poursuite du projet. Tout en restant salarié de Brissonneau & Lotz, Cooper collaborait dès lors avec le bureau d'études de chez Heuliez.

Extrait du livret d'immatriculation du châssis 1300005, établi le 12 janvier 1970

Invitation d'Heuliez à l'attention du service presse de la Régie Nationale des Usines Renault - Document LP / VT

Extrait du certificat des douanes pour servir à l'immatriculation, daté du 2 septembre 1971

Le certificat de vente établi le 10 septembre 1971 entre Brissonneau & Lotz et la société Heuliez

La voiture fut donc construite à Cerizay, et exposée au Salon de Paris en 1970. C'est chez Heuliez qu'elle prenait le nom de Murène.

Extrait de l'Auto Journal numéro 18 de septembre 1970 :

" Un carrossier français présente au Salon une nouveauté fort intéressante. Heuliez, installé dans les Deux-Sèvres, exerce surtout son activité dans le domaine de l'utilitaire ; il a notamment pour clients Simca et Citroën. Il se tourne aujourd'hui vers l'automobile en lançant une VW Porsche 914-6, création originale due au stylite Jacques Cooper. Si l'habitabilité se trouve conservée, l'accessibilité du moteur est améliorée ; quand à la silhouette, elle gagne à la fois en aérodynamique et en élégance ; les phares demeurent escamotables. Si ce modèle est bien accueilli, d'autres suivront. La carrosserie française renaît-elle ? "

Source : l'Auto Journal, numéro 18 de septembre 1970

Extrait du mensuel l'Automobile numéro 294 de novembre 1970 :

" La Murène est construite sur une base de Porsche 914/6, choix dû à la récente sortie du modèle et au caractère prestigieux de la marque. Le moteur conserve, bien entendu, sa place centrale et l'on y accède par un système ingénieux d'ouverture de la partie arrière qui bascule entièrement. Cette manoeuvre est facilitée par l'emploi de compas à gaz, dont l'effet compense le poids du capot. Dans le domaine de la sécurité, on note un arceau intégré dans le pavillon rigide. Le pare-brise est en verre feuilleté, tandis que les pare-chocs avant et arrière sont en matière souple absorbant les chocs. La finition ne souffre d'aucune critique. La Murène est longue de 4,18 m, large de 1,76 m et haute de 1,25 m. "

 

Elle suscita l'intérêt d'un nombre important d'acheteurs potentiels, peu séduit par les lignes un peu trop strictes de la 914 de série. Initialement présentée en deux tons, beige clair pour le bas de caisse et beige métallisé pour la partie supérieure, la voiture fut repeinte en 1971 en deux tons orange et jaune. Malheureusement, faute de coopération financière de Porsche sur ce projet, Heuliez renonçait à prendre seul le risque de commercialiser cette sportive.

40 ans plus tard (1969-2009), la Murène est docilement garée dans les réserves de Heuliez entre une Citroën M35 et le prototype du coupé Simca 1501.

Dans les années 70, outre ses contacts avec la division ferroviaire de Brissoneau & Lotz et Alsthom, Jacques Cooper continua de travailler en tant que consultant pour Heuliez sur des projets d'autocars et de véhicules spéciaux.

¨Projet d'un coupé Citroën GS daté de 1970, par Jacques Cooper

Une proposition de Jacques Cooper durant sa période Heuliez pour une Citroën SM redessinée.

L'Alpine Berlinette revue par Jacques Cooper en 1971

Dans le domaine ferroviaire, Jacques Cooper demeure connu pour avoir été à l'origine de la conception de la ligne extérieure et des aménagements intérieurs des premiers TGV (Voir aussi wikipedia et civismemoria).

A Suresnes, croquis d'époque en main, Jacques Cooper pose devant la maquette du TGV 001 de 1972 - Photo S. Cottin - Source : http://www.sudouest.fr


L'unique Murène a été mise en vente le 7 juillet 2012 par Artcurial. Elle a bénéficié d'un rafraîchissement de sa carrosserie et d'une révision mécanique. Estimation : 50 000 à 100 000 euros - Montant de l'enchère : 42 889 euros avec les frais.
 


La Murène est remise en vente chez Osenat le 1er mai 2018. L'estimation fait mention d'un valeur de 180 à 220 000 euros. Le texte de présentation sur le site Osenat est le suivant :

" Nous sommes en 1969, Porsche dévoile celle qui épaulera la 911 dans sa gamme, la 914. Cette petite sportive à moteur central arrière, qu’elle dispose de quatre ou de six cylindres, reçut un accueil nuancé de la part du public. C’est pourquoi certains carrossiers indépendants s’intéressèrent à cette étrange voiture, à l’instar de Brissonneau & Lotz. Ce dernier, spécialisé dans les petites séries et les carrosseries ferroviaires, était domicilié à Creil, dans l’Oise, et déjà en partie associé à Chausson. Surtout, il comptait dans ses murs certains des plus grands designers français du second XXème siècle : Paul Bracq et Jacques Cooper pour ne pas les citer. Si le premier se fit remarquer par ses activités chez Mercedes-Benz et BMW, le second, lui, est connu pour son travail sur le TGV originel. Pourtant, ce ne fut pas son seul projet puisqu’il répondit à la problématique 914 avec un projet des plus élégants et dans l’ère du temps.

A la vue des esquisses de Cooper, la direction de Brissonneau & Lotz donna son feu vert et fit l’acquisition d’une des premières 914/6 auprès de l’usine de Stuttgart. Malheureusement, le projet devait être noyé par les difficultés financières de Chausson et ne put arriver à terme. Pourtant, Cooper n’avait pas dit son dernier mot. Fier de ses idées, il se dépêcha chez Henri Heuliez pour présenter son projet. Opportuniste, ce dernier y vit un moyen de diversifier ses activités et surtout, de se faire connaître dans le milieu de la carrosserie automobile. D’un commun accord entre Brissonneau et Heuliez, le styliste et son œuvre déjà commencée dans l’Oise furent amenés à Cerizay, dans les Deux-Sèvres pour concrétiser cette fameuse 914/6 ! Très vite, un prototype en terre cuite fut taillé, puis un gabarit en bois et enfin, après deux mois et demi seulement de travail, le projet 914/6 de Cooper était sur roues !

Aérodynamique, racée, élégante, pratique et particulièrement moderne, cette voiture avait un sacré look, surtout lorsque la partie arrière, mi capot, mi vitrine, basculait complètement retenue par des vérins à gaz. Si l’essentiel de la 914 y est conservé, que ce soit le moteur (numéro 6191814), l’ensemble des trains roulants, les phares escamotables ou l’habitacle, certaines solutions intéressantes furent exploitées. Par exemple, la voiture perdait là sa grille de capot moteur, c’est pourquoi, afin de refroidir le 6 cylindres, des ouïes furent percées dans les montants, tandis que les pare-chocs en matière caoutchouteuse étaient conçus pour subir de légers chocs sans déformation de sa carrosserie en polyester.

En octobre 1970, Heuliez convie les journalistes à se rendre sur son stand du Salon Automobile-de Paris. Le voile est enfin levé sur le projet HZ1970-1. Les avis sont pour la majorité très positifs. Plus fluide que la 914 de série, la carrosserie Heuliez récolte l’unanimité sous ses teintes brune et crème. Pourtant, le projet n’a pas réussi à convaincre la firme de Stuttgart. En effet, par l’alliance avec Karmann-Ghia pour la construction de la 914, le constructeur fut réticent à faire travailler un second carrossier sur cette sportive de souche. C’est pourquoi cet exemplaire unique n’est resté qu’à l’état de concept-car, Heuliez ne pouvait prendre le risque de se lancer seul dans la production d’un tel modèle.

Encore possession de Brissonneau & Lotz, la 914 fut rachetée en 1971 par Heuliez pour la somme de 24 250 francs d’alors. Rapatriée dans les locaux de Cerizay, sa peinture brune fut remplacée par un orange pétant mais le crème fut conservé. Après 40 ans de stockage, la société Heuliez connut de sérieux problèmes financiers et fut obligée de mettre en vente certaines pièces de leurs réserves, dont cette fameuse Murène qui n’a tout simplement jamais été immatriculée. Elle fut ainsi acquise par son actuel propriétaire en 2012 tandis que sa carrosserie fut légèrement rénovée sans dénaturer son authenticité ! Depuis, la voiture fut remise en route, intégralement révisée au niveau des trains roulants et de la mécanique. Participant depuis à diverses manifestations dans l’est de la France, ce fabuleux exemplaire, passionnant et tout simplement unique vous est aujourd’hui proposé à la vente. "

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