Zastava

1. Zastava avant Fiat

Les débuts de Zastava (qui ne portait pas encore ce nom) remontent à 1853. L'usine s'appelait alors " Vojno-Tehnicki Zavod ". Il s'agissait d'une fonderie de canons et d'un bureau d'étude à vocation militaire installés à Kragujevac en Serbie. L'usine devenait un arsenal en 1882. Les premiers véhicules - des modèles militaires fabriqués sous licence Ford, Chrysler et Jeep - étaient assemblés en 1939.

La production civile débutait en 1953. Cette même année, l'entreprise adoptait le nom de Zavodi Crvena Zastava, ce qui signifie " usine drapeau rouge ".  162 Jeep Willys sortaient de l'usine cette première année. Plusieurs constructeurs furent contactés afin d'apporter leur savoir faire et leurs capitaux, parmi lesquels Renault, Alfa Romeo, Austin, Rover et Fiat. C'est ce dernier qui fut retenu. L'objectif assigné aux usines Zastava était de conduire la Yougoslavie vers une motorisation de masse.

2. Les Fiat produites en Yougoslavie

La production de voitures sous licence Fiat débutait en 1954, pour se poursuivre jusqu'au coeur des années 80. Il y eu les Zastava 750 et 850 à moteur arrière dérivées de la Fiat 600 des années 50 et 60, les 1100/1300/1500 identiques aux Fiat du même nom, la 125 P proche de la version produite en Pologne par Polski Fiat (depuis 1969), les Fiat 126, 128, 131 et 132 dans leur versions italiennes.


Zastava 750


Zastava Fiat 1100 R

3. La Zastava 1100

La marque Zastava se fit connaître en France lorsqu'elle était importée par le très actif réseau d'André Chardonnet.


Zastava 1100

Les premiers contacts entre Chardonnet et Zastava eurent lieu en 1970. Mais à cette époque, l'usine peinait encore à répondre à la demande de son propre marché intérieur. Un modèle en particulier intéressait Chardonnet, la 101, lancée en octobre 1971. Il s'agissait d'une berline dérivée de la Fiat 128, équipée d'un moteur de 1116 cm3, et dotée d'un hayon ressemblant à celui de notre Simca 1100.

Le projet d'exportation vers la France fut suspendu jusqu'en 1973. A cette époque, Zastava était enfin parvenu à assouvir la demande du marché national, et avait débuté l'exportation vers la Grèce. Les stratèges de l'usine envisageaient d'un oeil nouveau une ouverture vers le reste de l'Europe, et pourquoi pas vers la France, par le biais de Chardonnet. Les négociations reprenaient entre le français et les yougoslaves. Chardonnet savait qu'il devait avant de vendre les Zastava en France leur faire subir un toilettage destiné à les rendre plus attrayante : installation de moquette au sol, de baguettes de protection ... mais surtout chaque voiture devait subir une vraie révision technique. Le prix de vente devait demeurer attractif dans l'hexagone, afin de compenser une absence totale d'image de marque. Sur ce point, Chardonnet n'eut pas trop de difficulté à convaincre ses interlocuteurs qui adaptèrent leurs tarifs aux circonstances.

La Zastava était un élément de fierté pour la Yougoslavie de Tito, et le symbole d'une politique particulière qui autorisait des échanges commerciaux autant avec les pays occidentaux que l'URSS.


La Zastava 101 s'inspira du hayon arrière de la Simca 1100

La 101 ne pouvait pas s'appeler 101 en France. En effet, ces dénominations avec un zéro central avaient toutes été déposées par Peugeot de longue date. Chardonnet baptisa donc sa nouvelle voiture de l'est Zastava 1100, avant d'opter pour la dénomination Zastava GTL durant les années 80. Dans certains pays, elle portait le nom de Skala. Ce modèle fut produit à plus d'un million d'exemplaires jusqu'en 2001, soit près de vingt ans après l'arrêt de la production des Fiat 128. La France en accueillait durant les meilleurs années entre 1000 et 1500.

3. La Yugo

La Yugo de type 102 complétait la gamme en 1980. Il s'agissait d'une deux portes plus compacte que la 101. Dans certains pays, elle se faisait appeler Yugo 45 avec une  mécanique de Fiat 127, avant que la gamme ne soit complétée par des versions 55 et 65, dotées de motorisations issues de la Fiat 128. 

En Italie, la petite yougoslave était vendue sous la marque Innocenti. Elle fut par ailleurs diffusée dans certains pays sous les noms de Tempo, Koral ou Ciao, et avec les terminaisons GV, GV Plus, GVX  ou GVL. Désormais, la marque Zastava était abandonnée à l'exportation, au profit du nom Yugo, plus évocateur. Pour ce modèle dessiné par l'usine, et pour la première fois chez Zastava, aucun embouti ne provenait d'une Fiat déjà connue.
En ce début des années 80, les plus belles pour le groupe industriel yougoslave, les usines Zastava tournaient au maximum de leur capacité. Le cap des 200 000 voitures par an fut atteint et dépassé.


Zastava Yugo

4. L'aventure américaine

La Yugo bénéficia d'une intérêt tout particulier de la part du marché américain, où elle était exportée à partir de 1985. Vu des Etats Unis, il s'agissait d'une petite voiture pauvrement équipée et motorisée - un 4 cylindres 900 cm3 au pays des gros V8 de 6 litres -, commercialisée à un tarif défiant toute concurrence. Dans la plupart des cas, les américains achetaient une Yugo comme s'il achetait une machine à laver, sans trop se poser de question, comme un objet strictement utilitaire, presque jetable après usage.

Cette voiture avait en plus la particularité d'être produite par un allié de l'ennemi russe. La guerre froide n'était pas encore terminée. C'est l'homme d'affaire Malcolm Bricklin (oui, celui qui commercialisait la fameuse Bricklin durant les années 70) qui orchestra la vente des voitures yougoslaves outre Atlantique. La Yugo progressa en terme de qualité pendant sa carrière aux Etats Unis. Bricklin délégua en effet quelques uns de ses ingénieurs à l'usine afin d'améliorer la fiabilité et la qualité de la finition. Sans que le constructeur en fasse un argument publicitaire, les voitures  destinées au marché américain bénéficiaient de contrôles plus rigoureux que les modèles vendus localement.


La Yugo en Amérique

La période d'euphorie fut de courte durée. Les Yugo étaient régulièrement affectées par des problèmes de fiabilité, auxquels la faible densité du réseau de distribution américain était incapable de faire face.

La petite yougoslave était même devenue un sujet de plaisanterie. Florilège :

- " A quoi servent les bandes de dégivrage sur la lunette arrière de la Yugo ? A chauffer les mains des personnes qui poussent la voiture par mauvais temps "

- " Les nouvelles Yugo ont un airbag. Quand vous pressentez un accident imminent, commencez très vite à le gonfler. "

- " Quel est le point commun entre une Ferrari et une Yugo ? La Ferrari passe de 0 à 60 en 4 secondes, tandis que la Yugo passe de 0 à 4 en 60 secondes. "

- " Comment faire passer une Yugo de 0 à 60 km/h en moins de 15 secondes ? Poussez la d'une falaise. "

- " Pourquoi les Yugo résistent t'elles si bien aux collisions frontales ? Parce que c'est le camion de dépannage qui absorbe presque tout l'impact. "

Yugo America déposait son bilan en 1989, et c'est désormais l'usine qui pilotait directement la diffusion de ses voitures au pays de l'oncle Sam.

5. La Florida

Zastava présentait en 1987 une nouvelle voiture de classe moyenne : La Florida, également diffusée sous le nom de Sana dans certains pays. Avec le soutien financier de Fiat, elle entrait en production en octobre 1988. Le dessin de la carrosserie, la plate forme et l'intérieur étaient l'oeuvre de Giugiaro. La mécanique ainsi que de nombreux éléments venaient de Turin. Cette voiture moderne fut d'emblée appréciée lors de sa présentation pour son habitabilité, son design agréable et son prix particulièrement compétitif.


Yugo Florida

Fiat hésita à cette époque à fournir des moteurs à Zastava, craignant une concurrence déloyale en Europe. Face aux menaces du constructeur yougoslave d'aller se fournir ailleurs, en particulier auprès de Nissan, le géant italien céda. Tant qu'à se faire concurrencer sur son propre marché, autant fournir le concurrent.

Chardonnet fut de nouveau intéressé par cette voiture à partir de 1989. Il parvenait à la vendre en France au prix de  51 630 francs en 1991, à comparer aux 76 100 francs requis pour une Citroën ZX Reflex équivalente. Mais la qualité yougoslave n'atteignait pas les standards de Fiat, et à l'usage la Florida souffrait de multiples défauts : bruits de roulements, climatisation inefficace, odeur d'essence, sièges mal fixés, etc ...

6. Période de crise

La crise menaçait, et bientôt le guerre entre les différentes communautés de l'ex Yougoslavie mettait toute cette région en état d'isolement. De 100 000 Zastava fabriquées en 1991, la production chutait à 24 000 unités en 1992. L'embargo international entravait l'approvisionnement des pièces en provenance d'Italie. Les fournisseurs croates bloquaient les livraisons aux usines Zastava. Le groupe possédait des unités de production dans différentes régions de l'ex Yougoslavie. Les liaisons entre les différents sites étaient devenues impossibles à gérer. La production cessait un temps.

L'usine de Kragujevac tournait de nouveau au ralenti lorsque le 8 avril 1999 elle fut détruite par les forces de l'OTAN et des Etats Unis. La chaîne d'assemblage était hors d'usage. 37 500 personnes se retrouvaient sans emploi. L'incompréhension était totale. Un pays ami qui accueillait il y a peu les petites Yugo venait de bombarder l'usine où elles étaient construites.

7. Une reprise laborieuse de l'activité

Mais l'histoire de Zastava ne s'arrête pas là. Après que fut envisagé un transfert de la production en Hongrie, l'usine historique fut partiellement reconstruite. En 2000, les sanctions économiques envers l'ex Yougoslavie étaient levées, et l'exportation devenait de nouveau possible.

Kragujevac est de nos jours la quatrième ville de Serbie, avec environ 200 000 habitants. Son destin est depuis toujours étroitement lié au devenir de Zastava. Ce groupe est composé de nombreuses sociétés dans des domaines aussi divers que l'armement, l'informatique et l'automobile. Cette dernière activité a représenté jusqu'à  presque 50 % du chiffre d'affaire de cet ensemble industriel.

En 2000, le groupe comptait encore 32 000 personnes. Plusieurs d'entre elles pointaient surtout pour bénéficier d'une couverture sociale, et tout le monde était bien conscient qu'un " dégraissage " était nécessaire, faute de pouvoir occuper tous les salariés. Après un premier plan social l'effectif fut réduit à 14000 salariés, puis à moins de 10 000.

Une nouvelle version réactualisée de la Yugo dénommée Koral était désormais commercialisée. De même, la Florida bénéficiait de quelques améliorations techniques et cosmétiques. Malgré sa conception qui commençait à dater, elle demeurait une voiture spacieuse dans sa catégorie, aux design encore d'actualité.


Quelques retouches pour la Yugo Florida

9. La Zastava Motors Works (ZMW)

Un " joint venture " était annoncé en 2002 avec la société Nucarco Inc dirigée par Malcolm Bricklin. L'intention était de réintroduire Zastava aux Etats Unis, avec une voiture vendue à un prix inférieur à 10 000 dollars, sous la marque Zastava Motors Works (ZMW, prononcez Zee M W). Le projet s'est enlisé, Bricklin manifestant plus d'intérêt à la vente d'automobiles de la marque chinoise Chery en Amérique qu'au retour des petites Zastava.

10. De nouveaux modèles

En avril 2002, Zastava dévoilait les prototypes d'une Koral restylée, ainsi que deux nouvelles Florida, la Sedan et le Break. Pour des raisons de coûts, les nouvelles Florida conservaient de nombreux composants issus de la version précédente. La Sedan était dotée d'une prétentieuse calandre façon Jaguar S Type. En 2002, la production atteignait 11 000 unités, puis 13 000 en 2004, pour une capacité largement supérieure.

11. Fiat de nouveau à la rescousse

Les contacts étaient nombreux en ce début de millénaire avec les constructeurs étrangers : Peugeot pour la fourniture de moteurs Hdi pour la Florida, Opel pour  la fabrication d'Astra et de Vectra, Fiat pour la production de la Punto à partir de 2006. Quoi qu'il en soit, l'état serbe continuait de soutenir financièrement Zastava.


Zastava 10

En septembre 2005, un accord de licence était signé avec Fiat. Il prévoyait la production de 16 000 exemplaires par an de la Punto de deuxième génération sous le nom de Zastava 10. L'objectif était alors de vendre celle ci dans les anciens pays satellites de l'URSS à un prix voisin de 8000 euros.

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