Turner, vers la toute petite série
Après la Seconde Guerre mondiale, une multitude de petits constructeurs britanniques tentent leur chance en commercialisant leur propre voiture de sport, avant de disparaître corps et âme en quelques mois. Seuls quelques entrepreneurs se font une place au soleil. Jack Turner, né dans le Pays de Galles le 1er avril 1916, est de ceux-là. Il débute sa carrière professionnelle en tant qu'apprenti au sein de la société de construction aéronautique Gloster. Il construit sa première voiture en 1949. Cette aventure prend fin en 1966. Jack Turner construit sa première voiture de course en 1949, et s'illustre dans des compétitions locales au volant de sa monoplace. Constatant que le milieu de la course automobile est gourmand en capitaux dont il ne dispose pas, il décide en 1953 de réduire son engagement sur les circuits pour s'orienter vers la production de voitures sportives populaires, simples et abordables. Le marché est porteur, puisqu'en dehors des fabricants de voitures en kit, et à l'exception de la MG Midget, aucun constructeur de propose de sportive à petit budget. Jack Turner installe son usine à Wolverhampton dans le Staffordshire pour produire une auto facile à conduire, agréable à regarder et peu coûteuse à l'entretien (easy to drive, easy to look at, easy to keep). Son entreprise n'a aucun rapport avec l'autre constructeur britannique Turner également implanté à Wolverhampton, qui a produit des automobiles de 1902 jusqu'au début des années 30. Son premier modèle de tourisme, une sportive d'entrée de gamme sur châssis tubulaire, est présenté en 1954. Sa carrosserie est en résine armée de fibre de verre, et la voiture est disponible soit sous forme de voiture complète, soit en kit à assembler. Sa dénomination, la 803, correspond tout simplement à sa cylindrée. Sa mécanique n'a rien de très originale et n'est pas très puissante, puisque empruntée à l'Austin A30. Comme la BMC refuse de fournir directement les moteurs, Jack Turner est contraint de s'approvisionner auprès de revendeurs, ce qui augmente sensiblement le prix de revient de sa 803. Ce premier roadster est plaisamment dessiné, et plutôt attrayant au regard de son prix. La face avant adopte une calandre façon coupe frite, à la manière des Ferrari contemporaines. Cette voiture frêle d'apparence est en fait très solide de construction. C'est pour cela que la 803 attire l'attention de quelques clubs amateurs de courses. Environ 40 exemplaires auraient été produits de 1954 à 1958.
Turner 803. Ces encarts publicitaires réalisés à l'économie agrémentent les magazines automobiles britanniques. L'Austin A35 remplace l'A30 à partir de 1956. La Turner emprunte fort logiquement sa mécanique de 948 cm3, et profite au passage d'un lifting destiné à la rendre plus séduisante. On note en particulier un nouveau dessin des ailes arrière correspondant aux goûts du public américain, marché sur lequel la voiture rencontre un certain succès. Les 43 ch du moteur Austin suffisent à faire croire au conducteur qu'il se trouve à bord d'une automobile sportive ! L'acquéreur peut toutefois opter pour une mécanique Coventry Climax de 1 098 cm3 plus puissante. Pas à pas, les automobiles de Jack Turner se constituent un joli palmarès sur les circuits. 166 exemplaires de la 950 auraient vu le jour, avec un taux de survie assez élevé jusqu'à nos jours, puisque 67 exemplaires seraient référencés comme étant aux mains de collectionneurs.
La chanteuse, compositrice et actrice Petula Clark participe à la renommée de la Turner, en s'affichant occasionnellement avec son modèle rose. Jack Turner propose une nouvelle évolution de sa voiture en 1959. Les lignes de la Turner Mark I sont plus modernes, et d'apparence plus homogène que celles de la 950, moins " bricolées " grâce à l'adoption d'une calandre plus large et plus basse. Le succès ne se dément pas avec 260 exemplaires fabriqués, dont plus de 80 seraient encore de nos jours en état de rouler. En 1960, la Mark II la remplace au prix de quelques améliorations, notamment l'utilisation de suspensions avant empruntées à la Triumph Herald, et la possibilité d'opter, en plus des moteurs Austin et Coventry Climax, de mécaniques d'origine Ford UK, de 1 litre à 1,5 litre de cylindrée.
Turner Mark II. Le nouvel aspect des Mark I et II contribue à améliorer la perception qualitative. Ainsi, elles se rapprochent des Austin Healey Sprite ou Triumph TR3A. La Mark III de 1963 bénéficie de quelques retouches esthétiques (prise d'air sur le capot, feux arrière elliptiques), et peut en plus des mécaniques déjà citées opter pour un moteur Ford 1 650 cm3 amélioré par Cosworth. La majorité des Mark III prennent la direction des Etats-Unis jusqu'en 1966.
Cette brochure vante les mérites du 1100 Coventy Climax.
En 1961, Turner cantonné aux sportives à bas prix tente de gravir une marche supplémentaire en commercialisant un coupé GT 2+2 équipé de moteurs Ford ou Coventry Climax. Mais le public n'est pas au rendez-vous, et seulement une dizaine de voitures sont construites. Au cours des années 60, Turner est contraint de faire face à une concurrence plus musclée. D'autres petits constructeurs comme Lotus, Marcos ou Ginetta lui font de l'ombre, tant sur route ouverte que sur circuit. Jack Turner se retire pour des raisons de santé de son affaire en 1966. Peu de temps après le départ de son fondateur, Turner ferme définitivement ses portes. Depuis 1949, environ 670 voitures ont été produites. 317 voitures existeraient encore de nos jours, dont 128 en Grande-Bretagne et 131 aux Etats-Unis. Quatre exemplaires seraient immatriculés en France. Jack Turner est mort en mars 2011.
Jack Turner en 1985, source : http://www.turnersportscars.co.uk
Texte : André Le Roux / Jean-Michel
Prillieux |
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