Tornado
Au début des années 50, Bill Woodhouse, ancien officier de la Navy, s'était laissé tenter par un kit, une " special " comme on disait alors, qu'il assembla à grande peine, puis par un second avec lequel il rencontra des difficultés analogues. Cette formule permettait à l'époque, en Grande-Bretagne, sous certaines conditions, d'échapper à la très lourde " purchase tax " affectée aux voitures neuves. Constatant le manque de professionnalisme de ces fabricants de voitures à monter soit-même, et souhaitant profiter du nouvel engouement du public pour les voitures de sport légères, il se lança en compagnie du dénommé Anthony Bullen, qui partageait son point de vue sur la médiocrité de ces kits, dans le grand bain de la production automobile. Ce faisant, il s'inspirait de la réussite qu'affichait déjà une certain Colin Chapman, père des Lotus, qui proposait depuis 1957 l'Elite et la Seven. Pour ne deux compères, il n'était pas question de bricoler à la va-vite une voiture. Celle-ci devait répondre à un cahier des charges technique et qualitatif rigoureux. Ne doutant absolument pas de leur succès à venir, ils baptisèrent leur marque Tornado et leur premier modèle né en août 1958, Typhon. La recette était on ne peut plus classique : une carrosserie en fibre de verre posée sur un châssis de construction maison. Contrairement à la plupart de ses concurrentes qui ne proposaient pas de châssis, la Typhoon était vendue sous la forme d'un kit complet, composé d'un châssis tubulaire et d'une carrosserie en matériaux composites qui ne jouait aucun rôle structurel. Il ne restait plus au client qu'à installer une mécanique d'origine Ford type E93A, un 1173 cm3 de 27 ch SAE, selon la définition du cahier des charges.
Le prototype de la Typhoon
Tornado Typhoon, publicité presse Woodhouse et Bullen s'étaient efforcés de concevoir un kit privilégiant des solutions simples, efficaces et peu onéreuses, qui puisse être assemblé par le commun des mortels, sans s'arracher les cheveux. Un prix bas, une bonne finition, et la simplicité de montage attirèrent de nombreux acheteurs. Le nombre de kits Typhoon diffusés est estimé à entre 350 ou 400 unités, produits à Rickmansworth, dans le comté de Hertforshire, au nord de Londres. L'entreprise employa jusqu'à une cinquantaine de salariés. Après la Typhoon, Tornado proposa en 1960 la Tempest, également disponible en kit, dotée du moteur de la Ford Anglia 105 E de 997 cm3 de 54 bhp (environ 55 ch Din) et d'un châssis amélioré. Seulement dix exemplaires furent produits entre 1960 et 1962 sur la base d'un nouveau châssis de conception maison. Le dessin de la carrosserie était identique à celui de la Typhoon. Tornado présenta la même année un break de chasse sur base Tempest qui s'avérait assez réussi au plan esthétique, mais qui n'atteignit jamais le stade de la production. Celui-ci ouvrait à sa manière la voie aux futures Reliant Scimitar, Aston Martin de Radford, Jensen GT ou Volvo P1800 ES qui connurent un succès plus durable.
Tornado " break de chasse " Dans la foulée, Tornado étudia un kit Thunderbold équipé du moteur 1991 cm3 de la Triumph TR 3, d'une puissance d'environ 100 ch Din. La voiture qui ne pesait que 698 kg était essentiellement destinée à la compétition, mais elle manquait d'équilibre, et s'avéra même dangereuse à conduire. Elle ne dépassa pas le stade du prototype.
Tornado Thunderbolt Les Typhoon, Tempest et Thunderbold étaient disponibles en version ouverte, dite " Sports " ou fermée, appelée " Grand Touring ", avec des nuances de longueur de châssis que seule une construction artisanale autorisait, permettant d'accueillir le cas échéant deux passagers supplémentaires, si possible sur une courte distance ... En 1961, une Typhoon coûtait 650 £, une Tornado 850 £ et la Thunderbold était affichée à 1100 £. L'arrivée des nouvelles MG Midget (1961) et autres Triumph Spitfire (1962), produites par des constructeurs mieux connus, et qui mettaient plus en confiance l'acheteur, laissait moins de place aux productions plus marginales. Par ailleurs, le client qui faisait le choix d'une Tornado assemblée en usine devait prévoir un budget correspondant à peu de chose près à celui d'autres modèles autrement plus prestigieux et plus puissants, comme l'Austin Healey 3000 ou la Jaguar XK 150. Pour contrer ces inconvénients, Bill Woodhouse décidait de monter en gamme, en proposant au Racing Car Show de 1962 son nouveau coupé Talisman, basé sur un châssis de Tempest. Le public et la presse semblaient conquis par les lignes de l'auto, qui abandonnait les traits tourmentés de ses prédécesseurs pour un dessin d'inspiration plus " continentale ". La Talisman se singularisait notamment par un arrière fastback, d'importantes surfaces vitrées et un imposant capot avant qui basculait d'un seul bloc afin de faciliter l'accessibilité mécanique, à la manière d'une Jaguar E !
Tornado Talisman Avec la Talisma, Tornado était désormais assimilé par le public à un constructeur à part entière, et non plus à un simple fabricant de kits. Le moteur Ford 109 E de 1340 cm3 fourni à des conditions avantageuses - le constructeur jouait plutôt bien le jeu en distribuant ses moteurs à des indépendants - avait été retravaillé par Cosworth. Pour les clients les plus exigeants, Tornado proposait une mécanique Ford Cortina. Avec ses 1498 cm3 et ses deux carburateurs Webers, sa culasse revue et son échappement libre, celle-ci développait 86 ch Din. Avec un poids plume de 590 kg à vide, Tornado annonçait fièrement une vitesse de pointe de 140 mph pour sa Talisman. La presse spécialisée, septique face à cette annonce, vérifia par un essai ces données. Le verdict fut sans appel : 102 mph (164 km/h). La Talisma était affichée à 1290 £, un tarif proche de celui d'une Triumph TR4. Son constructeur préféra ne pas précipiter sa commercialisation, qui n'intervint qu'en 1963, afin de répondre aux quelques critiques émises par les journalistes, notamment un roulis important et un niveau sonore élevé. Elle se distinguait de la plupart de ses concurrentes par une qualité de finition jusque-là inconnue sur une kit car, et par un degré d'équipement largement au-dessus de la moyenne : volant trois branches en aluminium et jante bois à hauteur réglable, tachymètre et compte-tours de grande taille de marque Smiths, boîte à gants fermant à clef, rétroviseur intérieur jour/nuit, moquette épaisse, trousse à outils aux couleurs de la marque, vitres arrière qui s'entrouvrent, etc ... La voiture plut immédiatement. 186 exemplaires furent fabriqués, même si le prix de vente avait été revu à la hausse depuis la présentation initiale.
Tornado Talisman Tornado se trouvait à la croisée des chemins. Le constructeur devait-il se contenter de demeurer un fabricant de kit car parmi d'autres, même si ceux-ci étaient situés en haut du panier, ou devait-il faire preuve de plus d'ambition, et grandir. Mais pour cela, des capitaux étaient nécessaires. Ne disposant pas de suffisamment de ressources, Woodhouse et Bullen décidaient en 1963 de mettre volontairement leur société en liquidation, et se mirent en quête d'un repreneur. Lotus, Fairthorpe et Standard Triumph déclinèrent l'offre. Tornado fut finalement racheté par un certain John Bekaert, pilote de son état. Une nouvelle société fut créee. Parallèlement à la fabrication de la Talisman, Bakaert prévoyait une activité de préparation. Woodhouse assura l'intérim pendant quelques mois. Mais l'entreprise était en souffrance, et les tentatives de ramener le prix de revient de la Talisman à un niveau plus raisonnable s'avérèrent vaines. Dans un ultime sursaut, Bekaert tenta de greffer une coque de Talisman sur un châssis de Daimler SP 250 à destination du marché américain, mais sans plus de réussite. Il abandonna la partie en 1964. L'entreprise poursuivit son activité en se recentrant sur la réparation de carrosseries, avant de disparaître au milieu des années 80.
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