Swallow Doretti, british sports car


Fondée en 1922, la firme britannique Swallow Sidecar Company est connue pour avoir enfanté la marque Jaguar en 1946, mais est moins connue pour avoir créé la Doretti en 1953, un roadster concurrent des Austin-Healey 100 et MG A. Malheureusement, la Swallow Doretti ne dura qu'un seul printemps et fut abandonnée dès 1954.


La Swallow Sidecar Company, constructeur de side-cars, voit le jour en 1922, sous l'impulsion de William Walmsley (1892-1961) et de William Lyons (1901-1985), père des futures Jaguar. Walmsley s'occupe essentiellement de la production et Lyons des ventes et de la gestion du personnel. Lyons étant encore mineur au moment de la création de la société, c'est son père qui signe les papiers ! Le nom de Swallow (hirondelle en anglais) provient de celui de la petite voiture à pédales que possédait Walmsley durant son enfance, et que son père avait ainsi baptisée.

Extrait d'un catalogue pour les Sidecars Swallow, 1928

En 1927, Swallow devient fabricant d'automobiles, avec l'Austin Swallow dotée d'une carrosserie plus séduisante que celle du modèle de base. Les automobiles changent de désignation en 1927. Il ne s'agit plus de Swallow, mais de SS Cars. Seuls les side-cars sont encore produits sous la marque Swallow.

Austin Swallow Sports Saloon

Swallow est vendue au groupe Helliwell en 1945 quand William Lyons donne naissance à Jaguar, qui remplace SS Cars, une désignation devenue difficile à porter après-guerre. Helliwell est un fabricant de composants pour l'aéronautique. Cette société est elle-même intégrée au conglomérat Tube Investments en 1946.

En 1947, parallèlement à ses side-cars, Swallow commercialise le Gadabout, un scooter très basique de conception, à l'origine peu performant en raison d'un poids assez élevé et d'une mécanique peu puissante. Swallow propose une version side-car de son Gadabout, dénommée Gadabout Commercial. Malgré quelques évolutions qui permettent une progression des performances, le Gadabout doit s'incliner au début des années 50 face aux scooters d'origine italienne, bien plus attractifs avec leurs lignes épurées et élégantes.

Swallow Gadabout

Swallow se reconvertit dans la production automobile, avec la Doretti. Cette voiture de sport va être assemblée dans l'une des usines de Tube Investments, à Walsall dans le Staffordshire. Le projet est porté par Arthur Andersen, un des cadres du groupe. Deux personnalités en particulier marquent l'histoire de la Swallow Doretti : Franck Rainbow et Dorothy Deen.

L'ingénieur Franck Rainbow bénéficie d'une solide expérience acquise au sein de la Bristol Aeroplane Company. C'est déjà lui qui a conçu le Swallow Gadabout. Il va mener à bien le projet de la Doretti. L'étude débute en janvier 1953. En seulement neuf mois, Franck Rainbow, novice en matière automobile, et donc sans préjugé quant aux solutions techniques à adopter, parvient à concevoir une nouvelle voiture de sport. Durant la période de développement, il adresse régulièrement des rapports et des photographies sur l'évolution du projet à son commanditaire Arthur Andersen, sans que celui-ci exprime la moindre divergence de vues.

L'idée d'Andersen est de créer une voiture de sport qui puisse s'insérer entre la populaire Triumph TR2 et la plus élitiste Jaguar XK 120. Au tournant des années cinquante, des milliers d'amateurs américains, en particulier sur la côte californienne, se sont pris d'une passion soudaine pour les " british sports cars ". Chez Tubes Investments, on entend bien profiter de cet enthousiasme du public US.

Franck Rainbow à bord d'un prototype de la Swallow Doretti en septembre 1953

La première présentation privée de la voiture intervient aux Etats-Unis en octobre 1953. Sa présentation officielle au grand public a lieu en janvier 1954, durant six jours, dans le prestigieux Hôtel Ambassador de Los Angeles. La Swallow Doretti exhibe une ligne réussie qui reprend les ingrédients stylistiques classiques chers aux sportives de cette décennie, en particulier des rondeurs douces alliées à une silhouette dynamique. Il y a en elle à la fois de l'Austin Healey 100, de la MGA et bien sûr un peu de XK 120.

Le nom Doretti est dérivé du prénom de la fille d'Arthur Andersen, Dorothy, (1922/2007). Cette jeune femme dirige jusqu'alors aux Etats-Unis une société spécialisée dans la distribution d'accessoires automobiles. Désormais, elle va prendre en main la destinée sur le sol américain de la petite sportive britannique. Une structure baptisée Cal Sales est créée à cet effet. Cal Sales commercialise et assure l'après-vente de la Swallow Doretti, parallèlement à la distribution des automobiles de la marque Triumph Standard, dans une vaste région à l'Ouest du Mississippi.

Dorothy Deen gère cette affaire au quotidien, s'occupe des prises de commandes, met en place un réseau de distributeurs, et supervise la promotion des ventes et la publicité. Et comme il s'agit d'une jolie femme, ce qui n'est pas courant dans le domaine de l'industrie automobile à cette époque, elle n'hésite pas à jouer les mannequins pour les publicités. Elle accepte volontiers les interviews, et apparaît même à la télévision ou en radio pour promouvoir la Swallow Doretti.

Dorothy Deen

Dorothy Deen a été très impliquée dans le projet de cette voiture dès le début de l'aventure, mais seulement en tant qu'observatrice. Elle a parfois donné son avis, mais elle n'a jamais participé activement ni à sa conception, ni à son dessin.

Sous la carrosserie faite de panneaux d'aluminium fixés sur une structure en tôle d'acier, on découvre un châssis tubulaire de conception maison, particulièrement rigide, qui surpasse sans peine la traditionnelle structure à longerons de la Triumph TR2. Le moteur, la transmission, les freins, les suspensions et l'instrumentation de bord proviennent de la cousine TR2. Plus lourde de 30 kg que la TR2 (920 kg contre 890), la Doretti s'avère moins vive, et ce ne sont pas ses formes théoriquement plus aérodynamiques qui permettent de compenser ce désagrément.

Swallow Doretti

L'étude et le développement de la Swallow Doretti ont été menés en toute indépendance vis-à-vis de Standard Triumph. Toutefois, Sir John Black s'est assuré du sérieux et de la rigueur de l'étude, afin d'offrir toute la sécurité requise à ses passagers. Il est hors de question qu'une voiture équipée d'un moteur Triumph puisse entacher l'image de l'entreprise qu'il dirige. John Black a encore en mémoire la mise au point laborieuse de la TR2.

Assemblée artisanalement, la Doretti est facturée 1 102 livres en Grande Bretagne, contre 887 pour la Triumph. Aux Etats-Unis, elle coûte environ 3 000 $, environ 15 % de plus que la TR2, et à peu près le même prix qu'une Austin Healey 100. Une XK 120 coûte 15 % de plus qu'une Swallow Doretti. Jacques Savoye va importer quelques exemplaires en France.

Publicité extraite du magazine l'Automobile N° 105 de 1955

Différentes justifications sont apportées pour expliquer la fin prématurée de la Swallow Doretti. Selon la version " officielle ", la clientèle américaine, principale cible pour la Doretti, s'est montrée prudente face à cette automobile émanant d'un constructeur inconnu. Il ne suffit pas d'une belle carrosserie et d'un confort unanimement reconnu pour remporter la mise. La Swallow Doretti selon ses détracteurs manquait d'image, ce qui à l'époque ne pouvait s'acquérir que par le biais d'un engagement en compétition. Faute de notoriété, il est difficile, voire impossible de se faire une place au soleil de Californie. Swallow n'a pas eu les reins assez solides pour soutenir durablement un lancement commercial laborieux.

La vérité est pourtant tout autre. Si à cette époque, nombre de petits constructeurs souffrent d'un manque de trésorerie et d'une sous-capitalisation, Swallow Doretti, soutenu par un important groupe, Tubes Investments, n'a aucune difficulté de ce côté-là. Avec des ventes en progression constante, des coûts en personnel restreints avec une équipe de production réduite à dix-huit personnes, et la fourniture à des tarifs fort avantageux de pièces en métal et en aluminium par son commanditaire, le petit constructeur est dans une situation que nombre de ses concurrents peuvent lui envier.

Swallow Doretti - Source : https://collectingcars.com

Swallow Doretti - Source : https://www.classicdriver.com

La production de la Doretti est une activité mineure dans le grand conglomérat Tube Investments. La fourniture de composants à plusieurs constructeurs automobiles est une source bien plus conséquente de revenus. L'un des clients du groupe, Williams Lyons lui-même, se manifeste. Il voit d'un mauvais oeil que l'un de ses principaux fournisseurs puisse le concurrencer sur son propre terrain, d'autant que la Doretti ne manque à ses yeux ni d'atouts ni de charme. Ces pressions pesèrent lourd sur la décision de suspendre la production de la voiture. John Black, le patron de Triumph se fait discret et s'incline face aux pressions de Lyons.

C'est dans ce contexte peu glorieux que la production est arrêtée après seulement onze mois, alors que cinq voitures sortent encore de l'usine quotidiennement. Durant ce laps de temps, 276 exemplaires ont été produits. Une version Mk 2, baptisée Sabre, a pourtant été étudiée. Outre quelques évolutions de style, elle répondait à l'une des critiques émises au sujet de la première version, en adoptant un couvercle de malle de coffre.

Swallow Doretti Mk 2 " Sabre ", un modèle unique

La Swallow Coachbuilding Compagny est vendue en 1956 au constructeur de side-cars Watsonian. Dorothy Deen poursuit jusqu'en 1960 la diffusion automobile pour Standard Triumph, avant que le constructeur ne prenne en main lui-même la distribution de ses automobiles aux Etats-Unis.

Texte : André Le Roux / Jean-Michel Prillieux
Reproduction interdite, merci.

Retour au sommaire de Marques disparues - Retour au sommaire du site