Jensen


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Les débuts


Issus d'une famille de " casseurs " de navires d'origine danoise, Alan Jensen (1906/1993) est en apprentissage chez un fabricant de radiateurs et son frère Richard (1909/1976) travaille chez Wolseley. Ni l'un ni l'autre ne font de brillantes études. Tout jeunes, ils sont déjà attirés par le développement d'un nouveau phénomène qui commence à révolutionner la société : l'automobile. A leur club de tennis, ils font la connaissance d'un garçon qui a construit pour son usage personnel un véhicule plus ou moins hybride. C'est à ce moment-là qu'ils prennent la décision de faire comme leur ami, mais en mieux.

En 1928, ils démontent dans le jardin familial une Austin Seven vieille de trois ans que leurs parents viennent d'offrir à Alan pour son anniversaire. Ils se mettent au travail, vérifiant le moteur, modifiant le châssis et construisant une carrosserie biplace très personnelle. Cette première voiture est revendue.

La première Jensen, une Austin Seven modifiée. Copyright

Les deux frères que rien n'arrête font des offres de service au constructeur Standard. Celui-ci leur livre un châssis, qu'ils conduisent chez le carrossier Avon. Nous sommes en 1930, et la voiture des frères Jensen est désormais commercialisée en petite série sous la marque " Avon Standard ".


Jensen appose son nom


Alan et Richard se font embaucher chez Carters Green, une entreprise de carrosserie industrielle. Leurs responsabilités vont grandissantes dans l'affaire et c'est en 1934 qu'ils accrochent leur nom au fronton de la société, qui devient la Jensen Motors Ltd. Tout en poursuivant la production de camions, ils y développent la transformation de voitures de tourisme en habillant sous forme de cabriolet ou de coupé des châssis de différentes marques : Ford, Triumph, Morris, Singer, Wolseley ...

Wolseley par Jensen. Source : https://fr.wheelsage.org


Ford V8 par Jensen


En 1934, ils ajoutent à leur catalogue la transformation d'une Ford V8 produite en Angleterre à Dagenham. C'est ainsi que notre petit constructeur propose une élégante carrosserie de type torpédo. Sur cette même base, Jensen vend aussi quelques cabriolets et conduites intérieures. La Jensen n'est pas qu'une Ford rhabillée. Les deux frères améliorent le V8 en montant un pont plus long, une commande de vitesses en retrait et une colonne de direction réglable. Le client sportif peut aussi choisir un compresseur et un pont arrière à double démultiplication.

Ford V8 par Jensen. Copyright

Ce faisant, Jensen entre dans le groupe des constructeurs qui ont recours à des mécaniques américaines pour s'infiltrer dans le haut de gamme. Si les V8 américains ne sont pas réputés pour leur sophistication, ils n'ont pas non plus les inconvénients des V12 et V8 européens en alliage léger, double arbre, à régler en permanence, à entretenir après chaque déplacement ... Plusieurs marques accèdent à la notoriété en acceptant ce compromis. Outre Jensen, avant-guerre, des constructeurs comme Atalanta, Railton ou Allard font appel aux Américains. Dans les années 50, 60 et 70, ce sont Bristol, Allard, Gordon Keeble, Facel Vega, Monica, Iso Rivolta, Bizzarini, De Tomaso, Monteverdi ... qui cèdent à cette tentation.

Ford V8 par Jensen. Copyright

En 1936, Jensen vend à l'acteur américain Clark Gable un châssis Ford V8 habillé en " tourer ". Celui-ci souhaite quelque chose de spécial. Il lui est suggéré de s'adresser à Jensen. Cette vente est une fenêtre ouverte sur la postérité. Jensen produit une vingtaine de Ford transformées conformément au modèle vendu à Clark Gable.

Clark Gable fit beaucoup pour la notoriété naissante de Jensen. Copyright

Quoi qu'il en soit, ces premières Jensen sont généralement considérées comme des Ford à carrosseries spéciales, et non comme des produits d'une nouvelle marque. Cela ne sera plus le cas des voitures commercialisées à partir d'octobre 1936 ...


Jensen Type S et H, 1936/1945


Les productions de Jensen rencontrent un certain succès, ce qui pousse Alan et Richard à viser plus haut. A partir de 1936, au lieu d'habiller uniquement les châssis des autres, ils en commandent eux-mêmes à l'extérieur, adaptés aux lignes des carrosseries qu'ils souhaitent construire. La part américaine de la Type S est indiquée avec discrétion. Le magazine " The Motor " se contente de préciser que la voiture est propulsée par un V8 bien connu fabriqué en Grande-Bretagne. C'est vrai dans la mesure où le V8 Ford est produit à Dagenham depuis 1933. Les seuls autres organes de la Type S d'origine Ford sont les éléments de suspension.

Jensen Type S. Copyright

Les modifications apportées par Jensen font passer la puissance disponible de 85 ch chez Ford à près de 120 ch. Ce n'est pas un luxe, car une berline Jensen pèse près de 180 kg de plus qu'une Ford de série. Les carrosseries aux lignes courbes sont très élégantes avant-guerre. Le style " razor edge " à angles vifs ne sévit pas encore à West Bromwich. Jensen offre une conduite intérieure à quatre glaces à malle arrière saillante intégrée, un cabriolet quatre places et deux portes, et un peu ordinaire torpédo double pare-brise qui rappelle les classiques américaines des années 30, tout en étant beaucoup moins cher à l'achat et à l'usage. On retient aussi pour la petite histoire la livraison en Californie en 1937 de deux cabriolets à moteur Lincoln Zephyr. Il s'agit de commandes spéciales, et non d'une option.

Jensen Type S. Copyright

Les conduites intérieures sont souvent peintes en crème avec un toit noir, heureuse combinaison présentée sur toutes les Jensen exposées au Salon de Londres en 1938, seule manifestation officielle de la firme avant la guerre.

Jensen à Earl'Court en 1938. Copyright

Chez Jensen, on comprend vite que le V8 Ford a trouvé ses limites. Certes, il est bon marché mais peu adapté aux améliorations et prêt à cracher ses joints de culasse si on cherche un peu trop à le travailler. Son bruit d'échappement irrégulier et désagréable jure sur une " grande routière ". Si bien que fin 1938, un nouveau modèle, la Type H, équipé d'un 8 cylindres en ligne de 4 205 cm3 d'origine Nash, retravaillé par Jensen, est proposé aux côtés du V8 Ford. Ce bloc délivre aussi 120 ch sans peine ni traitement spécial. Cinquante exemplaires de la Type S auraient été produits jusqu'en 1941, ainsi que quatorze Type H jusqu'en 1945, pour la plupart en conduite à droite.

Jensen Type S. Copyright


Jensen Type PW, 1946/1952


Pendant la guerre, l'entreprise participe à l'effort national en fournissant des tourelles de chars et des ambulances. En 1946, Jensen présente une nouvelle voiture, le Type PW (pour Post War). Cette berline sérieuse aux lignes un peu raides typiquement britanniques, est proposée avec un V8 de 3,9 litres produit par la société d'Henry Meadows. Mais la mise au point de cette mécanique est désespérément longue, et lorsqu'elle est enfin prête, elle souffre encore de régimes vibratoires irrémédiables, si bien que Jensen se tourne de nouveau vers la mécanique Nash plus fiable.

Jensen PW. Copyright

Leonard Lord, PDG de la BMC, est très excité par le potentiel du marché US et veut à tout prix fabriquer des Austin pour l'Amérique. Le modèle que ses stylistes dessinent ressemble tellement à la PW des frères Jensen que ceux-ci sont fondés à entreprendre un procès en contrefaçon. Mais ils sont aussi intéressés par le moteur Austin 4 litres pour équiper leur PW, et entre gentlemen de la profession, ils trouvent un accord avec Leonard Lord, d'autant plus que le marché est très demandeur. C'est ainsi que la PW abandonne le V8 Nash pour le 6 cylindres en ligne de 3 993 cm3 des Austin A135. La PW demeure un modèle confidentiel jusqu'en 1952, entre 15 et 20 exemplaires sont produits (nombre variable selon les sources).

La Jensen PW est disponible en Convertible et Saloon. Copyright

La principale source de revenus de Jensen provient encore à cette époque de la production d'un camion léger à cabine avancée, le JNSN.

JNSN par Jensen. Copyright


Austin A40 Sports, 1949-1953


Des liens cordiaux étant établis avec la BMC, une fructueuse collaboration peut désormais s'installer entre les deux entreprises. Jensen lance en octobre 1949 un nouveau modèle, le cabriolet Interceptor, premier du nom.

Sa carrosserie préfigure celle de l'Austin A40 Sports, commercialisée l'année suivante. Mais cette fois, l'A40 Sports n'est pas un plagiat. Eric Neale, ancien de chez Wolseley, et designer chez Jensen depuis 1946, auteur des lignes de l'Interceptor, propose son dessin à Leonard Lord, qui a déjà vu le prototype de la Jensen. Le patron de la BMC lui demande d'étudier une carrosserie au style similaire, en plus petit, pour la future A40 Sports. Leonard Lord est séduit par la réalisation de Jensen, et pousse plus loin cette coopération en confiant à l'entreprise la production de la carrosserie. Une nouvelle usine est installée à Stoke-on-Trent. Celle-ci assure jusqu'en juin 1953 la fabrication de 4 011 voitures de ce type. Cette nouvelle activité permet à Jensen de garantir une part majeure de son chiffre d'affaires, et de poursuivre la production de ses propres voitures de sport et de luxe moins rentables.

Austin A40 Sports. Copyrigh


Jensen Interceptor, 1949-1957


Des Revenons à l'Interceptor lancée en octobre 1949. Celle-ci reprend le six cylindres en ligne Austin de 3993 cm3, qui fournit ici 131 ch. La carrosserie de ce cabriolet est assemblée sur un châssis Austin A70 Hereford. Elle utilise une carcasse en bois et des panneaux en acier et aluminium. L'Interceptor pèse tout de même 1420 kg. Elle n'est pas à proprement parler une voiture de sport, mais plutôt une tranquille " grand tourisme " dont la puissance est suffisante pour croiser à 150 km/h.

Jensen Interceptor. Copyright

En 1951, Jensen propose une version coupé de son Interceptor. Les deux versions sont produites jusqu'en 1957, à cadence très réduite, puisque seulement 77 voitures (88 selon une autre source) sont assemblées. Son prix situé au-dessus de celui d'une Jaguar XK la rend peu compétitive.


Jensen 541, 1953-1962


Parallèlement à l'Interceptor, qui poursuit discrètement sa carrière, Jensen présente au Salon de Londres en octobre 1953 un nouveau coupé à quatre places, la 541. Elle est fabriquée sur un nouveau châssis de conception " maison ". Sa carrosserie en fibre de verre, avec des portes en aluminium, est dessinée par Richard Jensen et Eric Neale. Cela permet un gain de poids d'une centaine de kilos par rapport à l'Interceptor. C'est la première quatre places en fibre de verre produite en série. Elle est également animée par le six cylindres Austin.

Jensen 541. Copyright

En 1956, la 541 De-luxe, gavée par trois carburateurs SU, affiche une puissance de 140 ch et une vitesse de 180 km/h. Cela la positionne plus sûrement sur le marché des voitures de sport, face à la Jaguar XK 140 ou à l'Aston Martin DB2/4.

Jensen 541 Deluxe. Source : https://fr.wheelsage.org

En 1957, la version améliorée 541R atteint 152 ch et 190 km/h. Pour supporter une telle cavalerie, le châssis est renforcé, et la 541R adopte des freins à disques. Elle devient la première voiture britannique, quelques mois avant la Jaguar XK 150, à s'équiper en série d'un tel système. On la distingue de la 541 par la présence d'une nervure au-dessus des roues arrière.

Jensen 541 R. Source : https://fr.wheelsage.org

Au Salon de Londres 1960, la 541S est dotée d'une carrosserie élargie de dix centimètres, son tableau de bord est redessiné, et elle adopte une boîte de vitesses Rolls-Royce Hydramatic. La Jensen 541 est produite en 845 exemplaires au total : 225 en versions 541 et 541 De-luxe de 1953 à 1957, 493 en version R de 1957 à 1960, et enfin 127 en version S de 1960 à 1963.

Jensen 541 S. Copyright

Curieusement, les frères Jensen n'aiment pas vraiment que l'on parle d'eux. Ils poussent la discrétion à un degré étonnant dans un pays où elle est considérée comme de bon ton. Ceci explique en partie le niveau de production de leur entreprise, qui demeure confidentiel sous leur direction. Ils préfèrent que les clients fassent leur publicité.

Longtemps, ils refusent d'exporter leurs voitures, estimant ne pas disposer d'un service de vente et d'entretien parfaitement organisé. À la fin des années 50, l'implantation d'une filiale en Suisse constitue un premier pas vers l'ouverture. Les années 60 seront celles d'un plus grand développement vers l'étranger.


Jensen, sous traitant pour de grandes marques


Le succès aidant, Jensen s'installe en 1957 à Kelvin Bay, toujours à West Bromwich, dans une usine plus spacieuse. La production de ses propres modèles demeure cependant une activité marginale par rapport à ses travaux de sous-traitance.

Après avoir fabriqué les carrosseries des Austin A40 Sports, Jensen devient à partir de 1952 sous-traitant pour le projet de l'Austin Healey. La firme assemble les carrosseries à partir de châssis fournis par " John Thompson Motor Pressings " et de tôleries provenant de " Boulton Paul ". Les carrosseries complètes reçoivent leur aménagement intérieur et la mécanique à l'usine Austin de Longbridge. Environ 72 000 unités de la 100, puis de la 3000, sont produites jusqu'en 1968.

Austin Healey 100 Six. Copyright

C'est aussi à Jensen que l'on doit l'assemblage du 4x4 Austin Champ entre 1952 et 1955, puis de l'Austin Gipsy à partir de 1958. L'un et l'autre sont bien incapables de contrecarrer le succès grandissant du Land Rover.

Austin Gipsy. Copyright

Un autre contrat est passé avec Volvo, pour assurer la production et la finition des caisses du coupé P1800 à partir de 1960. Mais les carrosseries présentent de graves problèmes d'ajustement. Les 250 premiers exemplaires sont si défectueux qu'ils doivent être tous repris intégralement à Göteborg. Échaudé par ces problèmes, Volvo dépêche ses ingénieurs qualité chez Jensen. Malgré un contrôle plus exigeant, le résultat n'est toujours pas à la hauteur. Les Suédois dénoncent le contrat avec Jensen en mars 1963 après 6 000 exemplaires produits, alors que l'accord initial en prévoyait 10 000.

Volvo P1800. Copyright

A partir de 1964, Jensen produit aussi la Sunbeam Tiger à moteur Ford V8, laquelle est abandonnée au moment de la prise de contrôle du groupe Rootes par Chrysler en 1967.

Sunbeam Alpine V8. Copyright

Parallèlement à la production des automobiles Jensen et à ses activités de sous-traitance, la firme de West Bromwich assemble à partir de 1958 des utilitaires légers sous licence du constructeur allemand Tempo-Werk Gmbh d'Hambourg.

Jensen Tempo 1500, vers 1960. Copyright

Entre-temps, en 1959, les frères Jensen cèdent leurs parts au groupe financier Norcros, qui devient de fait l'actionnaire principal. Richard démissionne en 1967, officiellement pour raison de santé, suivi d'Alan l'année suivante.

Tout à gauche, Richard Jensen, tout à droite, Alan Jensen. Copyright


Jensen CV-8, 1962-1966


Présentée au Salon de Londres en octobre 1962, et livrée aux premiers clients début 1963, la CV-8 succède progressivement à la 541. A la pureté du dessin initial succèdent un avant tarabiscoté et un arrière discutable. Lors de l'étude de la voiture, il est prévu qu'un plexiglas vienne couvrir les feux avant. Mais un cafouillage dans le programme aboutit à leur suppression pure et simple. Il est alors trop tard pour redessiner les ailes. Il s'agit de la dernière " vraie " Jensen, car elle est conçue sous l'autorité des deux frères avant qu'ils ne quittent l'entreprise qui porte leur nom.

Jensen C-V8 Mk I. Copyright

Jensen C-V8 Mk II. Copyright

Comme à l'époque de Ford et de Nash, Jensen renoue avec une mécanique américaine. La CV-8 est en effet animée par un V8 Chrysler de 5,9 litres développant 305 ch. Le châssis maison est sérieusement renforcé afin d'accueillir une telle cavalerie. La CV-8 Mk II d'octobre 1963 opte pour un V8 Chrysler de 6,3 litres et 335 ch, ce qui lui permet d'atteindre 230 km/h. Quelques exemplaires sont fabriqués en conduite à gauche.

Jensen C-V8 Mk II. Copyright

La chanteuse Susan Maughan est venue prendre livraison à l'usine d'une C-V8 Mk II. Copyright

La C-V8 Mk III est disponible à partir de juillet 1965. Bien que cela ne soit pas évident à l'œil, la partie avant est redessinée. On remarque l'adoption de sabots sur les pare-chocs et l'abandon du cerclage chromé sur les phares. A l'intérieur, on trouve une nouvelle disposition des instruments de bord sur un superbe fond bois, des sièges totalement revus et une installation de climatisation modifiée. La Mk III est également dotée d'un double circuit de freinage.

Jensen C-V8 Mk III. Collection ALR

Au Salon de Londres 1965, Jensen surprend le public en dévoilant une version FF (Ferguson Formula) de sa C-V8. Celle-ci est dotée d'une transmission intégrale mise au point quelques années plus tôt par Harry Ferguson, qui prévient tout glissement des roues pendant les périodes d'accélération et dans les courbes. Il s'agit, même si la voiture est oubliée de nos jours, d'un événement technique majeur de l'histoire de l'automobile. Ce projet tient à cœur à Richard Jensen. La C-V8 FF se distingue par ailleurs de la C-V8 " normale " par son empattement allongé de dix centimètres et par la présence d'une sortie d'air sur les flancs. Elle encaisse aussi un surpoids de 85 kg. La FF dispose d'un système anti-blocage des roues de type " Dunlop Maxaret ", l'ancêtre de l'ABS en quelque sorte. Mais cette C-V8 FF n'est jamais produite en série. Aussi intéressante que soit sa réalisation technique, la caisse n'est plus de nature à séduire une clientèle exigeante, éprise de plus de modernité. Chez Jensen, on est bien conscient qu'il faut se renouveler sur le plan du style.

Jensen C-V8 Mk III. Collection ALR

La C-V8 s'adresse essentiellement à une clientèle de dirigeants d'entreprises. Il faut en effet disposer de moyens conséquents pour s'en offrir une, quand on sait qu'une Jaguar Mk II est facturée seulement 40 % du prix d'une Jensen. Aux Etats-Unis, on peut s'offrir deux Corvette pour le prix d'une C-V8. Au titre des curiosités, un seul cabriolet est fabriqué, mais sans suite au regard des multiples problèmes d'étanchéité rencontrés. La CV-8 est produite en 500 exemplaires, dont 69 Mk I, 250 Mk II et 181 Mk III. La répartition par année est la suivante : 4 avant la présentation à Londres, puis 100 en 1963, 155 en 1964, 134 en 1965 et 107 en 1966.

Evidemment, la société ne peut survivre avec un tel niveau d'activité. Seules les opérations de sous-traitance permettent de s'offrir un tel luxe. La Jensen C-V8 est une voiture britannique, dont la vocation première est de rouler sur le sol britannique. 476 exemplaires ne franchissent ni la Manche, ni l'Atlantique, et encore moins la Mer du Nord. Les quelques voitures exportées le sont sur commande spéciale, et aménagées au besoin avec un volant à gauche.

Jensen C-V8 Mk III. Collection ALR

Jensen se pose en concurrent direct de Jaguar et Aston Martin, à la différence qu'il fait le choix de ne pas s'investir dans la compétition. C'estt sans doute une erreur : pas de victoire, pas d'image, et pas d'image, pas de gros succès commercial. La dernière CV-8 quitte la chaîne de montage en décembre 1966.

Jensen C-V8 Mk III. Copyright


Jensen Interceptor P66, 1965


Jensen Interceptor P66 Convertible, 1965. Source : https://www.jensenmuseum.org 

Avec quel autre produit remplacer la vieillissante C-V8 ? Cette nouveauté, l'état-major de la marque croit la tenir sous la forme de l'Interceptor P66, présentée en même temps que la C-V8 FF à Londres en 1965. Il s'agit d'un prototype de cabriolet en aluminium sur la base d'un châssis Jensen raccourci, qui se veut plus accessible financièrement que la C-V8 grâce à l'adoption d'un " petit " moteur Chrysler de 4,5 litres et 238 ch. Il est cependant prévu que le 6,3 litres de la C-V8 reste disponible sur demande. Les lignes de l'automobile, dessinées en interne, sont d'une triste banalité. Un second prototype à toit fixe est assemblé. Si la P66 démode l'ancienne C-V8, elle ne paraît pas pour autant être le modèle qui va assurer l'avenir de la marque durant la prochaine décennie.

Jensen Interceptor P66 Coupe, 1965. https://fr.wheelsage.org


Jensen Interceptor MK I


Jusqu'à cette époque, Jensen conserve l'image d'une entreprise aux ventes confidentielles, en raison notamment de prix astronomiques. C'est un constructeur brillant, mais qui manque de cohérence dans ses choix. Depuis ses débuts, Jensen utilise en alternance des V8 américains (Ford, Nash ou Chrysler) et le six cylindres Austin. Ses ingénieurs sont inventifs, mais ses dirigeants se montrent peu doués pour les affaires. Les productions sous sa propre marque ne suffisent pas à faire bouillir la marmite : l'entreprise tient grâce à des tâches moins nobles de sous-traitance.

Mais un tout nouveau modèle, présenté au Salon de Londres en octobre 1966, va faire évoluer la situation. Jensen n'est pas le premier constructeur britannique à chercher l'inspiration en Italie. Avant lui, Austin a fait appel à Pinin Farina, Aston Martin a eu recours à Touring, Standard Triumph à Michelotti, et Bristol a collaboré avec Zagato.

Jensen Interceptor MK I. Copyright

Les dessins initiaux, signés du styliste maison Eric Neale, sont peu concluants. Jensen s'adresse alors à Touring en Italie. Mais le grand carrossier milanais, en proie à de graves difficultés financières, est bientôt contraint de passer la main à son confrère Alfredo Vignale. Ce dernier habille le robuste châssis de la C-V8 selon le procédé " Superleggera " breveté par Touring. Fin 1966, l'Interceptor, deuxième du nom, est enfin prête. Elle se démarque de ses rivales par ses lignes tendues, voire avant-gardistes, rendues encore plus élancées par la présence d'un pavillon abondamment vitré. L'arrière de l'Interceptor se termine par un volumineux hayon lui donnant un faux air de break de chasse. Les Anglais baptisent cette bizarrerie du nom de " goldfish bowl " (aquarium).

Jensen Interceptor MK I. Source : https://fr.wheelsage.org

Le carrossier italien assure la construction du prototype, puis l'assemblage des premières carrosseries. Mais Jensen reprend la main dès 1967, à cause de problèmes de coût de transport et surtout de qualité de finition, mettant ainsi un terme à la collaboration avec Vignale. La mécanique est toujours d'origine Chrysler : le même V8 6,3 litres de 335 ch SAE que sur la C-V8. Annoncée au prix de 4500 £, soit presque deux fois le tarif d'une Jaguar Type E, l'Interceptor chasse plutôt sur les terres de l'Aston Martin DB6. Cependant, tout en respectant les principes traditionnels d'une fabrication artisanale, elle ne peut pas se prévaloir de quelconques quartiers de noblesse, du fait de la présence d'un gros V8 américain sous son capot.

L'habitacle de la Jensen Interceptor MK I, entre tradition italienne et britannique. Copyright

Cette "GT" respire la classe et l'originalité. Elle n'est cependant pas taillée pour les petites routes de montagne, avec son empattement de 2,67 mètres et sa longueur de 4,78 mètres. Comparée à la C-V8, elle a pris de l'embonpoint : 1650 kg contre 1514 kg. La direction sans assistance exige une certaine puissance musculaire de la part du conducteur. L'Interceptor, autoroutière par excellence, peut atteindre 225 km/h, moyennant une consommation digne d'une grosse américaine. Elle est disponible en boîte mécanique à quatre vitesses ou automatique à trois vitesses.Les Jensen ne sont exportées en France qu'à partir de 1968.

Jean Paul Thévenet essaye l'Interceptor dans le numéro 263 de mars 1968 :

" Sa carrosserie est imposante sans jamais être lourde, agressive sans être provocante. Elle évoque étrangement de profil la silhouette du coupé Maserati Mistral. Coïncidence ou non, la ressemblance est heureuse. Hors de ces considérations esthétiques qui laissent place à de multiples interprétations, cette voiture est un cocktail très international en ce qui concerne ses différents éléments constitutifs. En effet, le dessin de sa carrosserie est italien puisqu'il est signé Vignale, alors que son moteur arrive tout droit de chez Chrysler. La participation anglaise se limite donc au châssis et à l'assemblage. Le mérite du choix de ce menu doit toutefois être souligné, car, sur le papier, le régal qu'il procure sur la route n'est pas évident, et commercialement, le risque n'en était que plus grand ...

Presque avec un peu de retenue, la main droite donne à la clé de contact une légère rotation. Ce n'est pas de la crainte, non, mais du respect ... il ne peut y avoir que le recueillement muet pour retenir qu'après les grandes orgues un tel moteur reste un des plus beaux instruments terrestres ... ce crissement, tout à la fois métallique et sourd du moteur, qui va crescendo avec l'enfoncement de la pédale d'accélérateur, cette absence totale de vibration, cette rumeur confuse tient plus de la symphonie que de la mécanique. Dès les premiers tours de roues, cette invitation à la musique cesse et fait place à un certain silence dans la mesure où le seul bruit de roulement de la voiture, au demeurant de très bonne qualité, couvre les notes, sources de tant d'extase ...

Jean Paul Thévenet au volant de la Jensen Interceptor. Copyright

La montée en régime, la douceur de la transmission automatique, tout cela est en effet tel que la sensation est beaucoup plus comparable à celle que l'on ressent juste au moment du décollage d'une Caravelle, alors que le corps, qui retient encore les basses sensations terrestres, bruit des roues, petites secousses, doit déjà oublier pour s'abandonner à une sensation de flottement merveilleux où l'épiderme n'est plus sollicité, en laissant seul à l'esprit la possibilité de garder le contact avec la toute petite relation de ce qui vous reste de la terre, le prix de votre beau voyage ...

Il nous est arrivé de rester songeur en réglant l'addition d'essence après une étape menée tambour battant ... presque 28 litres aux 100 km dans ces conditions. Le chiffre invite sinon à la méditation, tout au moins à la modération, à un petit 100 km de moyenne par exemple. A cette vitesse, la voiture est moins goulue si l'on peut dire, puisque 20 litres au 100 km lui " suffisent " alors. Hors de ces vues de sous-développé, sans plus épiloguer, ce moteur est tout simplement un mélange d'étonnement, de merveilleux ".

Le journaliste conclue ainsi son essai :

Entre les fausses voitures de prestige et celles qui honorent (mais à quel prix !) cette étiquette, il y avait une place, une place que la Jensen Interceptor vient de prendre. Disposant de performances qui ne sauraient rien envier à ses concurrentes plus connues parce que héritières d'un blason gagné sur les circuits, d'un freinage très endurant, d'une transmission bien étudiée ainsi que d'une bonne tenue de route, elle est en un mot une voiture très sûre parce que très homogène. Elle est donc sans histoire, ce qui ne veut pas dire sans agrément. Puissant, souple et silencieux, son moteur lui confère en effet une bien attirante séduction. Si Jensen pouvait améliorer certains détails d'aménagement intérieur et surtout s'attacher à supprimer les bruits aérodynamiques provoqués par le mauvais appui des portes dans leur partie supérieure, il disposerait là d'une voiture capable de rivaliser directement avec les plus grandes charmeuses du 220 km/h. Cela nous semble d'autant plus certain que si la Jensen ne bénéficie pas pour l'instant d'une image de marque très connue, elle dispose d'un argument qui voyage vite dans les sphères automobiles : son prix ! "

La Mk I est essentiellement construite avec le volant à droite : précisément 923 exemplaires sur les 1 024 de cette première génération. Si la production démarre lentement le temps de rapatrier l'outillage d'Italie, elle adopte à partir de 1968 un rythme plus soutenu : 17 voitures en 1966, 176 en 1967, 449 en 1968, 376 en 1969 et 6 en 1970. Au total, 896 voitures sont vendues en Grande-Bretagne. 15 trouvent preneur en France et seulement 2 aux Etats-Unis. L'Irlande, la Belgique, la Suisse et quelques autres pays accueillent le solde.


Jensen Interceptor Mk II


Présentée au Salon de Londres en octobre 1969, la Mk II se différencie essentiellement par son nouveau tableau de bord, des jantes plus larges, et des pare-chocs légèrement rehaussés, qui reçoivent les clignotants en dessous (et non plus au-dessus). Ceci a pour effet d'alléger sensiblement la silhouette.

Jensen Interceptor MK II. Copyright

L'Interceptor Mk II est la voiture qui permet à Jensen de sortir enfin de son île. Les exportations ne sont plus exceptionnelles, mais font désormais partie de l'ADN de la maison. Alors que 87 % des Mk I ont été vendues en Grande-Bretagne, ce taux descend à 56 % avec la Mk II. Carl Duerr, le nouvel homme fort de Jensen de 1968 à 1970, développe les ventes en Europe et vers quelques destinations plus exotiques, grâce à la constitution d'un vrai réseau de distribution. Kjell Qvale, dont nous reparlerons plus tard, franchit à partir de 1970 une seconde étape en s'attaquant sans réserve au marché américain.

Sur les 1126 Mk II produites, 694 le sont avec la direction à droite, et 432 à gauche. La production est assez constante, avec environ une dizaine de voitures par semaine, ce qui conduit aux valeurs suivantes : 120 voitures en 1969, 528 en 1970 et 478 en 1971. Au total, 633 Mk II sont vendues en Grande-Bretagne, 334 aux Etats-Unis, 28 en Australie, 24 au Canada, 23 en Suisse, 14 en Allemagne, etc ... Deux Mk II sont officiellement commercialisées en France.

La lunette arrière, discutable esthétiquement, s'avère pratique pour le chargement des bagages, et répond à la vocation de grand tourisme de l'Interceptor Mk II. Copyright

L'habitacle de la Jensen Interceptor MK II. Copyright


Jensen Interceptor MK III


La Mk III, présentée à Earls Court en octobre 1971, constitue le summum du développement de ce modèle. La gamme Mk III comporte initialement trois versions : Interceptor, FF et SP. Nous y reviendrons. La future Jensen Healey n'est pas encore disponible à cette époque. L'Interceptor et ses dérivés constituent donc l'unique source de revenus du nouveau propriétaire, Kjell Qvale. Celui-ci entend faire tourner l'outil industriel. De dix Interceptor jusqu'alors, l'usine en fournit désormais quotidiennement entre vingt et trente.

Jensen Interceptor MK III. Source : https://fr.wheelsage.org

La Mk III reçoit de nouvelles roues avec freins à disques ventilés, des cadres de phares redessinés et un habitacle reconditionné. Le 6,3 litres de 335 ch est remplacé par un 7,2 litres de 284 ch à partir de mai 1972. En plus du coupé classique avec sa bulle arrière, Jensen commercialise quelques exemplaires d'une version coupé trois volumes au style peu homogène.

Hors FF, SP, Convertible et Coupé trois volumes, il est produit 4 256 Interceptor Mk III : 288 Interceptor en 1971, 1 047 en 1972, 1 163 en 1973, 1 080 en 1974, 507 en 1975 et 171 en 1976. Les deux tiers environ possèdent la conduite à droite. 2380 sont vendues aux Etats-Unis (56 % de la production) et 1250 en Grande-Bretagne (29 %). Deux voitures sont exportées en France.

L'habitacle de la Jensen Interceptor MK III. Copyright


Jensen FF, 1966-1972


La version FF (Formula Ferguson) à transmission intégrale, uniquement disponible en boîte automatique, reprend à son compte le dispositif inauguré sur l'ancienne C-V8 Ferguson. Ce système autorise une tenue de route beaucoup plus stable en virage et permet des accélérations plus puissantes. Alourdie de 160 kg, la FF ne dépasse pas 210 km/h. On la reconnaît de la version " de base " par ses deux sorties d'air derrière les roues avant, contre une seule pour l'Interceptor, ainsi que par la présence d'un bossage de capot.

Jensen FF Mk I. Copyright

L'œil avisé constate aussi une différence d'empattement : 2,77 mètres pour la FF contre 2,67 pour l'Interceptor. La sérénité apportée en toute circonstance par la FF est unique à son époque. Cette technique reste alors encore réservée aux véhicules tout-terrain, pour augmenter non pas la sécurité, mais les capacités de franchissement. L'Audi Quattro ne verra le jour qu'en 1980.

Jensen FF (Mk I). Source : https://fr.wheelsage.org

Lorsque Kjell Qvale reprend en main Jensen en 1970, il préfère cesser tout investissement dans le développement de cette voiture à quatre roues motrices, se concentrant sur la future Jensen Healey. La FF disparaît donc en 1972, faute d'acheteurs en nombre suffisant, sans doute rebutés par sa gourmandise chronique et son prix d'achat (6018 £), alors qu'une Interceptor plus basique n'en coûte que 3743 £. Elle ne sera jamais rentable pour son constructeur. 318 voitures sont tout de même vendues.

Jacky Stewart au volant d'une Jensen FF, 1972. Copyright


Jensen Interceptor SP, 1971-1973


L'arrivée de l'Interceptor Mk III va de pair avec l'apparition de la version SP (Six Pack). Cette version s'équipe d'un V8 Chrysler de 7,2 litres, qui développe dans ce cas précis 390 ch SAE. Alors que le moteur de 6,3 litres de l'Interceptor classique est alimenté par un seul carburateur quadruple corps, le 7,2 litres de la SP est gavé par trois carburateurs double corps. Curieusement, au moment même où la production de la SP débute, cette mécanique devient hors la loi aux Etats-Unis en raison d'une nouvelle législation. Pour ne pas être pris au dépourvu, Jensen achète un stock conséquent de moteurs tant qu'il est encore temps.

Jensen Interceptor SP. Source : https://fr.wheelsage.org

Conduire une SP constitue une expérience très différente du pilotage d'une Interceptor " normale ". Jensen met en garde ses futurs clients et leur conseille d'essayer les deux modèles avant d'arrêter leur choix. Dans cette catégorie, seule la Lamborghini Jarama bat la SP en vitesse de pointe : l'Italienne atteint 245 km/h contre 235 km/h pour la Britannique.

Jensen Interceptor SP. Source : https://fr.wheelsage.org

On peut reconnaître la SP à ses quatre rangées de fentes sur le capot moteur, et à partir de l'automne 1973, à son pavillon en vinyle. L'Interceptor " de base " est d'ailleurs aussi disponible avec ce pavillon à partir de cette date. Au total, 232 Interceptor SP sont produites, dont seulement 13 en conduite à gauche. Parmi elles, 216 exemplaires restent en Grande-Bretagne.

Jensen Interceptor SP. Copyright


Jensen Interceptor Convertible, 1974-1976


En mars 1974, au Salon de Genève, Jensen propose une variante découvrable de l'Interceptor Mk III : la Convertible. Ses ailes arrière et son couvercle de malle sont redessinés pour l'occasion. Kjell Qvale, fort d'une très grande expérience du marché automobile sur la côte ouest des Etats-Unis, est convaincu qu'une telle version y trouvera sa clientèle. L'idée d'une variante cabriolet avait d'ailleurs déjà été étudiée chez Touring à la genèse du projet Interceptor. La Convertible peut constituer une alternative valable à la Rolls-Royce Corniche, rien de moins ! Alors que cette dernière coûte 16 343 £, la Jensen n'est facturée que 9 863 £.

On croit alors l'époque des cabriolets sans arceau révolue, en raison d'une législation américaine devenue très draconienne. Pourtant, Jensen prouve le contraire, en s'appuyant sur un châssis suffisamment solide pour répondre aux normes de sécurité. 509 Interceptor Convertible sont produites avant la fermeture de l'usine en mai 1976. La production se répartit ainsi : 2 unités en 1973, 190 en 1974, 263 en 1975 et 54 en 1976. Le marché américain constitue le principal débouché avec 375 unités, tandis que 87 exemplaires trouvent acquéreur en Grande-Bretagne. Quelques ultimes modèles sont assemblés par le " Jensen Parts & Service " après la fermeture de l'usine. De même, quelques rares coupés sont rapatriés à l'usine pour être découpés et transformés. Cela ne tient pas compte des découpes plus artisanales qui, elles, sortent du cadre de cette étude.

Jensen Interceptor Convertible Mk III, pour le marché américain. Copyright

En octobre 1975, un coupé Interceptor coûte 145 000 francs, tandis que la version cabriolet s'affiche à 170 000 francs. Ces prix se comparent aux 129 000 francs d'une Mercedes 450 SLC, aux 165 000 francs d'une Lamborghini Espada, ou encore aux 172 000 francs d'une Ferrari 365 GT 2+2. Choisir une Jensen relève d'un certain snobisme; c'est la voiture " de ceux qui savent ". Pourtant, pour afficher sa position sociale, acquérir une Jaguar ou une Aston Martin semble tout de même plus pratique que de posséder une Jensen plus confidentielle.


Interceptor Coupé, 1975-1976


Il s'agit certainement de l'Interceptor la moins connue. Elle est présentée au Salon de Londres en octobre 1975, le dernier salon pour Jensen avant que la marque ne soit liquidée. L'entreprise est déjà en redressement judiciaire, mais il n'est pas question de baisser les bras. Au même salon, Jensen présente également son nouveau coupé, la Jensen GT.

Selon Kjell Qvale, pour que le public puisse conserver un intérêt pour la marque, il faut être en mesure de présenter quelque chose de nouveau. C'est la firme Panther qui est retenue pour mettre au point ce toit spécial. Une Interceptor Convertible est retirée de la chaîne pour être terminée chez Panther, qui adapte tant bien que mal ce couvre-chef.

Les difficultés financières de l'entreprise, l'aspect quelque peu bricolé de l'ensemble, l'esthétique discutable et la perte de confiance de la clientèle ne favorisent pas les ventes. Le nombre d'exemplaires fabriqués (donnée non certifiée) s'établirait à 46, soit 20 en conduite à gauche et 26 en conduite à droite. 24 d'entre eux restent en Grande-Bretagne, 18 traversent l'Atlantique, et les 4 derniers sont vendus au Canada, en Irlande et en Australie. On estime que 34 des 46 exemplaires sont terminés après la fermeture officielle de l'usine, pris en charge par la société " Jensen Parts & Service Ltd ".

Jensen Interceptor Coupé. Copyright


Jensen Interceptor Nova


Au Salon de Genève 1967, Vignale expose la Nova, une Interceptor dont le dessin de la carrosserie est totalement revu. Intérieurement, aucune modification vraiment importante n'est à signaler, hormis le tissu plus chaud et plus moelleux des sièges et des tapis de sol. L'écusson Nova remplace sur la calandre et sur le coffre le signe Interceptor. Les amateurs séduits par ce coupé aux lignes plus tendues peuvent se le procurer par le biais des importateurs Vignale, en particulier celui de Monaco.

Jensen Interceptor Nova. Copyright


Les premières difficultés


L'année 1968 marque le début des premières difficultés pour Jensen. Avec l'arrêt de la sous-traitance des Austin Healey 3000 et Sunbeam Tiger, la firme ne peut plus compter que sur ses propres modèles pour survivre. Après des années de bénéfices, un premier déficit est affiché.

Après le départ des frères Jensen, la société passe sous le contrôle d'une holding financière, Norcross. L'Américain Carl Duerr est chargé en 1968 de redresser la situation. Il ne peut que constater la vétusté des installations, un sous-équipement étonnant pour un constructeur de cette importance, et un fatalisme général du personnel. Tout cela ne laisse rien présager de bon pour l'avenir. Le rapport qu'il adresse au nouvel actionnaire est si sombre que la holding décide de céder au plus vite ses actifs à la banque d'affaires Brandt's.

Mais notre homme ne se décourage pas et tente, sous l'autorité du nouvel actionnaire, par tous les moyens, de réveiller la " belle endormie ". Même s'il est contraint d'alléger significativement les effectifs, son travail est salué par l'ensemble des salariés, ouvriers et cadres. Il réussit à redonner un sentiment de fierté aux employés, un sentiment qui avait disparu après le départ des frères Jensen. Cependant, quand Brandt's jette l'éponge à son tour et est remplacé par Kjell Qvale (1919/2013), Carl Duerr est invité par le nouvel actionnaire à quitter l'entreprise. L'Interceptor Mk II reste la voiture de Duerr. La Mk III devient celle de Kjell Qvale.

De gauche à droite, prenant appui sur le capot d'une Interceptor, Carl Duerr, Penny Plummer élue Miss Monde en 1968, et le célèbre boxeur Henry Cooper. Copyright

Le site de West Bromwich dans les années 60. Copyright

Kjell Qvale dirige à San Francisco la British Motor Car Distributors, une société d'importation spécialisée depuis 1947 dans les marques de voitures de sport européennes. En investissant sa fortune personnelle dans Jensen en avril 1970, il a une idée bien précise : depuis 1968 et la disparition de l'Austin Healey 3000 qu'il écoulait sans peine sur le marché américain, il n'a pas trouvé la remplaçante capable de séduire sa riche clientèle. Qvale fait part de son désarroi à Donald Healey, précisant que s'il se décide à étudier un nouveau modèle sportif pour le marché américain, il est disposé à en vendre entre 150 et 200 unités par semaine. Donald Healey, dont le contrat avec la British Leyland arrive bientôt à échéance, va justement avoir besoin d'un nouvel associé pour rebondir.

L'Automobile annonce ce changement dans le numéro 291 d'août 1970 :

" Cette marque d'automobiles anglaises, l'une des dernières à ne pas être passée sous contrôle British Leyland, vient de changer de propriétaire. La société bancaire Wm. Brandt's Sons and Cie qui, jusqu'ici, en était propriétaire, a cédé 80 % de ses parts, dont la plus grande partie à l'américain Kjell H. Qvale. Celui-ci, le plus gros importateur de voitures britanniques en Amérique du Nord, a le titre de " président " dans le nouveau conseil d'administration international. Le poste de " chairman " est occupé par Donald Healey. Cet état de fait ne changera en rien la production des actuelles Jensen Interceptor et FF, mais par contre, permettra, dans 14 mois, de présenter un nouveau modèle, qui, bien naturellement, portera le nom d'Healey ... "

Donald Healey, une inconnue sur le capot d'une Jensen Healey, et Kjell Qvale. Copyright

Fin 1970, grâce aux efforts de Duerr, l'entreprise renoue avec les bénéfices après deux années de pertes consécutives, ayant allégé ses structures et travaillé sur la qualité de son Interceptor. Jensen est un constructeur respecté depuis plus de trente ans. Donald Healey a derrière lui près d'un demi-siècle d'expérience avec les plus grands noms de l'automobile, et Qvale peut faire profiter à ses nouveaux associés de toute sa notoriété et de son savoir-faire dans la distribution automobile aux Etats-Unis. Toutes les conditions semblent réunies pour une nouvelle success story...


Jensen Healey Convertible, 1972-1975


La Jensen Healey est présentée en mars 1972 au Salon de Genève, et entre en production quatre mois plus tard. Conçue dans l'esprit des cabriolets Austin Healey, MG B ou Triumph TR, elle vise sans ambiguïté le marché américain. Mais autant l'Austin Healey exprime la puissance et la virilité, autant les lignes raides et sans fantaisie de la Jensen Healey en font un objet d'une grande banalité.

Jensen sollicite Hugo Poole, un styliste indépendant qui a travaillé pour Rootes et qui est surtout connu comme dessinateur de compteurs et d'éléments de tableau de bord pour Smith. Poole confirmera après cette aventure que le contrat avec Healey devait être réalisé très rapidement, selon un cahier des charges contraignant, pour une rémunération dérisoire. La proposition initiale, une véritable horreur, est largement retouchée. L'accouchement de la version définitive se fait dans la douleur, grâce à l'assistance du styliste William Towns. Tous les partenaires sont parfaitement conscients que la nouvelle venue n'aura jamais le charme de l'Austin Healey. Qvale regrettera par la suite ce premier faux pas. Il aurait dû miser sur un styliste de renom, au lieu de travailler à l'économie.

La Jensen Healey au Salon de Genève 1972. Copyright

La Jensen Healey au Salon de Genève 1972. Copyright

Différentes solutions sont envisagées pour le moteur, qu'elles proviennent de chez Vauxhall, Ford, Chrysler Europe, ou de quelques autres constructeurs cités à l'époque, comme Saab, BMW, et même Porsche. Mais chacun de ces choix potentiels pose problème, soit par manque de disponibilité dans les délais prévus, soit par manque de service après-vente aux Etats-Unis. En juin 1971, une nouvelle possibilité voit le jour. Lotus, dont la réputation avec ses multiples titres constructeurs en Formule 1 n'est plus à faire, propose une de ses récentes créations. Il s'agit d'un 4 cylindres 16 soupapes de 1973 cm3 et 142 ch, réalisé à partir d'un bloc Vauxhall. Pour économiser de l'argent sur son budget, Jensen préfère acheter ce moteur à Lotus, mais sans garantie.

L'accueil du public et de la presse est tempéré. Les premières voitures sont livrées en juillet 1972. Ce mois-là, seules 39 voitures quittent l'usine de West Bromwich, suivies de 26 autres en août. A la fin de l'année, la production trouve son rythme de croisière. Le pic de livraison est atteint en avril 1973, quand 465 voitures franchissent les grilles de l'usine. Ce niveau ne sera plus jamais dépassé et correspond à peu près à la moitié de celui initialement planifié.

Jensen Healey MK I, version US. Source : https://fr.wheelsage.org

Aux Etats-Unis, le mensuel Road & Track juge la voiture plutôt banale et regrette l'originalité et le charme des premières Austin Healey. Malgré une évidente bonne volonté de la part des autres journalistes spécialisés, qui saluent la tenue de route satisfaisante, le freinage efficace, les suspensions confortables et les sièges de qualité, un léger sentiment de déception transparaît de leurs articles.

Dès sa commercialisation, la Jensen-Healey accumule une cascade de réclamations sous garantie. Les méthodes de production à West Bromwich restent artisanales, et la qualité de fabrication s'en ressent : la capote n'est pas imperméable, la caisse est mal étanchéifiée, la peinture cloque et la tôle utilisée est très sensible à la corrosion. Quant au moteur préparé par Lotus, le constat est tout aussi critique. Les paliers des arbres à cames se grippent, les joints de culasse grillent, on note une importante consommation d'huile et des fuites par le couvre-culasse. De plus, par temps froid, la courroie de distribution peut geler sur les dents des pignons et, au démarrage, faire sauter un certain nombre de dents, entraînant une casse moteur. Stationnée en pente, la voiture peut perdre de l'essence, qui atteint certains organes mécaniques ou, au mieux, se répand sur le sol.

Pour comprendre l'origine de ce désastre, Jensen envoie un ingénieur chez Lotus. Celui-ci rédige un rapport indiquant que les monteurs de moteurs, essentiellement d'anciens ouvriers agricoles, ne sont pas à la hauteur de la tâche. Lotus ne déborde pas de compassion. Lorsque est soulevée la question d'une compensation financière, Colin Chapman fait remarquer qu'il s'agit d'un nouveau moteur pour une nouvelle voiture, et que les deux parties sont embarquées dans la même galère.

Sans compter les préséries, 3 352 Jensen-Healey Mk I sont produites : 866 en 1972 et 2 486 en 1973. Sur ce nombre, 1 277 sont en conduite à droite, principalement destinées au marché britannique. Une répartition plus précise indique que 1 818 prennent la direction des Etats-Unis, que 1 085 restent en Grande-Bretagne, le Canada en absorbe 127, le Japon 62, la Suisse 55, etc ... Aucune n'est officiellement commercialisée en France. Face à ces problèmes, Qvale et Healey décident de réagir en présentant une Jensen-Healey améliorée, la Mk II, dont le premier exemplaire est assemblé en août 1973.

Jensen Healey MK II. Copyright

Les problèmes moteurs sont sur le point d'être corrigés et le niveau de qualité s'améliore notoirement. Esthétiquement, la Mk II se différencie par un habillage en bois à l'intérieur, l'adoption de baguettes sur la ligne de caisse et des cuves de phare peintes en noir mat. Pour autant, les relations avec Lotus ne sont pas apaisées. Début 1974, il paraît évident que Jensen a définitivement perdu la partie. Les conséquences de la crise pétrolière sont telles que le constructeur se bat pour vendre ses voitures, aussi bien les grosses Interceptor que la petite Healey. Dans la tempête, Donald Healey a perdu toute influence auprès des ingénieurs de Jensen, et plus personne ne semble se soucier de son sort. Il préfère quitter le navire en 1973.

Jensen Healey MK II. Copyright

Fin 1974, les préoccupations changent, puisque de sérieux problèmes de liquidités voient le jour. En interne, on évoque la nécessité de réduire les stocks, de freiner la production des Healey et d'en augmenter le prix de vente. A la même époque, la voiture reçoit d'affreux pare-chocs recouverts de caoutchouc noir pour être en conformité avec la nouvelle réglementation américaine. Cette décision n'est pas de nature à améliorer le niveau des ventes et la rentabilité. Le point de non-retour semble atteint. 2 200 exemplaires sont ainsi équipés.

Les ventes aux Etats-Unis, qui absorbent de 85 à 90 % des volumes, s'effondrent. Des réductions de personnel s'imposent. La société ne travaille plus que trois jours par semaine. Les approvisionnements deviennent problématiques, amplifiés par le manque de liquidités pour payer les fournisseurs. La presse ne manque pas d'enfoncer le clou, en faisant écho des difficultés de Jensen. Le cabriolet Jensen Healey Mk II est produit en 7 144 exemplaires jusqu'en septembre 1975 : 5 759 pour les Etats-Unis, 193 pour l'Europe, et 1 192 en conduite à droite pour la Grande-Bretagne et les quelques pays circulant à gauche. Officiellement, un seul exemplaire est exporté en France.

Jensen Healey MK II. Copyright


Jensen GT, 1975-1976


C'est dans ce contexte extrêmement difficile que le constructeur de West Bromwich présente à Earls Court en octobre 1975 un nouveau dérivé de la Healey, la Jensen GT. Il s'agit d'un coupé façon break de chasse qui s'inspire des MGB GT et Reliant Scimitar au succès avéré. La Jensen GT remplace purement et simplement la version cabriolet sur la chaîne de montage.

En positionnant ce modèle plus haut dans la gamme, Jensen espère le vendre plus cher. Mais sa mise en production est précipitée. Les outillages sont de si mauvaise qualité que de nombreuses retouches manuelles sont nécessaires. Surtout, la Jensen GT n'a pas l'élégance de ses rivales : elle perd l'équilibre naturel de la version cabriolet et souffre d'un comportement routier incertain. Tous les efforts semblent peine perdue. On remarque l'abandon du patronyme Healey. Comme évoqué précédemment, Donald Healey a en effet repris ses billes, peu écouté et déçu par l'inconstance de son partenaire.

Seules 510 voitures sont fabriquées : 216 en 1975 et 294 en 1976. Les Etats-Unis accueillent 260 exemplaires. 230 voitures restent en Grande-Bretagne. On compte 9 unités au Canada, 3 en Grèce, 2 en Suède ... La Jensen GT est facturée 4198 £, ce qui ne la rend vraiment pas attractive face aux 2999 £ d'une Alfa Romeo 2000 GTV plus valorisante, aux 3227 £ d'une MGB GT V8 plus jolie, ou aux 3670 £ d'une Reliant Scimitar plus homogène. Ce surcoût provient pour l'essentiel d'une partition nettement plus luxueuse, avec une planche de bord recouverte de ronce de noyer et un habitacle accueillant une finition velours du plus bel effet.

Jensen GT. Copyright


GKN FFF 100


Ce prototype unique est conçu par le groupe GKN, fabricant britannique de composants automobiles, en s'appuyant sur une base de Jensen FF. Il regroupe plusieurs solutions innovantes, dont le système de transmission Ferguson Formula Four-Wheel-Drive. Dans le cas présent, le V8 Chrysler développe la bagatelle de 600 ch. Le dessin de l'auto est signé William Towns.

GKN FFF 100. Copyright


Jensen F Type et G Type


William Towns participe à l'élaboration de ces deux projets appelés à succéder à l'Interceptor. La Jensen G Type est dotée de portes papillon. Elle sera vendue aux enchères lors de la liquidation de Jensen, et roule encore de nos jours.

Jensen F Type. Copyright

Jensen G Type. Copyright


Vers la faillite


L'insuccès de la GT et la crise pétrolière qui réduit à peau de chagrin le niveau des ventes de l'Interceptor, il n'en faut pas plus pour conduire l'entreprise vers la faillite. Kjell Qvale jette l'éponge en mai 1976, et la société est démantelée sans qu'aucun acheteur ne se manifeste. Après 40 ans de production ininterrompue, l'entreprise cesse toute activité.

Force est de constater que la Jensen Healey a été mise en production trop vite. Kjell Qvale a voulu que la voiture soit rapidement sur le marché. Le bricolage l'a emporté sur une étude qui aurait dû prendre au moins une année de plus. Un par un, ses défauts seront résolus. Cela aurait pu passer si la conjoncture économique ne s'en était pas mêlée.


Un premier revival


Jensen revival 1988/1993. Copyright

Une première résurrection a lieu entre 1988 et 1993, autour de quelques amateurs et de l'industriel CB Rudd. Jensen propose sa voiture sous les trois carrosseries connues : coupé à hayon, coupé trois volumes et cabriolet. Cette série IV est motorisée par un V8 Chrysler de 5,9 litres. Son prix de 1 145 000 francs pour le coupé et de 1 339 000 francs pour le cabriolet la réserve à une élite de connaisseurs. Le système de transmission intégrale permanente FF est proposé en option moyennant 259 000 francs. Parallèlement, Jensen assure la restauration et l'entretien des anciens modèles. Cette vaine tentative de retour sur le devant de la scène se solde par la fabrication d'une petite quarantaine d'exemplaires sur un peu plus de cinq ans.

Publicité SFR Automobile, importateur Evante, Jensen et Marcos. Source : Auto Passion Numéro 40, octobre 1990


Un second revival


Une nouvelle naissance est annoncée en octobre 1998 au Salon de Birmingham sous la forme d'un projet de roadster doté d'une carrosserie en matière synthétique.

Jensen S-V8. Copyright

Jensen S-V8. Copyright

La compagnie " Creative Group Limited ", dirigée par Robin Bowyer et Keith Rauer, qui a fait l'acquisition de l'ensemble du potentiel de la marque, y compris les dessins, droits et logos, redonne officiellement vie à Jensen un an plus tard. Elle est installée à Liverpool, et la toute récente S-V8, désormais habillée en alliage léger sur un châssis maison, est équipée d'un V8 Ford Mustang de 4,6 litres et 330 ch Din. De petit gabarit, cette sportive peut atteindre 250 km/h. Jensen expose un coupé au Salon de Birmingham en octobre 2000. En juillet 2002, cette ultime tentative se solde par un nouvel échec et l'abandon définitif de la production, après que vingt voitures complètes aient vu le jour.

Jensen S-V8. Copyright

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