AC Aceca et Ace
AC
par Jean Michel Prillieux
AC, le site officiel
1. Les débuts d'AC
Le nom d'AC est à jamais associé
à celui de la Cobra, la voiture de sport des
années 60 mue par un énorme V8 d'origine Ford. Mais c'est vite oublier que
AC est une firme plus que centenaire, née en 1904, sous le nom de
Autocars
& Accessories,
avant d'être rebaptisée trois ans plus tard Autocarriers, du
nom du petit utilitaire à trois roues qu'elle fabriquait de 1905 à 1914.
L'entreprise connut une vie
chaotique jusqu'à la deuxième guerre mondiale.
Les fondateurs quittaient le navire en 1922. La firme était mise en liquidation
en
1929, puis
rachetée par les frères Hurlock. Jusqu'à la fin des années 30,
AC se cantonnait à la production d'utilitaires économiques.
2. Le roadster Tojeiro
Durant les années 50, afin de
dynamiser une gamme vieillissante, les nouveaux
propriétaires d'AC proposèrent différentes versions sportives, en particulier
le roadster AC Ace puis son
dérivé
coupé Aceca.
L'Ace n'était pas une création
originale de la firme AC. Ernie Bailey, le
respon-
sable de l'atelier carrosserie de AC, incita
les frères Hurlock à s'intéresser
au roadster fabriqué par un artisan
local,
John Tojeiro, un ingénieur britannique
d'origine portugaise.
La
carrosserie du
roadster Tojeiro était moderne
d'aspect, et surtout plus
légère que les productions d'AC. Les frères
Hurlock
proposèrent à John
Tojeiro
de lui racheter les droits de fabrication de son
roadster.
Le prototype de l'AC Ace fut
exposé au salon de Londres en octobre 1953. Par
rapport à la voiture de John Tojeiro, la silhouette était quelque peu
remaniée,
avec une calandre plus proéminente et des phares repositionnés.
3. Le coupé Aceca
L'Aceca était disponible pour sa part à partir de 1955, reprenant ainsi
le
nom
d'une ancienne AC des années 30. Comme sa soeur Ace, elle adoptait une
struc-
ture similaire à celle de la Superleggera de l'italien Touring,
reconnue pour son
excellent rapport rigidité/poids.
L'Aceca était 50 % plus coûteuse
qu'une Jaguar XK 140, mais légèrement en
deçà du tarif d'une Aston Martin DB 2/4. La firme de Thames Ditton ne
tran-
sigeait pas sur la qualité de fabrication de ses voitures, et cela avait
un coût.
4. La mécanique Bristol
La mécanique AC dont le dessin
original datait des années 20 montra rapidement
ses limites en terme de puissance - 102 ch
à son apogée en 1958 -, si
bien que la
petite firme britannique finit
par s'approvisionner en moteurs chez
Bristol à
partir de mars 1956. Le châssis AC fort bien conçu encaissait
sans aucun
problème le surplus de puissance.
Le moteur Bristol d'origine BMW
équipait ainsi de 1956 à 1964 les roadsters
Ace
et les coupés Aceca, qui adoptaient pour l'occasion les dénominations
Ace
Bristol
et Aceca Bristol. Cette mécanique était proposée par AC en parallèle au
moteur
" maison ".
Le moteur Bristol bénéficiait
à l'époque d'une excellente réputation. Il était
usiné
avec un soin extrême selon des normes identiques à celles de
l'aéronau-
tique,
en utilisant les meilleurs matériaux du marché. Plus puissant que le
moteur
AC,
il se révélait aussi plus adapté à la compétition automobile. Sa puissance
évolua dans
le temps, jusqu'à atteindre 137 ch. Très rapidement, il s'imposait
dans la gamme, au détriment des vieilles mécaniques AC.
5. La mécanique Ford Zephyr
Bristol fut néanmoins contraint
de suspendre la fourniture de mécanique à AC
à partir de 1961. En effet, c'est à cette époque que Bristol passa au
tout V8.
AC tentait sans grand succès de remplacer la mécanique Bristol par un
moteur
Ford Zephyr, d'origine plus roturière. Ce dernier ne donna hélas jamais
vrai-
ment satisfaction.
6. Une carrière honorable
Il fut produit 220 cabriolets Ace
à mécanique AC et 466 cabriolets Ace Bristol,
ainsi que 150 coupés Aceca à mécanique AC et 169 coupés Aceca Bristol. A
par-
tir
de
1963, AC se concentrait sur le programme de l'AC Cobra qui allait à
jamais
donner à la vénérable compagnie ses lettres de noblesse.
Pegaso Z 102
Pegaso
par Jean Michel Prillieux
1. Un contexte peu favorable
Les années 50 en
Espagne étaient celles d'un pays qui vivait replié sur lui même,
sous la mainmise du dictateur
Franco. La population subsistait dans les conditions
d'un pays sous développé. Ses rares échanges économiques se faisaient avec le
Portugal
et l'Amérique du Sud. Les
infrastructures routières de qualité étaient
quasi inexistantes, et les seules routes utilisables l'étaient par des
camions, des
autobus, et
quelques rares automobiles hors d'âge.
2. Wilfredo Ricart
C'est dans ce contexte peu
enthousiasmant que virent pourtant le jour les auto-
mobiles Pegaso. Le maître d'oeuvre du
projet était l'ingénieur Wilfredo Ricart,
qui travaillait alors pour l'Enasa (Empresa Nacional de Autocamiones SA),
entre-
prise
d'état qui produisait les camions Pegaso.
Après avoir fabriqué pendant les
années 20 des voitures sous
les marques
Ricart
y Perez puis Ricart Espana, Ricart fut recruté par
Alfa
Romeo à partir
de 1936
où il participa à la conception des monoplaces 512. En 1945, il
rejoignait
l'Enasa. La
création d'un département automobile au sein du groupe revenait à la
seule
initiative de Ricart. Son employeur, séduit par son projet, lui accorda
son sou-
tient
logistique et financier.
Ricart trouvait là une
occasion inespérée d'assouvir sa passion pour les voitures
sportives. Cela permettait par ailleurs de créer une certaine dynamique au sein
de l'Enasa,
dont les ingénieurs étaient plus habitués à concevoir des poids
lourds, activité en soi peu exaltante, qu'une prestigieuse voiture de
grand
tourisme.
3. La première Pegaso
La Z 102 (ci-dessous) fit son apparition au
Grand Palais à Paris en 1951.
La carrosserie automobile vivait alors
une période de transition, qui voyait d'un
côté
mourir les grandes marques d'avant guerre, et de l'autre éclore une
nou-
velle
école italienne extrêmement prolifique.
Les Pegaso étaient produites -
coïncidence ou clin d'oeil au passé - dans les
vieilles
usines Hispano Suiza rachetées par L'Enasa. De ces ateliers, il
allait
sortir un peu plus
de cent voitures de 1952 à 1958.
La version présentée à Paris en 1951
avait les attraits d'une automobile sporti
ve. ve.
Toutefois, son dessin certes efficace et puissant manquait d'élégance, de
charisme.
Son V8 en alliage léger disponible en trois cylindrées différentes dé-
veloppait jusqu'à 195
ch.
La presse spécialisée fut éloquente envers la voiture
de Ricart. Elle
salua en particulier les
qualités techniques de sa création
4. Les grands carrossiers
Le carrossier italien Touring ne
demeura pas longtemps insensible aux qualités
du châssis et de la mécanique des Pegaso. Le français Saoutchik et
l'Espagnol
Serra travaillèrent aussi sur les mêmes bases. Les réalisations de ces
diffé-
rents carrossiers étaient dûment référencées au catalogue du constructeur
ibérique.
5. Les propositions de Touring
La version Touring illustrée
ci-dessous remplaçait avantageusement le coupé
usine initial. Le style était bien d'inspiration italienne avec ses
roues de grand
diamètre,
son empattement réduit, son long capot, son habitacle ramassé et
son arrière
court.
Mais
de nombreux détails étaient propres à la Pegaso : ouïes sur le capot, poi-
gnées de
portes affleurantes, vitres de custode et de lunette
arrière qui
se
rejoignent
en croix, etc ...
La berlinette Touring reste aux yeux
des amateurs
la plus emblématique
des
Pegaso de part son homogénéité. Quarante cinq exemplaires
furent assemblés
dans les ateliers milanais de Touring. Une version spider
(ci-dessous) était éga-
lement
disponible.
6. L'aventure ne dura que six ans
Les coûts de développement et de
production des Pegaso étaient très élevés.
Cela avait une incidence sur les tarifs, qui atteignaient des sommets
pour des
voitures manquant cruellement d'une véritable image de marque. Les acheteurs
potentiels négligeaient les
belles
espagnoles, au profit des GT italiennes plus
réalistes, et pour
lesquelles
le service après vente s'annonçait moins problèma-
tique.
La direction de l'Enasa préféra
arrêter les frais, et demanda à son brillant
ingénieur de se concentrer sur la conception des poids lourds du groupe.
En
l'espace de six ans, par sa présence dans les salons internationaux, et
par la
production de quelques dizaines d'automobiles hors du commun, la marque
espagnole avait tout de même réussi à " se faire un nom " à l'étranger.
La vitre de custode et de lunette
arrières qui se rejoignent
en croix, un motif
repris pas Opel sur
son coupé Kadett des annés 60. |