En long, en large et en travers


Un groupe propulseur peut occuper de nombreuses positions : à l’avant ou à l’arrière, monté transversalement ou longitudinalement. Nous allons vous expliquer qu’il n’est pas si facile de changer l’implantation d’une mécanique. Les gros V8 Américains sont fréquemment passés de l’avant à l’arrière, en étant montés en position centrale sur certaines GT italo américaines. Ce fut par exemple le cas sur la De Tomaso Pantera présentée en 1970 au Salon de New York, dotée d'une V8 Ford installé en position longitudinal centrale arrière. Ford importa la Pantera sur le sol américain, via le réseau Lincoln Mercury. Mais la piètre qualité de fabrication et de finition ne convenait pas au deuxième constructeur américain, qui fit modifier la GT italienne à partir du millésime 1972, en la dotant notamment d'un nouveau V8 moins puissant : 248 ch au lieu de 330 ch sur la version initiale. Environ 5500 Pantera sur les 7200 produites furent vendues Outre Atlantique.

De Tomaso Pantera, à moteur Ford longitudinal arrière

Certains moteurs, suite à l’évolution de la technique et de la mode ont glissé logiquement de l’arrière à l’avant. C’est le cas de la R4 dont la mécanique était issue de la 4 CV, ou de la Simca 1100 qui accueillait dans sa version la plus économique le 954 cm3 de la Simca 1000, voire encore de la Fiat 850 à moteur arrière qui a légué sa mécanique à la Fiat 127. Mais tel n’est pas ici notre sujet.  Nous allons plutôt nous pencher sur des implantations plus torturées, ou tout au moins plus anachroniques.

Le 903 cm3 arrière de la Fiat 850 est passé à l'avant de la Fiat 127  


De la R Turbo à la Clio V6


N’imaginez pas que les constructeurs ne pratiquent plus du tout ce genre de tour de passe passe mécanique. La Clio V6 qui fut commercialisée au début des années 2000 proposait une philosophie très proche de celle de la mythique R5 Turbo. Mais la clientèle du nouveau millénaire était devenue plus exigeante, et ne tolérait plus les travers chroniques, surchauffe et défauts de finition notamment, de son aînée.  La recette était simple : enlever le moteur du capot d’une Clio, puis greffer à la place de la banquette arrière le 3 litres V6 24 soupapes d’une Safrane poussé à 250 ch, mécanique implantée transversalement comme sur cette berline.

Le V6 3 litres de la Clio V6 en position transversale arrière

Pour élaborer la R5 Turbo de 1978, Renault avait utilisé la même recette. Le constructeur avait enlevé le 1400 cm3 de la R5 Alpine du capot avant pour le passer à l’arrière en position centrale longitudinale à la place de la banquette. Boosté par un gros turbo, le 1400 cm3 porté de 90 à 160 ch permettait à la R5 Turbo d’offrir des performances décoiffantes : 205 km/h et surtout 28 secondes au kilomètre départ arrêté. Vendue de 1980 à 1986, la R5 Turbo a été produite à 4870 exemplaires, dont 1690 en version Turbo 1, version plus sophistiquée mais plus coûteuse que la Turbo 2 qui lui a succédé. En compétition, la 5 Turbo a remporté une kyrielle de victoires dont le Tour de Corse, développant plus de 350 ch dans les dernières versions " maxi " du moteur poussé à 1550 cm3.

Renault 5 Turbo, star des années 80


Mise en boîte



Changer l'orientation du moteur, le passer du nord au sud, ou de l'ouest à l'est, n'est pas aussi simple. Il faut absolument disposer d'une boîte de vitesses, qui en plus doit tourner dans le bon sens et être capable d'encaisser le couple du moteur. C'est pourquoi sur la R5 Turbo, Renault avait accouplé au 1400 turbocompressé la grosse boîte à cinq rapports de la berline R 30 TX qui conservait son implantation originale.

Quinze ans plus tôt, lorsque Jacques Hubert a créé la Djet, il a monté en position centrale le moteur de la R8 qui était ici placé en porte à faux. Et la boîte ? Il a utilisé en partie la transmission de l'utilitaire Estafette 1100 qui était une traction avant et dont la boîte de vitesses occupait la même position que sur la Djet. Hélas, le mal est l'ennemi du mieux. A cause de leur implantation, les Djet n'ont jamais pu disposer en série de la boîte à 5 rapports de la R8 Gordini, alors que les Alpine au moteur en porte à faux en bénéficiaient.

Matra Djet, à mécanique Renault 8 Gordini 1108 cm3

Certains constructeurs en changeant le sens de l'implantation des moteurs ont retourné la boîte de vitesses pour inverser le sens de la rotation, alors que d'autres plus ambitieux ont fait usiner des couronnes de différentiel et arbre primaire pour changer celui-ci. Sinon, certaines voitures auraient compté quatre vitesses arrière et une avant !


Une 205 à moteur central


Peugeot n'a pas rencontré ce problème pour sa 205 Turbo 16. Rappelez vous qu'à l'époque, les voitures du groupe B devaient être obligatoirement dérivées d'un modèle produit à 200 exemplaires. C'est pourquoi le constructeur au lion fut contraint de lancer une série de 205 Turbo 16 civilisées qui étaient destinées au " grand public ". Le 1600 cm3 de type XU fixé en position transversale à l'avant sur la 205 GTI, quitta son emplacement pour prendre place à l'arrière dans la même position. Mais comme la Turbo 16 était une 4 roues motrices, Peugeot avait été obligé de dessiner une transmission spécifique qui entraînait également les roues avant. Réalésé à 1775 cm3, gavé par un turbo compresseur, le moteur de ces 205 T16 pointait à 200 ch pour les versions civiles, et de 350 à 480 ch pour les modèles de course.

Peugeot peina à écouler ses dernières 205 Turbo " street version "

Mais affiché à un prix hyper élevé de 290 000 en 1984 (plus de 80 000 euros actuels), et malgré sa race et son caractère exceptionnelle, la 205 T16 " street version " ne rencontra pas un formidable engouement. Peugeot eut beaucoup de difficultés pour écouler les 200 exemplaires fabriqués pour l'homologation, et de nombreuses voitures invendues furent cannibalisées. Il est vrai que, en plus, la 205 T16 civile ne se montrait pas des plus agréables à conduire, car trop pointue, et globalement pas assez puissante, ni très fiable par rapport à une Porsche 911 vendue le même prix.

Terminons avec Peugeot et Renault dont le bon vieux V6 PRV a visité véritablement tous les coins et recoins d'une voiture, à l'avant, longitudinal en propulsion comme sur la 504 Coupé , la 505 V6, la 604 et la Volvo 260, longitudinal en traction avant comme sur les Renault 30 et 25, transversal  en traction avant sur la Safrane ou la Thema, en arrière et en porte à faux sur l'Alpine V6, en central sur la Venturi, l'Helem et la De Lorean.

Le fameux V6 PRV a même équipé les Venturi et les De Lorean


Glissement de terrain


C'est Ford qui a fourni son moteur à la Matra 530 en 1967. La GT française était animée par l'ensemble bloc-boîte de la brave Taunus 12/15 M traction avant. Pour sa 530, Matra avait simplement reculé de plus de 2,5 m le groupe de la Taunus pour le placer dans le même sens en avant des roues arrière. Si les premières 530 se caractérisent par une grille de boîte inversée, ce n'est pas parce que la boîte était inversée, mais parce que la commande était simplement mal réalisée. En fait, le V6 de la 20 M aurait été plus en adéquation que le poussif V4 avec l'esprit sportif de la Matra, d'autant qu'il pouvait rentrer à l'arrière.

La Matra 530 dispose d'un V4 Ford

Matra ne se retrouva pas face au même problème lorsqu'il élabora la Murena. Pour la Bagheera, c'était facile puisqu'il s'agissait simplement du passage de l'ensemble mécanique transversal de la Simca 1100 Ti de l'avant à l'arrière. En revanche, pour la Murena 2,2 litres à moteur 4 cylindres de Tagora, Matra ne disposait pas de boîte-pont transversale. Il dut l'accoupler à celle de la Citroën CX GTI à 5 rapports qui équipa également la Solara à moteur 1600 cm3.


Boîte de fourgonnette


Citroën dévoila sa légendaire SM début 1970. Ce coupé était propulsé par le V6 Maserati implanté en position centrale avant, accouplé à une boîte de vitesses de DS 23 renforcée et placée en porte à faux. Lorsque Citroën étudia son utilitaire C 35 traction avant, il utilisa en partie la même boîte placée dans l'autre sens cette fois. Comment faire ? Le constructeur au double chevron pensa à des inverseurs en sortie de boîte pour modifier le sens de rotation des cardans. Le tour était joué.

Le V6 de la SM était d'origine Maserati. Il fut aussi utilisé sur la Ligier JS2 et la Maserati Merak

Quand Guy Ligier décida d'installer le V6 2,6 litres de la SM dans son coupé JS2 en position centrale, il sauta les pieds joints sur la boîte du C35 qu'il accoupla au V6 Maserati. Citroën qui avait racheté Maserati avait décidé d'élargir la gamme des voitures sportives de la vieille firme italienne. La Bora à moteur V8 4,9 litres trop élitiste fut épaulée par une version moins coûteuse baptisée Merak dotée du petit V6 a la SM monté en position centrale comme sur la JS2, mais qui bénéficiait d'une boîte de vitesses Citroën modifiée au niveau interne, dont héritèrent les dernières Ligier. Après que Citroën eut lâché Maserati, la Merak SS produite jusqu'en 1982 ne disposa plus de boîte et se tourna vers une ZF. Changer l'emplacement d'un moteur, outre les problèmes d'encombrement et de refroidissement, crée des problèmes de transmission. 

La Merak, plus modeste que sa grande soeur Bora

La Lotus Europe née en 1966 accueillait sous son capot le moteur gonflé de la Renault 16. Il était monté en sens inverse de celui de la R16, c'est à dire en position centrale arrière, d'où la nécessité de contourner la couronne de différentiel. Ce même groupe fut également installé sur les Berlinette Alpine 1500 et 1600 S en porte à faux.

On n'imagine pas que cette Lotus Europa abrite une mécanique Renault 16 en position centrale AR


Panhard tout à l'arrière


La flat twin Panhard monté en porte à faux était né pour propulser une traction avant. Pourtant Rosengart décida de le monter à l'arrière du coupé Marathon présenté au Salon de 1953. Cette originale voiture, dérivée de la Trippel SK 10 allemande, ne manquait pas d'intérêt, puisque les 42 ch du 850 cm3 Panhard lui permettaient de frôler les 150 km/h, ce qui n'était pas banal à l'époque. Mais la Marathon déçut, faisant appel à des solutions trop originales, notamment une suspension arrière à anneaux Neimann. Elle souffrit d'une étude bâclée, d'une direction trop directe et de son moteur arrière qui chauffait malgré des prises d'air latérales qui alimentaient une turbine rajoutée. La Marathon révéla une tenue de route simplement catastrophique. Elle hâta la fin de Rosengart déjà bien malade et seulement une vingtaine de voitures furent fabriquées.

Rosengart Marathon,son étude fut hélas bâclée


Texte : Patrice Vergès - Adaptation 2013 / Carcatalog
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