Les pare-brise panoramiques


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Nous allons vous conter l'histoire des pare-brise panoramiques, ou si vous préférez, à montants inversés, dont la mode a duré une bonne dizaine d'années.

Au Salon de Paris 1951, il y a foule autour du fameux concept car Le Sabre présenté par la General Motors. Cette voiture d'anticipation et son robot de métal animé attirent tous les regards. Outre une foultitude de gadgets, elle ses singularise par son esthétique qui s'inspire du fameux avion de chasse à réaction US, le Sabre. D'où son nom. Elle reprend la forme générale de son cockpit, notamment l'original pare-brise panoramique dont les montants ne sont plus parallèles, comme de coutume, à l'inclinaison de celui-ci, mais prolongés sur les côtés et inversés. Ce dessin issu de l'aviation améliore la visibilité latérale avant des pilotes. L'adapter à l'auto est osé, mais ça ne fait pas peur au grand manitou de design de la GM, le fameux Harley J. Earl, qui s'est déjà inspiré de l'aviation pour les ailerons arrière des Cadillac.

Le Sabre, 1951. Copyright

North American Aviation Sabre, 1947. Copyright


Une traînée de poudre


Comme ce dream-car semble avoir été apprécié du public, le dessin est repris entre 1953 et 1955 sur tous les modèles de la General Motors. De la plus humble Chevrolet 1955 jusqu'à la cossue Cadillac Eldorado 1953, qui sera la première s'y rallier, en passant par la nouvelle Chevrolet Corvette la même année.

Chevrolet Corvette, 1953. Copyright

Ford suivra pour tous ses modèles. Seul Chrysler, sous la houlette de l'original Virgil Exner, le refusera, de même que Studebaker dont le coupé dessiné par Loewy s'en tiendra seulement à la lunette arrière.

Ford Thunderbird, 1955. Copyright

Parmi les modèles US, certains l'adoptent à l'avant, d'autres à l'arrière et beaucoup devant et derrière. Au dire des designers tout puissants, le pare-brise panoramique améliore la visibilité et, ça coule de source, la sécurité. Néanmoins, à l'usage, ce n'est pas vraiment prouvé, car il déforme parfois la vision au niveau du cintrage et par temps de pluie, il n'y a aucun progrès vu que les essuie-glaces ne vont pas dans les coins. En plus, il empiète pas mal sur l'habitacle à cause des montants inversés qui réduisent l'accessibilité. Mais, comme les voitures américaines possèdent de longues portes, ça ne pose pas trop de problèmes d'accès à bord.

En revanche ce type de pare-brise distille une image forte de modernité, car la technique ne sait pas produire depuis longtemps des surfaces vitrées bombées. Il y a seulement quatre ou cinq ans, les américaines possédaient toujours des pare-brise avant divisés en deux parties, voire trois à l'arrière pour suivre la courbure du pavillon. La vision de ce gigantesque pare-brise qui s'ouvre sur l'extérieur sans interruption est alors un argument choc de vente par rapport à aujourd'hui où au contraire on cherche davantage d'intimité au sein de son habitacle. Ceux qui ont réussi en 1955 désirent voir et surtout ... être vus. Aujourd'hui, c'est l'inverse.


Le bon sens près de chez nous 


" Et la France ? " allez vous demander. Bonne question. Dans notre bel hexagone le pare-brise panoramique n'a pas rencontré un fabuleux succès pour certainement la même raison que dans les autres pays européens.

En 1954, la puissante Talbot Lago Coupé Grand Sport avait été la première voiture tricolore à bénéficier de cette technologie, mais ... à l'arrière.

Talbot Lago Grand Sport, 1954. Copyright

Fin 1955, la Facel Vega FV est la première à l'adopter à l'avant. Cette voiture d'exception est surtout destinée à l'exportation et notamment au marché américain. C'est ce qui explique certainement que le coupé Simca Plein Ciel reçoive également ce type de pare-brise fin 1956, puisque ce modèle a été dessiné par le bureau de style de Facel qui en réalise également le montage.

Facel Vega FV 2, 1956. Copyright

Très inspiré de la Ford Thunderbird, cette Simca doit son nom en version coupé, Plein Ciel (Océane en cabriolet), à son pare-brise panoramique également qualifié de " grand angle " par les publicitaires imaginatifs de Simca. Si le coupé Plein Ciel est esthétiquement très apprécié, en revanche il est critiqué à cause de l'angle du pare-brise qui forme un bec gênant lorsqu'on ouvre la porte. La Facel Vega et la Plein Ciel restent les seules à utiliser cette forme de pare-brise, si on occulte la rare Sera Panhard de Jacques Durand qui l'emprunte à la Simca.

Simca Plein Ciel. Copyright

Simca fera rouler en 1956/57 un prototype de la future P60 à pavillon à montants inversés. Mais devant la cherté et l'accessibilité riquiqui, Poissy reviendra à un pavillon traditionnel pour la remplaçante de l'Aronde, la P60, dévoilée en septembre 1958.


La sauce ne prend pas


Opel et Vauxhall, filiales européennes de GM, dont les modèles sont exportés aux Etats Unis, adoptent obligatoirement ce dessin. Mais réduit à des dimensions plus modestes, il laisse percevoir son plus gros défaut avec un habitacle aux entrées très étriquées. Opel s'y colle sur sa nouvelle Rekord 1958 aux montants de pavillon inversés autant à l'avant qu'à l'arrière. Mais comme la Rekord n'est pour le moment proposée qu'en deux portes, l'accès à bord n'est pas trop catastrophique. Il l'est en revanche pour la Kapitän de 1959, véritable Chevrolet 1958 en réduction. La firme de Russelsheim a été contrainte à redessiner dès l'année suivante le pavillon à l'arrière pour accroître l'accessibilité.

Opel Rekord. Copyright

Vauxhall, la filiale britannique a fait de même, en 1957, seulement à l'avant sur sa petite Victor qui ne s'y prête guère, et sur les grosses Velox et Cresta 6 cylindres l'année suivante.

Vauxhall Cresta, 1960. Copyright

D'autres constructeurs ici ou là adaptent tant bien que mal cette mode. Bien sur l'élégant coupé Auto Union, sur les Holden australiennes, sur les petites Glas allemandes et Lloyd Arabella à l'arrière.

Auto Union 1000 SP. Copyright

Holden Special 1961. Copyright

Mal sur la rondouillard Auto Union 1000, sur la courte Hillmann Minx et sur le coupé Lancia Appia à l'arrière, sur les molles Humber Snipe et sur les lourdes Nissan Cedric.

Lancia Appia Coupé, 1961. Copyright

Quelque fois avec génie quand la bonne mesure est là, notamment sur la berline Lancia Flaminia. Mais on ne peut pas dire que tous les constructeurs se soient rués sur cette tendance qui s'adapte mal à la compacité de nos carrosseries.

Lancia Flaminia, 1961. Copyright


Le retour au bon sens


Les firmes automobiles américaines présentent chaque année des modèles de plus en plus longs, plus lourds, encore plus surchargés de chromes et de moins en moins adaptés aux besoins. L'écroulement des ventes des années 1958/59 provoque le retour de voitures plus compactes et plus sobres esthétiquement, aux formes européennes. Les américaines abandonnent pour la plupart les montants arrière inversés dès 1959 et le pare-brise panoramique en 1961 où cette mode n'est plus ... à la mode.

Du coup, les pauvres constructeurs européens, qui n'ont pas les moyens de changer de carrosserie tous les ans, se retrouvent avec des voitures brutalement démodées, faisant songer à de vieilles américaines. Sauf Opel, qui a les moyens de réagir, fait redessiner le pavillon de sa Rekord 1961 qui s'inspire désormais de la mode italienne. La grosse Kapitän perdurera jusqu'en 1964 faisant vraiment son âge tandis que les Vauxhall Victor et Velox / Cresta n'auront pas le courage d'attendre autant, se parant d'une nouvelle robe pour les modèles 1962 et 1963.

Vauxhall Velox 1963. Copyright

Rootes redessinera l'arrière du pavillon de sa Hillman Minx, et celui de la Humber réellement démodée. Mais, en 1963, la nouvelle Super Minx et sa dérivée la Humber Sceptre reviendront à la lunette arrière aux montants inversés ... Allez comprendre ? Vous vous en doutez, le succès ne sera pas au rendez-vous. La firme britannique sera contrainte de revenir à un dessin moins démodé seulement deux ans plus tard en 1965 avant d'être rachetée par Chrysler.

Pour 1965, Hillman abandonne définitivement toute tout pare-brise ou lunette inversée. Copyright


Hissez le pavillon inversé


En France, Facel adoptera le pare-brise de forme classique pour ses dernières Excellence, très inspiré du pavillon de la sculpturale Facel II qui a remplacé en 1962 la HK 500. Quand à la Simca Océane, elle agonisera jusqu'en 1962. En 1965, excepté un ou deux modèles moribonds, ce type de pare-brise a complètement disparu. Pour être précis, seul Porsche sur la 911 Targa y restera fidèle jusqu'au début des années 90, sans notion de mode, mais c'est une Porsche.

Porsche 911 Targa. Copyright

A la réflexion, si ce dessin apporte beaucoup d'inconvénients à l'avant, à l'arrière, il améliore nettement la visibilité  et selon l'implantation de la porte, ne réduit pas l'accès à bord, surtout sur un coupé. C'est certainement pour cette raison qu'il a revu le jour sur le monospace Picnic en 1995, ainsi que sur la première génération de Mercedes Classe A. Qui oserait de nouveau l'utiliser pour le pare-brise avant ?   

Mercedes Classe A, 1997. Copyright


Texte : Patrice Vergès, 1997
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