Noms de famille


Les prénoms des automobiles reprennent parfois celui de leurs ascendantes et même parfois de leurs cousines. A l'image d'un numéro, un nom sert à baptiser ou qualifier une auto. Pour cultiver la nostalgie ou le mythe, pour bénéficier d'une notoriété déjà acquise ou positive, certains constructeurs réutilisent des noms déjà portés, qui ont parfois disparu depuis longtemps de leurs catalogues.

Mais ce n'est pas aussi simple que cela, car le propriétaire du nom n'est en fait qu'un locataire. Il doit le déposer tous les dix ans à un organisme agréé pour en conserver la propriété. Quelquefois, il est obligé de le racheter à un autre constructeur, ou à un petit malin qui l'a volontairement déposé auparavant.

En 1994, Toyota a été contraint de rebaptiser chez nous le RAV 4, son petit 4 x 4 ludique, car le nom initial de Fun Cruiser était la propriété de Ford France.

En revanche, pour sa Bora (du nom d'un vent froid qui descend des hauteurs et qui souffle en Grèce et en Turquie) de 1998, Volkswagen n'a pas été obligé de demander l'autorisation à Maserati qui, semble t'il, n'en était plus propriétaire depuis la disparition du coupé Bora à moteur V8 produit de 1971 à 1978.

Maserati Bora

Volkswagen Bora


Alpine et Alpine


Alpine existait avant Alpine. Expliquons nous. En 1955, Jean Rédélé a appelé sa marque Alpine. Mais il existait déjà en Grande Bretagne un modèle nommé Alpine, produit par le groupe Rootes de 1953 à 1955, baptisé ainsi suite aux victoires de la marque Sunbeam dans la Coupe des Alpes.

Sunbeam Alpine, 1953/55

Elle a redonné vie au modèle Alpine en 1959 avec son sympathique cabriolet 1500 cm3 fabriqué jusqu'à la fin des années 60.

Sunbeam Alpine, 1959/1968

Comme ce nom sonnait bien, Sunbeam l'a réutilisé pour baptiser une version plus économique du coupé Rapier commercialisée jusqu'en 1976.

Sunbeam Alpine, 1969/1975

Puis, lorsque Chrysler UK (Rootes et Sunbeam) est racheté par le groupe PSA en 1978, celui ci a poursuivi l'exploitation de la dénomination Alpine toujours très évocatrice outre Manche, pour désigner les Simca 1307/1308.

Chrysler Alpine

En revanche, c'est la General Motors qui était propriétaire de la désignation Fiesta. Après avoir hésité longuement avec Bravo, aujourd'hui chez Fiat, pour baptiser sa petite compacte dont le nom de code était " Bobcat ", Ford, qui a préféré Fiesta, a négocié " amicalement " avec la GM.

Les constructeurs réutilisent un nom lorsqu'il réveille une image positive dans la mémoire et dégage un visage emblématique tout en cultivant la nostalgie, surtout si ce modèle a rencontré un succès commercial. Les marques dont l'avenir n'est pas simple cultivent volontiers le mythe du passé comme Alfa Romeo ou Lancia.

Au contraire, ceux qui veulent absolument faire oublier leur passé fuient les noms d'hier, tel Austin, rebaptisé Rover en 1988. De même, il ne faut pas que l'image soit synonyme de mévente. Il y a peu de chance pour voir renaître un jour une Peugeot Tagora, une Ford Edsel ou une Renault Frégate, qui on été des échecs commerciaux patents.


Capri, ce n'est jamais fini


Ford a utilisé deux fois le nom Capri en Europe. Il y eu le célèbre coupé Capri qui a pointé son long capot plein de vide sur la version V4 en 1969. Mais, saviez vous qu'en 1961, la filiale anglaise avait déjà produit un coupé Capri. Il s'agissait d'un modèle réalisé sur la base de la berline deux portes 315. Malgré sa custode très inclinée, ce coupé n'était pas plus esthétique que la berline au pavillon en Z. Et surtout son 1340 cm3 pas très fiable en raison d'une surchauffe chronique poussa rapidement ces modèles vers la porte de la sortie, laissant la place aux Cortina et Corsair.

Ford Consul Capri

En 1999, Ford a redonné vie au nom Thunderbird abandonné depuis 1997 en présentant un concept car. La version commerciale fut vendue de 2002 à 2005. Ce beau cabriolet au style néo-rétro reprenait le concept et l'esthétique de la première T-Bird de 1955. La General Motors adopta la même attitude en 1999 avec le concept car Nomad qui servait à qualifier au milieu des années 50 un sublime break de chasse assez peu produit vu son prix exorbitant et son manque de praticité. Mais le projet Nomad de 1999 s'arrêta au stade du concept car.


Kadett et Olympia


En 1937, Opel dévoile une petite berline 1100 cm3 très inspirée de sa grande soeur Olympia qui répond au nom logique de ... Kadett qui dit bien ce qu'il veut dire, tout comme Olympia qui avait un rapport avec les Jeux Olympiques de 1936. La guerre éclate en 1939. L'usine Opel est entièrement détruite, sauf les chaînes de la Kadett dont les Russes s'emparent au titre des dommages de guerre, pour produire cette voiture sous la marque Moskvitch.

Opel Kadett, 1937

Opel patientera jusqu'en 1962 pour relancer une petite 1000 cm3 qui reprendra ce nom qui avait disparu du catalogue depuis 1940. Près de 11 millions de Kadett modernes dans différentes évolutions on été fabriquées jusqu'en 1991, avant que le nom soit estimé trop usé et remplacé par Astra déjà employé à titre de test sur les Vauxhall britanniques et les Holden australiennes.

Opel Kadett, 1962

Dévoilée en 1935, la fameuse Opel Olympia 1350 cm3 a vu sa production arrêtée pendant la guerre. En 1950, la firme de Rüsselsheim a réussi à reprendre la fabrication de ce modèle dont le nom perdurera jusqu'en 1957 avant de s'effacer doucettement au profit de Rekord.

Opel Olympia, 1953

Lors du salon de Francfort 1967, Opel ressort le nom d'Olympia de la poussière pour baptiser une nouvelle gamme intermédiaire qui se glisse entre la Kadett et la Rekord. Il s'agit d'une Kadett plus luxueusement équipée, disponible en 1100 ou en 1700 cm3. qui se distingue par son pavillon recouvert de faux cuir (sur demande). Trop proche de la Kadett au plan dynamique, l'Olympia ne fera pas de miracle commercial, mais servira à préparer à peu de frais le terrain pour la nouvelle gamme Ascona qui naîtra fin 1970.

Opel Olympia, 1967


Ghibli, Elite, Mangusta


La sauce ne prend pas davantage quand le plumage n'est pas à la hauteur du ramage. Maserati a réutilisé le nom Ghibli de 1992 à 1997 pour baptiser un de ses modèles pas très réussi à bien des égards. L'objectif était de récupérer une partie de l'image de la sculpturale Ghibli produite entre 1966 et 1973, qui fut dessinée par Giugiaro pour le compte de Ghia, son employeur du moment.

Maserati Ghibli, 1966/73

Maserati Ghibli, 1992/97

Même punition pour la Quattroporte, nom déjà utilisé au début des années 60 par le constructeur italien pour une somptueuse berline quatre portes qui fut, en son temps, la quatre portes la plus rapide du monde. La Quattroporte II, introduite en 1974, ne fut produite qu'en treize exemplaires.

Maserati Quattroporte, 1963/69

Maserati Quattroporte II, 1974

Giugiaro, pas très en forme, a dessiné en 1974 le coupé Lotus Elite qui n'a pas rencontré un succès fou. Elite, c'était déjà le nom de la première vraie Lotus de série ... enfin presque puisque 1050 exemplaires seulement ont été produits par l'usine d'Anthony Colin Bruce Chapman de 1957 à 1963. Il s'agissait d'une voiture aussi belle que rapide mais incroyablement fragile vu sa construction originale. Le train roulant était directement vissé sur la coque en fibre de verre. Il fallait mieux éviter les coups de trottoir !

Lotus Elite, 1958/63

Lotus Elite, 1974/82

Au salon de Turin 1966, la De Tomaso Mangusta attirent l'attention de la presse et du public, à la fois pour la simplicité des lignes et la force qui s'en dégage. La maison Ghia revient sur le devant de la scène après quelques années de doutes. Contrairement à ce qui se faisait encore dans d'autres grandes maisons (Pininfarina et Bertone notamment), le carrossier fait le choix de présenter son styliste à la presse. Les journalistes assistent à la naissance d'une étoile : Giorgetto Giugiaro. Si côté performances, la Mangusta n'était pas très réussie et laissa vite sa place à la Pantera plus commerciale, en revanche esthétiquement on peut parler d'oeuvre d'art, sans exagération.

De Tomaso  Mangusta, 1967/70

Le groupe qui a repris plus tard De Tomaso décida de rebaptiser la nouvelle Bigua réalisée par Gandini de ce nom mythique. Las, la Qvale Mangusta new-look produite entre 2000 et 2002 n'avait pas esthétiquement la race de sa glorieuse soeur aînée.

Qvale Mangusta, 2000/2002


Caravelle ; Oh, mon bateau !


En 1957, pour valoriser son modèle Frégate Affaire qui vivote, Renault décide de le rebaptiser Caravelle, nom plus emblématique et surtout moins minorant que le précédent. Cette appellation n'avait absolument aucun rapport avec celle de l'avion français Caravelle commercialisé en 1958. Sur le logo de capot, on reconnaissait le gouvernail du  bateau de Christophe Colomb, et non l'avion de Sud Aviation.

Renaut Caravelle, 1957

Peu de temps après, Renault dévoile sa Floride qu'il désire vendre aux USA, tout comme la Dauphine d'ailleurs. Il n'était pas évident d'écouler dans tous les états d'Amérique un modèle baptisé du nom d'un seul d'entre eux. Renault reprend alors pour les Floride destinées aux Etats Unis et elles seules le nom vacant de Caravelle, une version qui a déjà sombré.

En 1962, Renault rajeunit sa Floride en lui greffant la partie mécanique de sa future R8. Il élargit également la palette avec une version 2 + 2 au pavillon redessiné. Pour distinguer davantage cette 2 + 2 de la Floride S, il ressort du tiroir le nom de Caravelle désormais utilisé sur le vieux continent.

Renault Caravelle, 1962

Avant guerre, en 1936, le constructeur lyonnais Berliet fabrique également des voitures légères. La nouvelle berline 2 litres est baptisée Dauphine en hommage au Dauphiné, berceau du fief Berliet. Après la guerre, la constructeur cesse la fabrication des voitures pour se consacrer exclusivement aux poids lourds.

Berliet Dauphine, 1936

En 1954, Renault cherche un nom pour sa future 5 CV. Après avoir songé à Corvette, déjà utilisé par Chevrolet, la Régie choisit Dauphine, nom que Berliet cède amicalement à Renault.

Renault Dauphine


Regretter s'écrit avec TT


Les réutilisations sont fréquentes. Audi reprenait la désignation TT en 1998. Le constructeur aux anneaux est propriétaire de ce nom en forme d'initiales signifiant Tourist Trophy. Il a été racheté dans la dot de mariage de NSU en 1969. TT baptisait  alors la version sportive de sa regrettée petite berline, en  hommage à la victoire de la marque allemande au Tourist Trophy de 1954, la fameuse course motocycliste sur l'Ile de Man, lorsque NSU était le premier constructeur mondial de deux roues.

Publicité NSU TT

Après avoir gagné la terrible Carrera (course) Mexicana Panamerica, Porsche dévoile en 1954 une version 1500 cm3 affûtée à 4 arbres à cames de sa version 356, nom qui sera utilisé jusqu'en 1964 sur cette version rebaptisée Carrera 2 lorsqu'elle hérite du 2 litres flat-four. Puis ce vocable disparaît de la gamme et est seulement utilisé sur quelques versions compétition telle la terrible Carrera 6 de 1966.

En 1972, pour désigner une version sportive de sa 911 S à caisse allégée et moteur poussé à 2,7 litres, Porsche ressort de la naphtaline ce superbe nom qui chante autant aux oreilles que le flat-six de la 911. Au départ, Porsche envisage seulement de produire 1000 Carrera 2.7. Malgré la crise énergétique, celle-ci connaît un tel succès que le constructeur allemand l'inclue dans sa gamme.

Carrera, une appellation utilisée à toute les sauces chez Porsche depuis plus près de 60 ans

Elle disparaît néanmoins en 1978 remplacée par la pâle SC dont les initiales signifient pourtant Super Carrera. Las, la SC ne parle pas assez aux oreilles des Porschistes. En 1983, la nouvelle direction de Porsche décide de ressusciter ce nom magique pour la version 3.2 l et même Carrera 2 et Carrera 4 en 1989 lors du restylage de la voiture. Depuis, le constructeur allemand a désigné sa supercar produite de 2003 à 2008 du nom de Carrera GT.


GTO ou cultiver le mythe


Toujours dans le chapitre renaissance, nous passerons vite sur celle des noms Octavia et Felicia qui désignent les Skoda modernes, alors que ces désignations furent déjà utilisées durant les années 50 et 60.

Skoda Octavia

En 1984, Ferrari présente son dernier modèle baptisé GTO. Osé, car la GTO première mouture était une voiture magnifiée. Surtout à cette époque où elle tutoyait le million de francs lourds. A cet égard, la GTO produite à seulement 39 exemplaires au total est l'une des plus belles voitures du monde. Ce terme signifiait Gran Turismo Olmologata, ce qui ne manque pas de sel lorsque l'on sait que ce modèle ne fut jamais homologué puisqu'il fallait en produire 100. Il l'a été grâce à la mansuétude de la Commission Sportive Internationale de l'époque qui ne pouvait rien refuser à Enzo Ferrari, qui affirmait qu'elle était une extension " poussée " de la 250 GT homologuée elle pour sa part.

Ferrari profite du mythe pour dévoiler en  1984 une nouvelle GTO, produite à seulement 272 exemplaires, ce qui contribua à en faire un objet rare et à faire monter les prix sur le marché de l'automobile de collection. Mais il ne s'agit pas de la plus réussie de la gamme puisqu'il s'agit grosso modo une 308 revue dont le V8 repositionné gavé par un turbo délivrait 400 ch plutôt énervés.

Ferrari 288 GTO,  1984

Il y en a bien d'autres. La Chrysler 300 letter qui a revu le jour en lettre 1999 avec la lettre M est un hommage aux mythiques 300 des années 50. Les Lancia Delta et Gamma avaient déjà vécu au début du 20ème siècle. La Lincoln Continental est réapparue en 1956 après une disparition de près de dix ans. N'oublions pas les Alfa 1750 de 1968 dont la cylindrée avait déjà été utilisée en 1926 sur une version sportive très célèbre, de même que l'Alfetta, nom d'une  ancienne Alfa de course. Citons également la renaissance en 1961 de la MG Midget. Il s'agissait d'une Austin Healey développée à partir de la Frogeye rebadgée qui reprenait le célèbre nom des petites Midget 750 cm3 des années 30 qui ont révélé une génération de pilotes anglais et surtouts américains ...

Chrysler 300, 1955


Texte : Patrice Vergès, 1999 - Adaptation 2014 / Carcatalog
Ne pas reproduire sans autorisation de l'auteur.

Sommaire Oncle Pat - Sommaire site