Wartburg, de l'autre côté du mur
Wartburg est avec Trabant l’une des deux marques automobiles connues de l’Allemagne de l’Est. Née sur les ruines de EMW et IFA, des BMW et DKW d’avant-guerre produites dans ce pays au début des années 50 sur le site d’Eisenach, la firme Wartburg va connaître une certaine prospérité jusqu’en 1989, date de la réunification des deux Allemagne. A partir de cette date, Wartburg est balayée par la concurrence et disparaît brutalement en 1991. Les débuts de Wartburg L’usine automobile d’Eisenach est inaugurée en 1899. Elle produit une petite voiture sous licence Decauville, baptisée du nom d’une célèbre forteresse proche de la ville, la Wartburg. A partir de 1904, les nouveaux modèles sont rebaptisés Dixi. En 1928 la firme munichoise BMW - qui ne fabriquait jusqu’alors que des moteurs d’avions et des motos - rachète l’usine pour y produire des voitures. C’est ainsi que sortent de cette usine toutes les BMW de 1928 à 1940. En 1945, se retrouvant en zone d’occupation soviétique, comme celle de Zwickau, elle est annexée et nationalisée par le nouveau régime communiste de l’Allemagne de l’Est afin de produire des BMW d’avant-guerre, qui sont rebaptisées EMW à partir de 1952, peu après le retour des automobiles BMW dans l’autre Allemagne, l’Allemagne fédérale. La firme BMW installée alors à Munich, en Bavière, intente en 1951 un procès contre l’entreprise qui a repris son nom en Allemagne de l’Est sans son accord. BMW gagne ce procès et la firme est-allemande doit changer son nom en EMW, pour Eisenacher Motoren Werke.
La BMW 340 (puis EMW 340) est l’un des modèles fabriqués sur le site d’Eisenach au début des années 50. On peut considérer qu’il s’agit de l’ancêtre direct des Wartburg. A noter la calandre complètement différente des BMW d’avant-guerre. L’usine d’Eisenach produit aussi des DKW d’avant-guerre à moteur deux temps rebaptisées IFA F9, cette marque ne faisant pas doublon avec les DKW produites en Allemagne de l’Ouest. Ces voitures sont fabriquées à Eisenach entre 1949 et 1956, à 38 782 exemplaires. Ce modèle est aussi fabriqué à Zwickau, l’autre usine allemande encore en activité en Allemagne de l’Est, qui deviendra le site de production des Trabant. Quant aux EMW, beaucoup plus confidentielles, elles sont abandonnées dès 1956 au profit du modèle 311 qui reprend le nom Wartburg utilisé au début du siècle. Ce nombre 311 reste bien dans la lignée de ceux utilisés pour nommer les BMW 321, 326, 327, 328, 335 et 340.
Lancée en 1955, la Wartburg 311 fait une croix sur les EMW et IFA héritées de l’avant-guerre. Ce modèle traction avant assez moderne pour l’époque est pour la première fois 100 % est-allemand. 1955 : Wartburg 311 Initialement développée par EMW et lancée en 1955, la 311 est une berline à quatre portes et six glaces latérales, aux lignes tout en rondeurs qui est désormais vendue par la nouvelle entité AWE, mais la direction de l’usine décide de l’appeler Wartburg, en référence à la première voiture construite par l’usine. Elle devient donc la Wartburg 311. Le nom Wartburg va devenir ainsi progressivement une marque aux yeux du public. Longue de 4,30 mètres, c'est une traction avant, comme les DKW produites à Eisenach depuis 1949. Cette technique assez rare à l’époque est surtout utilisée par DKW, Citroën ou Saab.
Lancée en 1956, le cabriolet Wartburg 311 doté de quatre places est un concurrent des cabriolet Borgward vendus en Allemagne de l’Ouest. La capote bien visible rappelle encore les modèles d’avant-guerre. Après la berline en 1955, le break est lancé un an plus tard, suivi du cabriolet, du coupé et du pick-up. Au total, pas moins de neuf versions de la 311 sont produites, du roadster au torpédo militaire ce qui en fait une des gammes les plus riches de cette époque. Equipée d’un trois cylindres deux temps de 37 ch à sa sortie, la Wartburg 311 voit sa puissance portée à 40 ch en 1962, puis 45 ch en 1963, quand elle reçoit un nouveau moteur deux temps de 991 cm3, ce qui lui permet enfin d’atteindre les 130 km/h. La Wartburg 311 qui sera vendue essentiellement en Europe de l’Est s'écoulera à 258 480 exemplaires de 1955 à 1965, date à laquelle elle est remplacée par la Wartburg 312.
Lancé en 1957, le coupé Wartburg 311 évoque une ligne hard top à l’américaine, genre Studebaker, soulignée par la peinture bicolore. A noter la lunette arrière panoramique. 1965 : Wartburg 312 Présentée en 1965 comme une voiture de transition, la Wartburg 312 aura une durée de vie très courte. Extérieurement, pas de grand changement, on remarque surtout les roues plus petites. Le moteur est toujours le 991 cm3 mais la technique évolue davantage, puisque le châssis, la suspension à quatre roues indépendantes et le système de refroidissement sont nouveaux.
Lancée en 1965, la Wartburg 312 prend la suite de la 311, sans grand changement extérieur. Les modifications sont plutôt d’ordre technique. Il s’agit en fait d’un modèle de transition qui annonce l’arrivée prochaine de la Wartburg 353. Les berlines et le pick-up prennent leur retraite dès le mois de juin 1966, imités par le coupé et le roadster 313 en janvier 1967. Les breaks résistent jusqu’en mars 1967. Au total, 36 287 Wartburg 312 sont produites de 1965 à 1967, jusqu’à leur remplacement par la nouvelle Wartburg 353. Les 311 et 312 ont remporté un petit succès au Benelux et en Suisse, grâce à des tarifs compétitifs et à des importateurs très dynamiques.
Le roadster et le coupé Wartburg 312 évoluent plus franchement, avec une partie avant différente, un nouveau capot moteur et un nouveau pare-brise. Ce sont toutefois des modèles à faible diffusion. 1966 : Wartburg 353 La nouvelle Wartburg 353 est présentée au début de l’automne 1966. Ses lignes robustes et carrées sont tout à fait en phase avec son époque. La voiture est un peu plus courte que les anciennes 311 et 312, puisqu’elle mesure 4,22 mètres de long. Elle n’a plus six glaces latérales mais quatre. Son moteur est toujours le trois cylindres deux temps de 991 cm3 mais sa puissance est portée à 50 ch, ce qui lui permet de dépasser les 130 km/h. A l’époque, elle est avec la FSO Syrena polonaise la dernière voiture à être équipée d’un moteur deux temps. Mais c’est toujours une traction avant, type d'automobile plus courante en ces années 60 que durant la décennie précédente. La gamme est complétée l’année suivante par le break Tourist, qui deviendra rapidement la voiture favorite des grandes familles est-allemandes.
Lancée en 1966, la Wartburg 353 offre une ligne anguleuse et presque symétrique, dessinée par Hans Fleisch, déjà père des 311 et 312. Ce style sera repris sur les futures Lada russes (alias Fiat 124). L’usine d’Eisenach produit la Wartburg 353 à 1 225 193 exemplaires au total, entre 1966 et 1991, soit une moyenne de 50 000 par an, deux fois plus que la Wartburg 311. La Wartburg 353 est exportée sur de nombreux marchés extérieurs, y compris en France. Remaniée plusieurs fois, c'est le modèle le plus vendu en Allemagne de l’Est après la Trabant. Alors que celle-ci est une berline deux portes à moteur deux cylindres de 600 cm3, la Wartburg est une berline quatre portes à moteur trois cylindres de 1000 cm3. Elle s’adresse donc à une clientèle à la fois plus aisée et plus familiale que la Trabant. Epilogue La carrière des Trabant et Wartburg prend fin brutalement en 1989 au moment de la chute du Mur de Berlin. Agée alors d’une vingtaine d’années, la Wartburg 353 parait en effet bien désuète et démodée au moment de la réunification de l’Allemagne de l’Ouest et de l’Allemagne de l’Est. Elle est rapidement balayée par l’arrivée de voitures d’occasion beaucoup plus modernes et plus confortables. Quelques Wartburg 353 sont encore produites entre 1989 et 1991, dotées de moteurs Volkswagen à quatre temps, mais dès 1991, l’usine d’Eisenach est rachetée par Opel et modernisée, pour y produire des Corsa puis des Astra. C’est alors la fin de l’ère Wartburg. Aujourd’hui, l’usine d’Eisenach fait partie du groupe Stellantis et fabrique les Opel Grandland.
Texte : Jean-Michel Prillieux |
Retour au sommaire de Marques disparues - Retour au sommaire du site