Messier, pionnier de la suspension oléopneumatique
George Messier, ingénieur-constructeur, se consacre à l'étude des dispositifs oléopneumatiques pour l'absorption des chocs dans l’automobile puis dans d’autres secteurs du transport. Aujourd’hui, Messier fait partie du groupe Messier-Hispano-Bugatti qui fabrique des trains d’atterrissage pour les avions de ligne. Les débuts de Messier George Messier (1896/1933) est un inventeur français qui va consacrer sa courte vie à l’étude des dispositifs pneumatiques et oléopneumatiques pour l’absorption des chocs dans l’automobile. C’est à partir de 1921 qu’il essaie de mettre au point des suspensions révolutionnaires, sans ressort. Le premier modèle sur lequel est montée la suspension oléopneumatique est une Peugeot. Les essais ayant donné des résultats encourageants, George Messier fabrique complètement plusieurs voitures de diverses puissances, équipées de suspensions oléopneumatiques de plus en plus perfectionnées.
George Messier au volant d’une voiture " Messier sans ressort " vers 1925. Un volume de 150 voitures ont été vendues de 1925 à 1930, ce qui fait de la marque un acteur très marginal sur le marché français. A partir de 1925, Messier utilise ce principe pour les voitures portant son nom, surnommées " voitures sans ressort ". Seulement 150 voitures de ce type seront vendues jusqu’en 1931, mais le système sera repris et adapté sur la Citroën 15H en 1954 et la Citroën DS en 1955. Puis la firme du Quai de Javel généralisera ce système sur une grande partie de sa gamme (SM, GS, CX, BX, XM et Xantia). Citroën a su améliorer ce système en les fabriquant à des prix de revient adaptés à l'automobile de grande série. Principe de la suspension oléopneumatique et adaptations La suspension oléopneumatique est un type de suspension sans ressort fonctionnant à l'aide de pistons contenant de l'huile et un gaz. Dans l'adaptation de Citroën, le fluide hydraulique est sous pression et l'air est inerte. Cette technologie est connue en tant que suspension hydropneumatique. Le système Citroën règle automatiquement la garde au sol, indépendamment de la charge. Mercedes, Rolls-Royce et Lincoln notamment ont adapté une suspension très semblable au système Messier sur plusieurs de leurs modèles. L'intérêt de ces suspensions réside dans le fait qu'elles assurent un grand confort pour les occupants et une bonne tenue de route aux grandes vitesses. Ce résultat est dû en partie à une grande flexibilité de la suspension arrière et dans une moindre mesure à celle de la suspension avant, et à une flexibilité en roulis réduite, avec un réglage automatique de la hauteur de caisse en fonction de la charge transportée (assiette constante). Evolution de la société Messier La société Messier Automobiles créée en 1921 à Montrouge (Seine) est rebaptisée Société Anonyme de Construction Mécanique de la Seine, en abrégé CMS, qui fabrique à partir de 1925 les Messier " sans ressort ". Ces voitures participent avec succès à certaines compétitions automobiles. En 1927, la gamme des automobiles Messier compte deux 6 cylindres (15 HP et 17 HP) et deux 8 cylindres (20 HP et 24 HP), les moteurs étant d’origine Lycoming. Les prix des modèles démarrent à 52 000 F pour la 15 HP à empattement court pour culminer à 98 000 F pour la 24 HP à empattement long. En 1928, la gamme comprend toujours les deux 6 cylindres 15 CV et 17 CV mais la 8 cylindres 24 CV est passée à la trappe. Pour la remplacer, la 20 CV est disponible dans une nouvelle version sport. En 1929, Messier ajoute deux 8 cylindres, une 24 CV disparue l’année précédente et une 30 CV qui couronne la gamme.
Sur ce châssis de 8 cylindres 24 CV, on distingue les deux cylindres à air, montés verticalement de chaque côté du radiateur. A l'arrière, deux pistons similaires affleurent la partie haute et courbée des longerons du châssis. Selon George Messier, la suspension oléopneumatique est une technique réservée d’abord aux voitures de haut de gamme. La crise économique qui suit le jeudi noir d’octobre 1929 met un coup d’arrêt à l’activité de la marque, comme pour beaucoup d’autres. Un volume de 150 voitures " sans ressort " ont été vendues entre 1925 et 1930 et cela est très insuffisant pour pérenniser la marque. Une crise économique ne pouvait qu’aggraver une situation déjà bien fragile. Le coup de génie de George Messier a été de diversifier son activité au bon moment, c’est-à-dire dès 1928. Cette année-là, il crée avec René Lucien, la SFMA - Société Française de Matériel d’Aviation - qui fabrique et commercialise ses inventions dans le domaine aéronautique, notamment un nouveau système d'atterrissage hydraulique. La SFMA allait devenir le terreau d’une entreprise très prospère jusqu’à aujourd’hui. C’est en effet pour les trains d'atterrissage des avions qu’est adaptée la suspension révolutionnaire de Messier. Et l’on sait que le transport aérien allait connaître une croissance exponentielle après la Seconde Guerre mondiale. Décès de George Messier Alors que la fabrication de voitures Messier a été stoppée en 1931 et que le matériel aéronautique occupe l’essentiel de ses activités, George Messier décède brutalement le 23 janvier 1933 à l’âge de 36 ans d’un accident de cheval. Cependant, la société qu’il a fondée avec René Lucien ne va cesser de grandir. Celle-ci va s’installer en juin 1933 dans des locaux plus grands, toujours situés à Montrouge. Elle est à l'origine de la SIAM - Société d'Inventions Aéronautiques Mécaniques- la même année, une filiale suisse dédiée à l'exploitation des brevets Messier. En 1935, apparaît la première plaquette de présentation pour le grand public des réalisations Messier. En 1937, la SFMA devient la Société Messier, en hommage à son fondateur disparu quatre ans plus tôt. René Lucien en est le Directeur Général. Le slogan de l’entreprise est " Le spécialiste du train d'atterrissage ". Le développement de Messier après 1945 Prospère durant la Seconde Guerre mondiale, suite aux commandes de l’armée française, la société Messier crée une nouvelle filiale en 1945, Messier Auto-Industrie, chargée de transposer en les adaptant aux besoins des industries les plus diverses, les techniques aéronautiques de la maison mère.
Messier est le fournisseur attitré des cars SOMUA, société intégré à la SAVIEM en 1955 Messier Auto-Industrie se spécialise plus particulièrement dans les matériels suivants : freins à disques, amortisseurs à levier, suspensions oléopneumatiques, trains de roulement relevables, circuits hydrauliques, pompes hydrauliques, moteurs hydrauliques, distributeurs, détendeurs et transmissions hydrostatiques. Messier Auto-Industrie est plus spécialement axé sur l'étude et la réalisation de matériels destinés aux poids lourds, aux véhicules spéciaux, civils ou militaires, chenillés ou à roues, aux engins de travaux publics ou agricoles, aux appareils de levage ou de manutention.
Amédée Gordini, ultime représentant des marques françaises en course automobile à l'aube des années 50 fait confiances aux meilleurs fournisseurs du moment, parmi lesquels on compte Messier Messier Auto-Industrie assure en outre l'ingénierie complète d'installations hydrauliques, en faisant appel en complément, selon les besoins, aux industries mécaniques, électriques et électroniques. Parmi les réalisations les plus représentatives on peut citer : l’aérotrain (propulsion auxiliaire par transmission hydrostatique) de l’ingénieur Bertin, l’aéroglisseur (train de roulement relevable permettant le déplacement du véhicule sur les aires de parking en l'absence de sustentation pneumatique), le terraplane (propulsion), le véhicule militaire blindé Crotale (suspension oléopneumatique, freins à disques) ainsi que les chars AMX10, AMX13 et AMX30 (suspensions oléopneumatiques).
L’Aérotrain de l’ingénieur Bertin expérimenté en 1967 fut finalement abandonné en 1974 en faveur du TGV, capable de vitesses équivalentes, pouvant utiliser pour une large part le réseau ferroviaire existant et de l’électricité plutôt que des hydrocarbures devenus excessivement chers après le choc pétrolier de 1973/1974.
Le Naviplane N300 était un aéroglisseur marin de 30 tonnes en charge, développé par la SEDAM en collaboration avec l’ingénieur Bertin, et expérimenté de 1968 à 1972. Il donnera naissance en 1976 au Naviplane N500 plus imposant dont un exemplaire sera d’ailleurs baptisé " Ingénieur Jean Bertin " en hommage à ce dernier décédé le 21 décembre 1975. Fusion avec Hispano et Bugatti Après la guerre, les entreprises françaises travaillant pour l’aéronautique vont s’associer les unes avec les autres pour créer des conglomérats capables de concurrencer les plus grands groupes internationaux. Le premier élément fédérateur a sans doute été la nationalisation en 1945 de la société Gnome et Rhône - issue elle-même avant-guerre de l’association des Moteurs Gnome, des Moteurs Le Rhône, des Moteurs Renault, des Moteurs Lorraine - qui devient la SNECMA. A la fin des années 60, Bugatti et Hispano-Suiza, anciennes firmes automobiles prestigieuses recyclées dans l’aéronautique, deviennent des filiales de la SNECMA. En 1971, les activités " atterrisseurs " d'Hispano-Suiza sont rattachées à la société Bugatti, puis celles-ci sont rattachées avec les activités " atterrisseurs " de Messier. C’est la naissance du groupe Messier-Hispano-Bugatti composée de trois entreprises séparées, qui résonne chez les passionnés comme le souvenir de trois grandes marques automobiles disparues. La SNECMA est alors minoritaire. Elle ne deviendra majoritaire dans le groupe Messier-Hispano-Bugatti avec 51 % des parts en 1973. En 1974, la filiale Messier Auto-Industrie dédiée aux applications hors aéronautique est vendue au groupe britannique Lucas Aerospace et devient une division de Lucas France. Messier Auto-Industrie poursuit sa gamme de matériels pour les chars, les véhicules spéciaux, les engins de travaux publics au sein du groupe Lucas. En 1977, les trois sociétés du groupe Messier-Hispano-Bugatti fusionnent entre elles et le nouveau logo MHB intègre à la fois l'aigle Messier, la cigogne Hispano et l'ovale Bugatti.
Trois anciennes marques automobiles de prestige se sont regroupées en 1971 pour former le groupe Messier-Hispano-Bugatti. La fusion entre elles aboutit en 1977 à la création d'un nouveau logo regroupant l'aigle Messier, la cigogne Hispano et l'ovale Bugatti. Extrait des brochures " Automobiles Messier ", 1928 " Le problème de la suspension est le plus délicat que rencontre l’ingénieur dans l’établissement d’un châssis : de nombreux facteurs contradictoires sont en présence. Il faudrait que la suspension soit à la fois douce, pour assurer le confort aux petites allures ou avec faible charge et permette en outre une bonne tenue de route aux grandes vitesses ou lorsque la voiture est chargée. Les ressorts métalliques créés pour assurer la suspension des véhicules à chevaux circulant à faible allure, et qui en somme n’ont subi que peu de modifications pour être appliqués aux automobiles, ne résolvent plus, que d’une manière très imparfaite, le problème de la suspension, malgré l’emploi d’amortisseurs divers qui ne font qu’atténuer légèrement leurs nombreux inconvénients, trépidations sur le pavé, coups de raquette, et c… En outre, avec des ressorts, la voiture n’a une suspension passable que pour une charge donnée, généralement quand toutes les places sont occupées. Aucune suspension à ressorts ne satisfait aux desiderata d’une bonne suspension qui sont les suivants : 1. Réglage
automatique suivant la charge La suspension pneumatique Messier résout parfaitement le problème, elle supprime les ressorts métalliques qui sont remplacés par quatre appareils de suspension pneumatique et assure aux véhicules le maximum de confort. L’air seul, en effet, est parfaitement élastique. Il y a autant de différence, au point de vue de la douceur, entre une voiture à suspension pneumatique et une voiture à ressorts, qu’il y en a entre une voiture montée sur pneus et une voiture montée sur bandages pleins. En outre, dans la suspension pneumatique Messier, la douceur est la même quelle que soit la charge, car elle s’adapte automatiquement aux variations de poids transporté. Chacun des quatre appareils se compose principalement d’un cylindre fixé au châssis et dans lequel se déplace un piston solidaire de l’essieu. Un matelas d’air comprimé emprisonné dans le fond du cylindre assure l’élasticité du système, une capacité auxiliaire augmente le volume de l’air sur lequel agit le piston et procure une grande douceur de suspension, assurant ainsi l’amortissement progressif des chocs même les plus violents. Une section réduite des orifices freine le passage de l’air et élimine ainsi les coups de raquette. Un système de distribution très simple assure le réglage automatique suivant la charge et la compensation des pertes. L’alimentation provient d’un réservoir central où la pression est maintenue par une petite pompe commandée par le moteur. Une canalisation de retour permet la circulation de l’air en circuit fermé. Cet air entraînant une certaine quantité d’huile, assure ainsi le graissage et l’étanchéité complète de tous les organes. L’expérience de nombreuses voitures, dont certaines ont parcouru plus de 100 000 kilomètres, montre que l’usure est pratiquement nulle et que les canalisations bien établies ne peuvent donner aucun ennui. L’expérience du freinage de l’air comprimé sur les chemins de fer montre, du reste, que ce fluide sous pression s’adapte parfaitement aux conditions d’installations sur les véhicules. On sait que les voitures à ressorts, après un certain parcours, arrivent à une période dans laquelle tous les organes du châssis étant fatigués par les vibrations et les trépidations, les réparations se succèdent. Avec la suspension pneumatique Messier, au contraire, on constate à l’usage que la voiture ne vieillit pas. Cet avantage compenserait largement, à lui seul, la légère augmentation de prix entraînée par la suspension pneumatique. "
Texte : Jean-Michel Prillieux |
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