Mercer, les premières voitures sport luxe américaines
Mercer était une firme automobile américaine créée en 1909 et disparue en 1925. Cette marque a fabriqué les premières véritables voitures ' sport luxe ' américaines, dont la célèbre 35R Raceabout. L'entreprise s'est éteinte en 1925, à bout de souffle. Création de Mercer Fondée en 1909 à Trenton, dans le comté de Mercer, New Jersey, aux Etats-Unis, Mercer Motor Cars voit le jour sur les vestiges de la Walter Automobile Company, constructeur des automobiles Walter et Roebling-Planche. La famille Roebling, d'origine allemande, acquiert l'entreprise Walter et établit une usine à Hamilton, New Jersey, pour la fabrication des nouvelles Mercer. Ferdinand Roebling assume la présidence de Mercer, tandis que son neveu, Washington A. Roebling, est nommé directeur général, et son frère, Charles G. Roebling, prend en charge la conception des modèles. Les premières voitures de tourisme Mercer, lancées en 1910 et proposées en versions speedster, tonneau et tourer, sont équipées de moteurs quatre cylindres Beaver. Parallèlement, Finley Robertson Porter, ingénieur et nouveau designer en chef, travaille sur un moteur quatre cylindres inédit et particulièrement puissant, dont la sortie est prévue pour 1911.
Mercer Model 30C Speedster, 1910 - Source : https://en.wheelsage.org Les premiers modèles Mercer En 1910, la Mercer Type 30M fait son apparition. Cette voiture de tourisme, proposée à un prix relativement abordable et dotée d'un moteur de 35 ch, met l'accent sur la qualité et la performance. En 1911, elle est rejointe par la Mercer Type 60, un modèle plus imposant, plus luxueux et plus coûteux, équipé d'un nouveau moteur quatre cylindres de 60 ch lui permettant d'atteindre 110 km/h. Ce modèle, destiné à une clientèle aisée, est produit jusqu'en 1913. Toujours en 1911, la Mercer 35R Raceabout est lancée. Ce roadster sportif biplace, dérivé de la Type 30M et pourvu du moteur de 60 ch de la Type 60, est fabriqué de 1911 à 1914.
Mercer, 1910 Le moteur conçu par l'ingénieur Finley Robertson Porter est un quatre cylindres T-head de 4 933 cm3 particulièrement puissant pour l'époque, avec une chambre de combustion à soupapes en T, lui conférant des performances exceptionnelles puisque la 35R Raceabout peut atteindre 140 km/h, une vitesse maximale rare à cette période, même pour une voiture de sport. Ces performances, associées à un moteur fiable et à un bon châssis lui assurant un équilibre optimal, lui ouvrent les portes de la compétition automobile.
Mercer, 1911 Le moteur conçu par Finley Robertson Porter, couplé à une boîte de vitesses à trois rapports, affiche un taux de compression de 6,5/1, alors que la plupart des moteurs contemporains ne dépassent pas 4,5/1 dans les meilleurs cas. Le moteur T-head équipe tous les modèles Mercer jusqu'en 1914, y compris la Type 35J, une version améliorée de la Type 35R Raceabout, offrant des performances accrues (150 km/h) et une meilleure maniabilité. D'autres variantes moins connues, telles que les Types 35M et 35O, voient le jour, avec un moteur de 5 211 cm3 et une boîte de vitesses à 4 rapports. En 1914, ces voitures commencent à être équipées de phares électriques et d'un démarreur.
Mercer, 1912 Les Mercer 35R et 35J, souvent considérées comme les premières voitures de sport américaines de luxe, ont un impact majeur sur la popularité de la marque et consolident sa réputation dans le domaine de la voiture de sport de luxe. Les publicités Mercer de 1914 affichent fièrement : " La Mercer est le Steinway du monde automobile " et " Il est possible d'enfiler une aiguille en roulant à 60 mph ", soulignant ainsi sa supériorité, notamment en matière de comportement routier.
Mercer, 1912 Les premiers succès en course En 1911, la Mercer 35R Raceabout s'illustre en compétition en remportant cinq des six courses auxquelles elle participe, ne s'inclinant qu'à la première édition d'Indianapolis. De nombreuses victoires en course suivent ce succès initial. En 1914, peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, une Mercer 35R triomphe au Grand Prix américain de Santa Monica, parcourant 649 km sans rencontrer le moindre problème mécanique. Quelques semaines plus tard, elle ajoute une nouvelle victoire à son palmarès en remportant la Corona Road Race en Californie. Forte de ses multiples succès, la Mercer 35R Raceabout, reconnaissable à son réservoir en forme de gros cylindre, à son pare-brise " monocle " et à ses sièges rudimentaires conçus pour accueillir seulement un conducteur et son passager, devient l'une des automobiles sportives les plus célèbres de la période précédant la Première Guerre mondiale. Entre 1910 et 1914, près de 800 exemplaires de la Mercer 35R Raceabout sont produits. Des pilotes de renom tels que Barney Oldfield et Ralph De Palma courent au volant de Mercer.
Mercer Model 35C Raceabout, 1910 - Source : https://en.wheelsage.org 1912 : Disparition de Washington A. Roebling Fortement impliqué dans la conception de la Mercer 35R Raceabout, Washington A. Roebling périt tragiquement dans le naufrage du Titanic en avril 1912, une catastrophe qui coûte la vie à plus de 1 500 personnes. L'ingénieur Finley Robertson Porter quitte l'entreprise en 1914 et est remplacé par Eric H. Delling, qui conçoit un nouveau moteur à culasse en L au début de la guerre. À l'instar du T-head, le moteur Mercer L-head est un quatre cylindres, mais sa puissance atteint désormais 70 ch. Il est associé à une boîte de vitesses à quatre rapports. Ce moteur équipe la Mercer Type 45, un modèle éphémère lancé en 1914. De manière plus générale, Delling modernise les Mercer en dotant les versions sportives d'un véritable pare-brise et d'une banquette digne de ce nom. De nouvelles carrosseries fermées font également leur apparition, ainsi que des amortisseurs Houdaille. Cependant, le passage de Delling chez Mercer est de courte durée, puisqu'il démissionne dès 1916, en pleine Première Guerre mondiale et au moment où les troupes américaines se préparent à s'engager en Europe contre les Allemands et les Austro-Hongrois.
Mercer, 1913 1917/1918 : Disparition de Ferdinand W. Roebling, puis de Charles G. Roebling Les années suivant le départ de Delling sont malheureusement dramatiques pour l’entreprise Mercer, puisque Ferdinand W. Roebling décède en 1917 et son frère Charles G. Roebling en 1918. Sans direction pendant plusieurs mois, un groupe d'actionnaires prend le contrôle de Mercer Motor Cars en 1919, qui devient Mercer Motors Company. Emlen S. Hare, ancien vice-président de Packard, est nommé président de la nouvelle entreprise. Malgré les ambitions de celui-ci, les années suivantes seront moins prospères pour la marque que celles d’avant-guerre.
Mercer Serie 4 Raceabout, 1919 - Source : https://en.wheelsage.org En dépit de leurs performances et leur luxe, les Mercer sont très chères et se vendent de moins en moins. En outre, la société doit faire face à de nouvelles marques concurrentes de plus en plus affutées. Face à ce nouveau contexte et aux vents contraires, Emlen S. Hare déploie une stratégie d’acquisitions de marques concurrentes, comme Locomobile et Simplex. Cette stratégie qui donne naissance au groupe Hare’s Motors aboutit à un désastre économique et financier en 1921, et le contrôle de Mercer revient alors aux premiers actionnaires de la marque dans les années 1910.
Mercer Series 4 4-Passenger Sporting, 1919 - Source : https://en.wheelsage.org 1920 : lancement de la Mercer Série 5 Sporting Après la fin de la Première Guerre mondiale, Mercer nourrit des espoirs pour son avenir, malgré l'arrivée de nouveaux concurrents et la disparition des Roebling de la direction. C'est dans ce contexte qu'émerge la Série 5 Sporting, une automobile sportive très performante héritière de la Raceabout d'avant-guerre. La Sporting se distingue par une conception novatrice pour son époque. Sa carrosserie Tourer, à la fois esthétique et aérodynamique, arbore une ligne fluide et continue du capot jusqu'à l'arrière. Son moteur est un puissant quatre cylindres de 4 887 cm³ développant 70 ch, doté de soupapes latérales et d'une culasse en L, mis au point par l'ingénieur Eric H. Delling au début du conflit. Ce moteur est associé à une boîte de vitesses à quatre rapports.
Mercer Serie 5 Sporting - Source : https://www.opera.com Les suspensions à essieux rigides et ressorts semi-elliptiques sont équipées d'amortisseurs à friction Houdaille. Seules les roues arrière sont pourvues de freins à tambour. Cependant, ce modèle est proposé à un prix exorbitant, près de vingt fois supérieur à celui d'une Ford T, ce qui explique ses ventes décevantes. Après un pic de 937 unités vendues en 1921, les ventes chutent à 336 en 1922, 153 en 1923 et seulement 48 en 1924. Malgré son échec commercial, la Mercer Série 5 Sporting a marqué l'histoire de la marque, au même titre que la 35R Raceabout dans les années 1910. Les modèles Mercer 6 cylindres, 7 cylindres, 8 cylindres et 12 cylindres A partir de 1913, Mercer élargit sa gamme en proposant des modèles équipés de moteurs plus imposants que les quatre cylindres initiaux de 1910. Cependant, leur diffusion reste limitée. La 6-70, produite de 1913 à 1914, est une voiture de luxe propulsée par un moteur six cylindres de 70 ch. La 7-50, fabriquée de 1914 à 1915, se distingue par un moteur sept cylindres (une configuration technique très rare) de 50 ch, offrant un niveau de confort accru et un design plus sophistiqué. La 8-78, produite de 1915 à 1922, connaît une diffusion plus importante grâce à son moteur huit cylindres de 78 ch.
Mercer Series 5 4-Passenger Coupe, 1921 - Source : https://en.wheelsage.org La 7-85, commercialisée de 1919 à 1922, est un modèle sept cylindres développant 85 ch, ce qui en fait le véhicule le plus puissant de la marque en 1919. La 8-88, produite de 1923 à 1925, est une huit cylindres de 88 ch encore plus raffinée et performante que ses prédécesseurs. Le chant du cygne de Mercer est la 12-85, produite de 1923 à 1925, une douze cylindres de 85 ch qui témoigne des efforts de Mercer pour se positionner sur le segment des voitures très haut de gamme, rivalisant ainsi avec les constructeurs les plus prestigieux au monde. La technologie du douze cylindres se généralise progressivement chez les constructeurs américains de voitures de luxe.
Mercer, 1922 La fin de Mercer A partir de 1923, Mercer propose un nouveau moteur six cylindres à soupapes en tête d'origine Rochester, mais l'entreprise est au bord de la faillite et toute tentative de redressement semble vaine. En 1924, les Mercer sont équipées de freins à l'avant, mais il est trop tard pour inverser la tendance. Après un total d'environ 5 000 voitures vendues, la firme Mercer cesse sa production en 1925. L'entreprise, alors sous le contrôle d'anciens membres de Mercer Motor Cars, vend son usine à la Roller Bearing Co. of America. Tous les autres actifs sont cédés à Curran-McDevitt, le concessionnaire Mercer de Philadelphie. La production, interrompue en 1924, reprend de manière sporadique à la fin de l'année et se poursuit en 1925, bien que les quelques voitures assemblées soient principalement fabriquées à partir de pièces disponibles. Mercer produit ses derniers véhicules en 1925. En 1928, la Mercer Motors Company, alors inactive, est vendue à un groupe dirigé par Harry M. Wahl. Celui-ci conclut un accord avec Elcar Motor Company et son ingénieur Mike Graffis pour la construction de nouveaux modèles Mercer. La Mercer Motors Corporation est constituée le 21 novembre 1929, quelques semaines seulement après le krach de Wall Street. Le timing s'avère malheureusement mal choisi, car une seule Mercer est achevée avant que les effets de la Grande Dépression ne mettent un terme définitif aux projets de production du constructeur. Cette unique Mercer est présentée à l'hôtel Montclair lors du salon automobile de New York de janvier 1931 et existe encore aujourd'hui. Epilogue De 1910 à 1925, Mercer a mis au point des modèles qui ont marqué l’histoire de l’automobile, notamment par leurs performances, leur qualité de fabrication et leur aspect sportif. Elle a du laisser le champ libre à des marques concurrentes comme Auburn, Bentley, Bugatti, Delage, Delahaye, Duesenberg, Hispano-Suiza, Marmon, Maybach, Packard, Pierce-Arrow, Rolls-Royce ou Stutz …
Texte : Jean-Michel Prillieux |
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