Geo, le bas de gamme japonais de la General Motors


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Geo est une marque de petites voitures d’origine japonaise commercialisées par la General Motors entre 1989 et 1997. Sa création par le géant américain était destinée à ralentir certaines importations non maîtrisées de voitures japonaises. Les Geo étaient commercialisées par les concessionnaires Chevrolet qui affichaient tous le double panonceau Chevrolet / Geo. Comme Saturn, autre marque créée de toute pièce, Geo a été un échec stratégique cuisant pour la General Motors.


La création de la marque Geo 


Dans un contexte marqué par la montée en puissance des constructeurs japonais sur le marché américain, General Motors tente une approche hybride dans les années 80. D'un côté, le groupe lance Saturn, une marque vouée à la production de voitures moyennes conçues et fabriquées aux États-Unis selon des méthodes inspirées de celles misent en œuvre par les constructeurs japonais, de l'autre, la General Motors choisit de commercialiser des modèles japonais fabriqués en Amérique du Nord ou directement importés du Japon sous l'enseigne Geo, dans l'espoir de ralentir les importations non maîtrisées. Cette stratégie à double tranchant s'avère rapidement inefficace. L'échec commercial de Geo, dont les modèles sont finalement intégrés à la gamme Chevrolet en 1997, et la fin prématurée de Saturn, qui perd progressivement son identité propre, en ne proposant que de simples Opel rebadgées, mettent en évidence les difficultés de la General Motors à concilier ces deux approches opposées. En abandonnant ces deux marques, le constructeur américain a de facto laissé le champ libre à ses concurrents japonais.


Le contexte 


Les constructeurs américains ne sachant pas vraiment faire de petites voitures économiques de qualité, la General Motors frappe à la porte de trois constructeurs japonais Suzuki, Isuzu et Toyota, pour créer une nouvelle gamme de voitures à bas prix vendues sous la marque Geo. Cette stratégie répond à la demande de Ronald Reagan, président des Etats-Unis depuis le mois de janvier 1981, qui veut relancer l’industrie automobile américaine sur de nouvelles bases, avec l’aide des constructeurs japonais.

Le message est reçu cinq sur cinq par les Big Three, qui cherchent effectivement un nouveau souffle. Les modèles repris de leurs filiales européennes, en particulier les Chevrolet Chevette (1976/1987), Ford Escort (1981/2003) et Plymouth Horizon (1977/1987) n’atteignent pas les résultats escomptés. La General Motors crée donc deux co-entreprises : NUMMI en 1984, pour New United Motor Manufacturing Inc, en partenariat avec Toyota, et CAMI en 1986, pour Canadian Automotive Manufacturing Inc, avec Suzuki. Ces usines intègrent un ensemble de philosophies opérationnelles, la base du système étant le travail en équipe selon des méthodes standardisées.


La gamme Geo 


La gamme Geo se compose des Metro (1989-1997), Tracker (1989-1997), Spectrum (1989-1989), Storm (1990-1993) et Prizm (1990-1997), des modèles respectivement dérivés des Suzuki Swift Cultus, Suzuki Sidekick, Isuzu Gemini, Isuzu Impulse et Toyota Corolla.

La Prizm est produite dans l'usine d’assemblage NUMMI installée à Fremont en Californie. Ce site construit en 1982 a d'abord fabriqué des Chevrolet Nova, puis des Toyota Corolla. La Metro et la Tracker (à partir de 1991) sont produites par la CAMI à Ingersoll au Canada. Les Spectrum et Storm d’origine Isuzu sont importées directement du Japon. Le logo de Geo est basé sur celui de Chevrolet : un contour de globe (Geo signifie " terre " en grec) avec le nœud papillon Chevrolet au centre, qui évoque une extension de la marque Chevrolet au niveau international.


1989-1997 : Geo Metro 


Après le premier choc pétrolier de 1973/1974, la General Motors décide de proposer sur le marché américain des petits modèles économiques produits par les constructeurs japonais. Il acquiert 5 % du capital du japonais Suzuki, et commercialise à partir de 1984 aux Etats-Unis sous le nom de Chevrolet Sprint, une berline Suzuki Swift Cultus produite au Japon, tout d'abord en deux portes, puis à partir de 1986 en quatre portes.

Chevrolet Sprint Sedan, 1986, importée du Japon. Sur les highway à six voies, ce type de petite voiture semble totalement perdue !

A partir de 1989, la General Motors fabrique la nouvelle génération de la Suzuki Swift Cultus, sous le nom de Geo Metro. Elle succède à la Sprint. Cette petite berline traction avant est produite dans l'usine de la CAMI aux côtés de ses sœurs jumelles Pontiac Firefly et Suzuki Cultus. La Pontiac Firefly n’est commercialisée qu’au Canada.

Longue de 3,71 mètres pour la version trois portes et 3,81 mètres pour la version cinq portes, la Geo Metro est dotée d’un moteur trois cylindres de 993 cm3 délivrant 49 ch ou 55 ch au choix. Cela en fait un modèle très compact et particulièrement économique pour le marché nord-américain. A cette époque, la plus petite des Chevrolet est la Cavalier, avec 4,54 mètres de long et des motorisations 4 cylindres 2 litres ou 6 cylindres 2,8 litres.

La Geo Metro est disponible à partir de 1990 dans une version cinq portes aux accents encore très japonais. La Metro est la voiture " américaine " la moins chère du marché.

En 1995, la Geo Metro est redessinée en même temps que les Pontiac Firefly et Suzuki Cultus. Un quatre cylindres de 1 299 cm3 de 70 ch s’ajoute au petit trois cylindres. La version cinq portes peu demandée est remplacée par une version quatre portes avec coffre.

La Geo Metro est redessinée en 1995 dans un style plus attrayant, mais là encore, il ne s’agit que d’une Suzuki rebadgée.

En 1998, après l'abandon de la marque Geo, la Metro devient une Chevrolet Metro. La production des trois petits modèles Metro, Firefly et Cultus atteint près de 100 000 unités par an entre 1990 et 1995, puis décline à 88 700 en 1996 et 55 600 en 1997. La Chevrolet Metro vivote trois ans avant de disparaître en 2001, remplacée par la Chevrolet Aveo d’origine coréenne (Daewoo).

Chevrolet Metro. La General Motors préfère reprendre la marque Chevrolet, plus porteuse de sens pour la clientèle américaine.


1989-1997 : Geo Tracker


Geo intègre à ses débuts un petit SUV, le Tracker, qui est un Suzuki Sidekick rebadgé, connu en France sous le nom de Vitara. Disponible en deux ou quatre roues motrices, il est animé par un quatre cylindres de 1 590 cm3 délivrant 80 ch. Sa longueur est de 3,62 mètres. Une version à toit découvrable est proposée sur ce modèle, comme sur la Metro. Les Tracker destinés au marché nord-américain sont produits au Japon en 1989 et 1990, en raison des retards de l'usine CAMI. Ce n'est qu'en 1991 que la production débute vraiment au Canada.

Le petit SUV Geo Tracker lancé en 1989 est un Suzuki Sidekick rebadgé, connu en France sous le nom de Vitara.

En 1996, une version cinq portes, longue de 4,03 mètres, est ajoutée à la gamme, dotée du moteur 1 590 cm3 dont la puissance est portée à 95 ch, pour compenser la hausse de poids. Comme la deux portes, sa vitesse maximale est de 154 km/h.

Le SUV Geo Tracker est disponible dans une version cinq portes à partir de 1996. Ce modèle ne survivra qu’un an sous la marque Geo.

En 1998, le Géo Tracker devient le Chevrolet Tracker. L’usine CAMI est reprise en totalité par la General Motors en 2010, pour y produire ses propres SUV, sous les marques Chevrolet et GMC. En 2022, cette usine est devenue un site dédié aux véhicules de livraison électriques de la General Motors, sous la marque Bright Drop.

Le Chevrolet Tracker est totalement redessiné en 1999. Il est commercialisé jusqu’en 2004.


1989 : Geo Spectrum 


La Geo Spectrum est le troisième modèle de la marque à sa création. Fruit d'un partenariat qui remonte à 1971 entre la General Motors et Isuzu, avec une prise de participation du géant américain au capital du constructeur japonais, cette berline trois portes de 4 mètres, ou quatre portes de 4,07 mètres, est en réalité une Isuzu Gemini rebadgée, déjà commercialisée sous l'enseigne Chevrolet depuis 1985. La génération précédente de l’Isuzu Gemini produite entre 1974 et 1984 était une Opel Kadett rebadgée. En 1985, l’échange des carrosseries a été donc été inversé, puisque la General Motors a repris à son compte une carrosserie Isuzu.

La Spectrum propose deux motorisations essence de 1 471 cm3, atmosphérique de 70 ch (160 km/h) ou turbocompressée de 110 ch (190 km/h), et se positionne au-dessus de la Metro dans la gamme Geo. Toutefois, sa carrière sous cette marque ne dure qu'une année, Geo ayant préféré opter pour un coupé, la Geo Storm.

Isuzu Gemini en plaque française. La Geo Spectrum, une Isuzu Gemini de deuxième génération (1985/1990) est disponible en versions trois ou quatre portes. Elle est retirée de la gamme Geo au bout d’un an.


1990-1994 : Geo Storm


En 1990, Geo propose la Storm, un petit coupé traction avant de 4,15 mètres de long, au style aérodynamique, doté d’un quatre cylindres de 1 588 cm3 délivrant 95 ch sans turbo (190 km/h) et 130 ch avec turbo (210 km/h). Ce modèle, qui reprend la carrosserie de l’Isuzu Impulse, est la voiture sportive de Geo.

Le coupé Geo Storm lancé en 1990 est une Isuzu Impulse rebadgée.

En 1991, apparaît une version hatchback, qui adopte une ligne de petit break. Ce modèle n’est pas disponible avec le moteur turbo. En 1992, la Storm évolue encore, avec une nouvelle partie avant et un nouveau moteur de 1 809 cm3 développant 140 ch, qui se substitue au 1 588 cm3. Comme la Spectrum, la Storm est importée du Japon, mais sa carrière est interrompue en 1994, quand Isuzu reconsidère son offre produit pour se concentrer sur les camions et les SUV. Les chiffres de ventes de la Geo Storm font état de 86 257 unités en 1990, 77 186 en 1991, 68 734 en 1992, 42 913 en 1993 et 4 869 en 1994.

La Geo Storm est disponible à partir de 1991 dans une version hatchback.


1990-1997 : Geo Prizm 


En 1990, la gamme Geo est complétée avec la berline Prizm qui se situe au-dessus des Metro et Storm, puisqu’elle reprend la carrosserie de 4,34 mètres de long de la sixième génération de la Toyota Corolla, lancée en 1987 au Japon. La Geo Prizm remplace la Chevrolet Nova, version américanisée d'une des carrosseries (Sprinter) de la Toyota Corolla de cinquième génération, disparue en 1988. Proposée en berline cinq portes et quatre portes avec coffre, la Prizm est dotée d’un quatre cylindres de 1 587 cm3 délivrant 102 ch (188 km/h) ou 130 ch (205 km/h). A partir de 1992, seule se poursuit la commercialisation de la version quatre portes.

En 1990, apparaît la berline " haut de gamme " de la marque Geo, la Prizm de 4,34 mètres de long, une Toyota Corolla de sixième génération rebadgée.

En 1993, la Prizm est totalement redessinée et s’allonge de 4 centimètres. Un nouveau 4 cylindres de 1 839 cm3 de 115 ch remplace alors le 1 587 cm3 de 130 ch. D'environ 100 000 unités par an jusqu’en 1995, la production tombe à près de 79 000 en 1996 et 63 000 en 1997. A partir de 1998, les Prizm sont vendues sous la marque Chevrolet. Les Chevrolet Prizm sont commercialisées jusqu'en 2002.

En 1993, la Geo Prizm reçoit la carrosserie de la Toyota Corolla de septième génération lancée la même année. La voiture mesure 4,38 m de long et restera la plus grande voiture de la marque.


Epilogue


La marque Geo qui a matérialisé dans le secteur industriel et commercial les accords entre la General Motors et trois constructeurs japonais n’est restée en activité que durant huit années. Cette courte expérience a tout de même permis au géant américain d’enrichir et de perfectionner son savoir-faire dans le domaine des voitures économiques, qu’elles soient compactes ou subcompactes. En réalité, la stratégie des Big Three va dès le milieu des années 70 dans le même sens, au moment du premier choc pétrolier qui renchérit substantiellement le prix des carburants.

Ford a racheté 25 % de Mazda en 1974, et lancé le développement de nouveaux modèles avec le constructeur japonais. L'aventure va se poursuivre jusqu’en 2015, date à laquelle les deux constructeurs ont décidé de poursuivre indépendamment leur chemin. Le groupe Chrysler de son côté a pris en 1985 une participation de 15 % dans Mitsubishi, après avoir commencé par importer certains de ses modèles. Cette association, qui a aussi permis de développer et de produire de nouveaux modèles en commun, a pris fin en 2011, lorsque Chrysler a été racheté par Fiat.

La collaboration de la General Motors avec Toyota a débuté en 1982, deux ans avant la création de NUMMI en 1984. Cette coentreprise visait à combiner l'expertise de production de Toyota avec les capacités industrielles de General Motors. Cette alliance stratégique s'est arrêtée en 2010 avec la fermeture de NUMMI, dont l'usine a été rachetée quelques mois plus tard par le constructeur de voitures électriques Tesla. De leur côté, Isuzu et Suzuki ont décidé de se retirer du marché américain, respectivement en 1993 et 2012.

La marque Geo a finalement été un épiphénomène des années 1980/90 dans la stratégie globale des constructeurs américains. Après s’être détachés dans les années 2010 des constructeurs japonais, les Big Three qui représentent aujourd’hui aux Etats-Unis une part de marché comparable à celle de leurs concurrents asiatiques (de l’ordre de 40 % dans les deux cas) ont décidé ces dernières années de supprimer les berlines de leur offre, et de laisser ce marché spécifique aux constructeurs japonais et coréens, pour se concentrer sur les SUV et les pick-up, des véhicules beaucoup plus rentables, et qui ont la faveur du public américain.

Pour l’instant, les constructeurs asiatiques ne sont pas encore très présents sur le marché des pick-up, et les Big Three peuvent en profiter largement. Mais qu’en sera-t-il dans 10 ou 15 ans ?

Texte : Jean-Michel Prillieux
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