Honda

Préambule

 Honda S

- S360
- S500

Honda et la Formule 1

- S600
- S800

Honda T

- T360
- T500
- TN

Honda N

- N360
- LN360
- N600 / N400 Deluxe / AT

Honda L

Honda Z

Honda Vamos

Honda 1300

- berline
- coupé

Honda Life

Honda Civic

- 1972/79
- 1979/83

Honda Accord

- coupé
- berline

Honda Prélude

Honda Quint

Honda Ballade

Soïchiro Honda se retire


Préambule


Soïchiro Honda est né le 17 novembre 1906 à Komyo, près de Hamamatsu, sur la côte Pacifique du  Japon, à 180 km de Tokyo . La famille compte déjà quatre frères et une soeur. Son père est forgeron, et dans ce Japon en pleine révolution industrielle, il est l'un des premiers en 1915 à ouvrir un atelier de réparation et de vente de bicyclettes. Le petite Soïchiro observe les nouveautés qui le fascinent : d'abord l'allumage des réverbères de la ville quand l'électricité arrive, puis un jour une Ford T qui passe par hasard dans la rue ! En classe, c'est un enfant non conformiste, doué pour le dessin et les mathématiques, et passionné par l'histoire.

A quinze ans, il quitte l'école et le foyer familial pour rejoindre Tokyo. Là, il travaille dans un atelier pour vélos et motos. Il y reste six ans. L'entreprise s'oriente vers la réparation automobile. Ayant repéré ses talents, son employeur lui propose de créer une succursale dans la région où il est né, à Hamamatsu, et d'en prendre la direction.

En 1931, Soïchiro Honda dépose un brevet pour une roue à rayons à armature en acier, au lieu du bois utilisé habituellement. Passionné par les voitures de course, il construit en 1936 un engin de sa conception équipé d'un moteur d'avion Curtis-Wright. A son bord, il est victime d'un accident quand un concurrent lors d'une compétition lui coupe la route. Soïchiro en gardera des séquelles à vie sous la forme d'une paralysie faciale partielle. Il préfère mettre un terme à sa carrière de pilote, pour se lancer dans le monde de l'entreprenariat.

Soïchiro Honda, 1906/1991

En 1937, Honda fonde sa propre société à Hamamatsu, la Tokaïa Seïki, spécialisée dans la fabrication de pistons et de segments. Mais il se rend compte qu'il a besoin de reprendre des études pour améliorer son bagage technique. A 31 ans, il s'inscrit à l'université de Hamamatsu. D'autres problèmes l'attendent quand il décide de faire grandir son affaire en passant à la grande série. Son entreprise finit par s'imposer sur ce marché exigeant. Honda devient même le principal fournisseur de Toyota, qui entre dans son capital en 1941. Une nouvelle unité de production est construite, spécialisée dans les pistons et segments pour moteurs d'avions et de bateaux. En 1945, alors que son usine vient d'être détruite par un tremblement de terre, en pleine reconstruction, il la revend à Toyota.

Soïchiro Honda s'offre alors une année sabbatique. Il prend du bon temps, découvre la campagne japonaise, la beauté de sa nature là où elle est préservée, fabrique du whisky pour lui et ses proches, joue de la flûte traditionnelle, observe ses concitoyens. Il perçoit que son pays dévasté par la guerre manque cruellement de moyens de transport simples, robustes et économiques.

La Honda Motor Company voit le jour en 1948 à Hamamatsu. L'entreprise investit le marché des motocyclettes en s'appuyant sur un stock de moteurs de récupération. Pendant la guerre, en effet, des milliers de groupes électrogènes ont été produits pour l'armée afin d'alimenter les émetteurs-récepteurs des unités militaires disséminées à travers les îles de l'archipel nippon. La jeune société achète à bas prix les centaines de groupes cédés par les autorités. Il ne reste qu'à les démonter et à les adapter sur des bicyclettes. Ces deux roues Honda sont immédiatement appréciés par la population, et deviennent une véritable manne pour Honda, prélude à une petite fortune et à un grand empire.

Soïchiro Honda est rejoint dans son aventure en 1949 par Takéo Fujisawa. Désormais, les deux compères codirigent Honda. Soïchiro détient 42 % des actions, son associé 30 %, le solde soit 28 % étant réparti entre les employés. Les deux hommes sont très complémentaires dans leur manière d'aborder les difficultés, et ils ont le même objectif de conquête. Autant Honda est volubile, chaleureux, épicurien, autant Fujisawa est pondéré et réfléchi. Le premier imagine les engins dont le public ne pourra bientôt plus se passer, tandis que le second est aux commandes de l'outil marketing et de la gestion. Ils forment un tandem redoutable.

Soïchiro Honda et par Takéo Fujisawa

Les premières productions régulières de Honda sont des moteurs de 50 et 98 cm3 prenant place sur des bicyclettes conçues par des fournisseurs extérieurs. Les éléments sont livrés séparément aux garagistes qui les assemblent. Mais ce principe à ses limites (sous capacité des fournisseurs, souhait pour ceux-ci de servir d'autres clients ...) et Honda décide de produire intégralement ses motos, qu'il s'agisse du cadre, du moteur ou des équipements.  A partir de 1959, date à laquelle Honda s'inscrit sur l'Ile de Man aux fameuses courses de motos Tourist Trophy, la firme se taille une notoriété de spécialiste de la performance dans la catégorie des 125 et 250 cm3, remportant son premier championnat du monde en 1961.

Dans les usines Honda, on applique des principes de fonctionnement nouveaux dans l'industrie japonaise. On accorde une importance majeure au point de vue du chaque collaborateur, quitte à le solliciter. Les ouvriers changent de poste de travail de manière régulière afin d'éviter la monotonie. L'initiative personnelle est encouragée. Des espaces de liberté et de détente sont créés au sein même des différents sites.

La première moto Honda, Dream Type D

Soïchiro Honda rêve de commercialiser ses propres voitures, en reprenant les mêmes armes qu'en moto, l'innovation et la compétition. Il recrute en 1958 Yoshio Nakamura, un ingénieur motoriste de talent, en charge de la recherche et du développement. Pendant la guerre, celui-ci a participé à la conception d'avions de chasse chez Nakajima, le plus important constructeur aéronautique japonais à l'époque. Après avoir travaillé après le conflit pour quelques fabricants de trois roues et de camionnettes, il rejoint Soïchiro Honda en embarquant avec lui certains de ses anciens collègues de chez Nakajima. Ainsi, il parvient à former un groupe de talentueux ingénieurs au service d'une nouvelle cause.

Contrairement à la plupart des autres constructeurs japonais qui ont débuté en collaborant avec des marques déjà établies - Datsun avec Austin, Hino avec Renault, Mitsubishi avec Kaiser ... - Honda débute seul et en toute indépendance son aventure automobile. A ce jour, il reste avec Volkswagen le seul grand constructeur au niveau mondial à avoir vu le jour après-guerre en partant de zéro.

Pour l'instant, Honda doit se plier aux exigences gouvernementales, qui limitent la cylindrée des automobiles, fixent le niveau de performance requis, la consommation de carburant, la vitesse, le prix et la durée de vie minimum. En 1959, Soïchoro Honda choisit de développer un V4 de 360 cm3 à arbre à cames en tête, refroidi par air, qu'il monte sur un premier prototype à traction avant connu sous la désignation X170.

Honda  X170, prototype

L'impossibilité de produire dans un délai court et en grande série une traction avant abordable faute de structure industrielle adaptée incite Honda à réorienter dès 1959 les développements en cours vers une propulsion. Le nouveau projet X190 correspond à une petite voiture de sport décapotable à deux places. Le moteur est un 4 cylindres à plat de 360 cm3, toujours refroidi par air. Mais dès 1960, le projet prend la forme d'un 4 cylindres refroidi par eau. La transmission se fait par chaîne comme sur les motos.

Honda X190, prototype

En 1961, le gouvernement japonais décide de faire de l'automobile un axe majeur du développement économique du pays. Cela ne peut passer que par le biais d'exportations massives. Pour ne pas s'éparpiller, il est décidé de favoriser un nombre limité de constructeurs forts, et de bloquer la naissance de nouveaux acteurs sur le marché.

Soïchiro Honda demande à ses équipes d'accélérer le développement de la première Honda de tourisme. Il faut passer sans délai du stade de prototype à celui d'un modèle de série, industrialisable en peu de temps. Il s'agit de mettre les autorités devant le fait accompli. Parallèlement, il entreprend une véritable campagne de presse, du lobbying avant l'heure, et déclare partout que si le Japon se veut démocratique, il faut qu'il laisse toute liberté d'entreprendre à ses citoyens. Comment un Etat peut-il empêcher un industriel comme Soïchiro Honda devenir constructeur automobile ? Lui qui a créé sa propre compagnie et qui participe depuis plus d'une décennie à la prospérité de son pays.


Honda S360, 1962


Honda parvient à présenter deux modèles avant que des lois restrictives ne soient votées au Parlement. Deux voitures complètement différentes ont été conçues en un temps-record, un mini utilitaire, le T360, et une petite voiture de sport, la S360.

Le roadster S360 est exposé au Salon de Tokyo en 1962 dans une teinte grise métallisée. Sa carrosserie est en aluminium, et non plus en matériaux synthétiques comme sur le prototype X190. La voiture est légère, 510 kg. Avec son 4 cylindres de 356 cm3, sa longueur de 2,99 mètres et sa largeur de 1,295 mètre, elle s'inscrit dans la catégorie des keijidōsha à la fiscalité allégée. La S360 surprend par la faiblesse de son porte-à-faux arrière. Son quatre cylindres qui doit beaucoup à la technique moto développe 33 ch SAE au régime impressionnant de 9000 tours par minute. Le compte-tours est gradué jusqu'à 14 000 tours ! La transmission aux roues arrière s'effectue par chaîne, avec l'appui d'une boîte de vitesses à cinq rapports. Ce modèle ne sera jamais commercialisé.

Honda S360, prototype


Honda S500, 1962/64


Sur le même stand du Salon de Tokyo 1962 trône un roadster S500 rouge de 492 cm3. On a compris chez Honda qu'il faut proposer plus de puissance. Avec 40 ch SAE à 8000 tr/mn, la S500 paraît plus homogène que sa petite soeur. Cette performance de 80 ch SAE au litre est peu ordinaire dans le milieu automobile. Mais on relativise cette donnée quand on connaît les rendements obtenus par Honda sur ses motos. Le traitement de l'habitacle est identique sur les deux voitures, si ce n'est que le compte-tours de la S500 s'arrête à 11 000 tours par minute. La presse étrangère est  comme subjuguée par ces deux roadsters, mais l'ensemble paraît pour le moment plus relever de la production à l'unité que de la série.

A partir de 1962, la société Actif importe en France des motoculteurs Honda. La succursale Honda France est fondée en 1964. A cette époque, on ne parle pas encore d'invasion japonaise. Le pays s'affiche dans la mémoire collective comme celui qui a subi à deux reprises le martyre du désastre nucléaire. Pour l'heure, le Japon est surtout réputé pour ses transistors, appareils photo, mini téléviseurs et tourne-disques. Ses automobiles restent méconnues.

Honda S500, premières photos officielles en couleur, début 1964

José Rosinski essaye en " exclusivité " mondiale un des prototypes de la S500 dans le numéro 17 de Sport Auto paru en juin 1963. Il situe Honda sur le marché :

" La réputation de la marque Honda en motocyclettes n'est plus à faire. Nos lecteurs connaissent certainement le palmarès sportif de l'usine japonaise dont les succès ne se comptent plus depuis qu'elle est entrée dans la compétition. Mais ce qui est maintenant évident, c'est que sa participation sportive était le prélude à une offensive concertée sur le marché mondial de la moto. Et c'est ainsi qu'aujourd'hui, Honda est le plus gros fabricant de deux roues. Des bruits persistants, qui sont maintenant une quasi-certitude, indiquent qu'une voiture de Formule 1 verrait le jour l'année prochaine. C'est sans aucun doute le signe avant-coureur d'une nouvelle offensive sur le marché automobile cette fois. Cette supposition est étayée par l'apparition du prototype 500 Sport, que les dirigeants de la firme japonaise ont aimablement mis à notre disposition sur le circuit de Suzuka, à l'occasion de notre visite au Japon. "

Puis il rend compte de son essai :

" L'usine japonaise a réalisé une base extrêmement saine, à partir de laquelle une très bonne voiture de sport pourra être réalisée. D'ores et déjà, sa principale option paraît être sa cylindrée. S'il faut complimenter M. Shimizu (ndlr : l'homme qui a dessiné le moteur) pour le rendement et l'agrément de son moteur, il faut aussi l'encourager à en augmenter la cylindrée. Le freinage devra, lui aussi, être amélioré nettement. La Honda 500 représente un curieux compromis  entre la coûteuse perfection mécanique : moteur à très haut rendement, suspension perfectionnée, et la recherche d'un bas prix de revient : très petites dimensions générales, économies draconiennes telles que première non synchronisée, freins tambours. Ce modèle devra se révéler un redoutable concurrent pour les constructeurs européens de petites voitures de sport de grande diffusion ".

La Honda S500 de série est vendue à partir du Salon de Tokyo en octobre 1963. Elle a gagné 1,35 cm en largeur. Sa cylindrée est portée à 531 cm3 et sa puissance à 44 ch SAE. Sur le plan technique, Honda innove dans un secteur industriel qui reste frileux :  moteur aluminium au rendement exceptionnel, suspensions élaborées, carters en aluminium renfermant les chaînes. Esthétiquement, la petite japonaise ne manque pas d'allure. Elle n'a rien à envier aux modèles européens. Ce sont 1 363 voitures qui sont produites en 1963 et début 1964. Aucun programme d'exportation n'étant encore établi, ces S500 ne sont commercialisées que sur le territoire japonais. Cela n'empêche pas Honda d'exposer de nouveau au Palexpo de Genève 1964.


Honda et la Formule 1


Pour Honda, l'autre moyen pour faire plier le gouvernement est de se lancer en compétition automobile. Si le constructeur parvient très vite à obtenir des succès significatifs en Formule 1, aucune autorité ne pourra alors lui couper l'herbe sous les pieds sans paraître ridicule. Soïchiro Honda révèle ses ambitions au cours d'une interview réalisée par un journaliste allemand lors du Salon de Tokyo. Cette information est reprise par la presse mondiale et fait l'effet d'une bombe dans le milieu automobile. Mais maintenant, pour rester crédible, et l'ensemble de la société avec, il faut être capable de produire les T360 et S500, et surtout de fabriquer un moteur de course qui puisse faire bonne figure en Formule 1.

En France, la presse parle encore peu de Honda. Mais la firme entretient d'excellents rapports avec Gérard Combrac, fondateur du tout récent mensuel Sport Auto. C'est donc tout naturellement que l'on retrouve dans ce magazine les premiers échos au sujet des automobiles Honda. Les Japonais sollicitent les conseils de Gérard Combrac afin d'approcher des fabricants de châssis " qui tiennent la route " ! Le journaliste français permet à l'équipe japonaise de rencontrer les gens de chez Brabham, Lotus, Cooper et Cosworth. C'est finalement Colin Chapman qui est retenu pour travailler avec les ingénieurs nippons afin d'intégrer le moteur Honda dans la future monoplace. Jim Clark, pilote Lotus, est prévu pour mener à la victoire cette Lotus-Honda.

Tout semble se dérouler comme prévu quand en janvier 1964 Honda reçoit un télégramme de Colin Chapman, qui annonce au constructeur japonais la fin de leur collaboration. Lotus, soutenu par Jaguar, prétend être obligé d'utiliser des moteurs Coventry Climax depuis le récent rachat de Climax par Jaguar. Les hommes de chez Honda ressentent un fort sentiment de trahison. Ils doivent désormais rattraper le retard issu de cet abandon en rase campagne, en devenant eux-mêmes constructeur de châssis et en se mettant en quête de pilotes.

Page de couverture d'un catalogue Moto Honda

Les recherches se concentrent sur le continent américain. En 1964, il s'agit du premier marché à l'exportation de Honda, et il paraît important d'engager un pilote local. Le nom de Phil Hill, champion du monde des conducteurs en 1961 est évoqué, mais en cas de victoire, les succès seraient plus facilement imputés au talent du pilote qu'aux qualités de la voiture.

L'équipe d'Honda America est donc missionnée pour trouver l'oiseau rare. Parmi une liste de jeunes talents qui commencent à se faire un nom, c'est celui de Ronnie Bucknum qui est retenu. Il s'agit d'un Californien de 28 ans, géomètre de métier, qui le week-end venu, se transforme en redoutable pilote amateur sur son Austin Healey. Il a remporté toutes les courses qu'il a disputées durant les saisons 1962 et 1963.

Bucknum lorsqu'il est contacté croit d'abord à un canular monté par l'un de ses amis. Mais il doit se rendre à l'évidence. Il vient d'être choisi pour piloter la Formule 1 de Honda, le constructeur de motos qui truste les victoires en deux roues. Lors des premiers essais, Bucknum affole les chronos. Il fait mieux que Jack Brabham, le pilote consultant sur ce projet, qui sur le tracé de Suzuka la veille a tourné en plus de deux secondes que Bucknum au tour.

Ronnie Bucknum

Les ingénieurs de Honda ont conçu une voiture qui s'inspire des solutions qui ont fait leurs preuves sur les Lotus. Le 12 cylindres maison développe 230 ch à 12 600 tours par minute. Le petit monde de la Formule 1 observe avec curiosité les préparatifs des Japonais. La presse spécialisée en fait même un feuilleton. En mars 1964, le magazine britannique Autosport publie une photo volée de la F1 Honda.

La voiture type RA 271 apparaît enfin officiellement à mi-saison lors du GP d'Allemagne sur le Nürburgring, dans une livrée blanche frappée du rond rouge nippon. Elle arbore le numéro 20. Ce circuit est déjà mythique avec sa piste de presque 23 kilomètres et 173 virages qui se déroulent depuis 1925 dans le massif de l'Eifel. La RA 271 termine hélas dans un ravin après une casse de la direction, sans dommage majeur pour Ronnie Bucknum.

La couverture du catalogue Honda au Salon de Tokyo 1967 puis 1968

Pour 1965, ce sont deux voitures qui sont engagées. Le second pilote est Richard Paul Ginther, surnommé Richie Ginther. Ancien pilote Ferrari et BRM, il apporte à Honda ce que Bucknum ne peut pas encore posséder, l'expérience. Il est reconnu pour sa science de la course et son esprit analytique. Honda remporte sa première victoire en Formule 1 lors de la dernière course de la saison 1965 à Mexico. Ce même jour, Bucknum savoure sa troisième place. En 1966, les deux pilotes ne participent qu'à trois courses, sans grands résultats.

En juillet 1968, la mort de Jo Schlesser à bord d'une Honda RA 302 sur le circuit de Rouen-les-Essarts jette en France un discrédit sur la marque. Le pilote à l'issue d'une sortie de route s'est retrouvé coincé à bord de sa monoplace en feu. Il venait pourtant de profiter pour la première fois de sa carrière de la possibilité de piloter une F1 devant son public. Soïchiro Honda pensait qu'il avait là une carte à jouer pour son image dans l'Hexagone en faisant courir un Français sur un circuit français. Ce jour cruel, son coéquipier John Surtess a préféré la RA 301 qu'il jugeait moins dangereuse. A la fin de la saison, Honda préfère se retirer de la compétition. Il ne reviendra en F1 qu'en 1983.

Jo Schlesser à bord de sa Honda RA 302. Il se tuera au troisième tour de circuit.


Honda S600, 1964/65


Honda présente en mars 1964 la S600. La carrière de la S500 n'aura pas dépassé cinq mois. Visuellement, en dehors des préséries qui conservent l'aspect de la S500, on remarque une grille de calandre plus basse, avec sept barres chromées horizontales et six verticales, contre trois et quatre. Le pare-chocs avant désormais courbé s'adapte à ce nouveau dessin. Par augmentation de l'alésage la cylindrée est portée à 606 cm3 et la puissance à 57 ch SAE.

Honda S600

Avec la S600, Honda change de braquet. Alors que les premières Honda S500 furent produites sur le site de Yamoto, là où siège aussi le service de R & D, le démarrage en série de la S600 s'effectue à Sayama. Soïchiro Honda a vu grand. Cette usine doit être en capacité de sortir 1000 voitures par jour pour à brève échéance partir à la conquête du monde. Un coupé est proposé parallèlement au cabriolet dès février 1965. Il reprend l'essentiel des emboutis de la version ouverte. Un petit hayon permet d'accéder au coffre.

Honda S600

Honda n'a jamais participé au Salon de Paris. C'est donc la surprise en octobre 1965 quand un peu perdu au milieu des petites marques il présente dans la capitale deux S600, un coupé blanc et un cabriolet rouge. Aucun prix n'est communiqué, les voitures n'étant pas encore homologuées. Le coupé aux lignes séduisantes évoque - de loin - une Jaguar type E en réduction. Les deux voitures suscitent un réel engouement de la part du public. Les mieux informés savent que Honda n'est pas tout à fait le premier constructeur japonais à prendre pied en France. Hino qui entretient d'excellentes relations avec Renault sur le plan technique a déjà diffusé quelques exemplaires de sa Contessa. Mais pas avec le même sens du spectacle !

Au cours de l'année 1966, la petite équipe d'Honda France travaille à la présentation de la S600 aux Mines et à la constitution d'un véritable réseau de concessionnaires disposant d'une bonne assise financière et qui soient sensibles aux charmes du roadster nippon. La voiture est finalement homologuée dans l'Hexagone en juillet 1966, mais avec des restrictions qui le lui permettent pas d'être vendue à plus de cinquante unités par an.  Seules cinq voitures sont finalement immatriculées.

Honda S600

La S600 est un succès à l'échelle de ce qu'est Honda à l'époque. Sur le marché restreint des petites voitures de sport, 11 284 cabriolets et 1 800 coupés sont vendus de mars 1964 à août 1966. Plutôt que d'éparpiller ses efforts, le constructeur japonais s'est concentré sur trois pays porteurs et accessibles, l'Australie, le Canada et la Suisse.

Honda S600


Honda S800, 1965/70


Quatrième évolution du coupé S, la S800 est exposée au Salon de Tokyo en octobre 1965, à la fois en cabriolet et en coupé. Elle offre une mécanique plus généreuse de 791 cm3 et 78 ch SAE qui autorise une vitesse de pointe supérieure à 160 km/h. Après avoir ciblé quelques pays, Honda a maintenant l'ambition de s'attaquer massivement aux différents marchés européens, puis à celui des Etats-Unis. Seules les populations de ces pays au pouvoir d'achat conséquent peuvent lui permettre d'accéder à une véritable dimension internationale. 

Honda S800 Mk I

La S800 est visible Porte de Versailles en octobre 1966 au prix accrocheur de 9 990 francs. Cette fois, elle est dûment homologuée. Rouler à 160 km/h pour moins de 10 000 francs relève alors de l'exploit. Avec ses 5 CV fiscaux, la S800 est très avantageuse. Un coupé Simca 1200 S vaut 13 850 francs et une Matra Djet 17 200 francs, en n'offrant que 10 km/h de plus. Par rapport à la S600, la calandre présente un nouveau dessin simplifié avec deux clignotants rectangulaires.

1000 commandes auraient été signées avant la fin de l'année. Honda est victorieux sur tous les fronts : en course automobile, en course moto, et les ventes explosent chez les concessionnaires. La S600 et la S800 sont assemblées parallèlement sur les chaînes japonaises pendant quelques mois. Les deux premiers pays à recevoir la S800 sont la France et la Suisse. On distingue trois générations de S800 : décembre 1965 à mai 1966, mai 1966 à décembre 1967 et décembre 1967 à mai 1970.

Franquin introduit la S800 dans les Aventures de Spirou et Fantasio, où elle remplace la Turbotraction II. Fournier la reprend des mains de Franquin, et la maintient même après la fin de sa fabrication.

Le modèle initial conserve une transmission par chaîne, une technique qui reste onéreuse et délicate à régler. 757 cabriolets et 240 coupés sont ainsi produits à destination du marché japonais. Sur la S800 de mai 1966, rétrospectivement dénommée Mk 1, la transmission par chaîne est abandonnée. La S800 est une voiture abordable pour la jeunesse, ses lignes plaisent, elle va vite. C'est la voiture à la mode. Ce sont 1 848 cabriolets et 4 267 coupés Mk 1 qui sont produits. Honda ne parvient pas à satisfaire la demande eu Europe, les délais de livraison s'allongent, si bien que certains acheteurs parviennent à revendre après quelques mois d'utilisation leur S800 plus chère qu'une neuve.

L'Auto Journal dans son numéro spécial Le Salon de l'Auto 1967 donne son opinion sur la S800 :

" Ce petit engin trapu, à la silhouette plus attrayante que réellement gracieuse, est un rappel éclatant de ce que la compétition peut apporter à la voiture de série. Techniquement, son moteur est assez surprenant ; il atteint une puissance au litre presque double de celle des moteurs modernes européens ; il est vrai que sa vitesse de rotation est également augmentée dans les mêmes proportions et qu'il y a quand même de quoi en demeurer, sinon inquiet, du moins rêveur. ... Quant à la tenue de route, on sent à quel point la Honda a été étudiée par des gens venant plus ou moins de la compétition. La S800 jouit d'un équilibre assez remarquable et l'on peut, à volonté, la faire déraper de l'avant ou de l'arrière ; sa stabilité au freinage est très bonne ... C'est dans le domaine du confort que les critiques sont les plus vives : la suspension sèche n'est pas aidée par des sièges trop durs et l'habitabilité est suffisante, seulement pour des personnes de taille moyenne ... "

Honda S800 Mk I

En 1967, Honda fait étudier par  une de ses filiales liée à la R & D une version sportive produite en nombre limité, proposée sous la forme d'un coupé avec hardtop amovible. Elle est présentée au Salon de Paris en octobre. La S800 Racing est munie de jantes en magnésium. Les pare-chocs sont absents pour gagner des kilos. Son châssis est renforcé. Pour autant, le poids est réduit à moins de 700 kg. Au programme : vilebrequin allégé et équilibré, arbres à cames plus pointus, quatre carburateurs CR, pistons haute compression à double segmentation, etc ... La cylindrée est portée à 818 cm3. La puissance du moteur est impressionnante, 103 ch SAE, soit 130 ch SAE au litre. La S800 Racing atteint 185 km/h. Elle coûte trois fois le prix d'une S800 " de base ", mais c'est une véritable bombe en slalom ou sur les courses de côtes, où elle se taille un palmarès enviable.

Honda S800 Mk I

La troisième version connue sous la désignation Mk II se différencie par ses clignotants plus imposants sur la calandre et la présence de feux sur les ailes avant. Bien que ces détails d'équipements répondent aux normes US, Honda a finalement renoncé à ce marché pour la S800, car il estime ne pas encore disposer d'un réseau suffisamment étoffé pour la vente et l'entretien. On compte 3 242 coupés et 757 cabriolets produits en version Mk II.

Honda S800 Mk II

Honda France peine à suivre la cadence imposée par un succès commercial certain. C'est l'envers terrible du décor. Le réseau trop faiblement structuré manque de compétences techniques et l'approvisionnement en pièces détachées s'avère laborieux. A ses débuts, Honda France ne dispose d'aucun stock conséquent. La situation va progressivement s'améliorer, mais cela n'empêche pas l'immobilisation de nombreux véhicules pendant plusieurs mois. La leçon à retenir est claire : la naissance d'une nouvelle marque automobile suppose des moyens et une organisation au point. La S800 est produite à 11 406 exemplaires, dont un quart environ a pris la direction de la France. Elle s'incline en 1970, laissant derrière elle une image quelque peu sulfureuse.


Honda T360, 1962/1967


Pour amortir des investissements massifs, il faut assurer du volume. Et ce ne sont pas un roadster et un coupé encore plus marginal qui peuvent à eux seul faire vivre une entreprise comme Honda. Takeo Fujisawa est persuadé qu'une demande reste insatisfaite sur le marché des petits utilitaires légers. Le T360 est le premier véhicule introduit par Honda sur le marché en juin 1963, soit six mois avant la S500. Cet utilitaire utilise le châssis et le moteur quatre cylindres 356 cm3 du prototype de la S360. C'est un détonnant mélange qui voit l'association d'un moteur de voiture de sport au rendement exceptionnel et d'un petit camion ! Le  T360 peut supporter 350 kg de charge et rouler à 100 km/h. Parmi les premiers clients, on note la présence des revendeurs de motocyclettes Honda dont près d'un million circulent déjà dans le monde !

Honda T360

Au premier coup d'oeil, on remarque un très large " H " bombé sur le capot avant en plastique du T360. Il s'agit là d'un exploit technique remarquable pour l'époque. Le moteur est accessible en soulevant la banquette à l'intérieur de la cabine. Cette implantation permet de libérer de l'espace dans l'habitacle et d'augmenter la capacité de chargement. On ne se prive pas d'être ingénieux chez Honda. Un total de 108 920 T360 sont assemblés jusqu'en août 1967, tous peints dans la même teinte bleu ciel.

Honda T360
 


Honda T500, 1964/1967


Le T500 vient le seconder en septembre 1964. Avec cet utilitaire plus étoffé, Honda a des ambitions à l'exportation. Le moteur est le 531 cm3 de la S500, mais avec une puissance ramenée à 38 ch SAE. Détail surprenant, les phares restent en place quand le capot avant est soulevé. Il ne s'agit plus d'une keijidōsha. Cette contrainte éliminée, le constructeur en profite pour ajouter 20 cm en longueur derrière l'essieu AR. Le T500 peut porter jusqu'à 400 kg de charge. Il file à 105 km/h. Il totalise 10 226 exemplaires fabriqués jusqu'en novembre 1967. Une seule teinte est disponible, un vert olive.

Honda T360 et T500


Honda TN, 1967/1977


Le Honda TN plus moderne d'aspect succède en 1967 aux T360 et T500. Le TN360 devient TNIII en 1970, TNV en 1972 puis TN7 en 1975. Cela sera le dernier véhicule Honda à refroidissement par air. Populaire au Japon, peu onéreux à l'achat et économique à l'usage, il permet aussi à Honda de prendre pied dans plusieurs pays en voie de développement. En 1977, il est remplacé par l'Acty. 

Honda TNV


Honda N360, 1966/1974


Le projet N prend corps alors que Honda vient de débuter la commercialisation des séries T et S. Il s'agit de proposer une petite voiture populaire, simple à produire et à entretenir, moderne et performante. Pour le président et fondateur de Honda, la traction avant s'impose désormais comme une évidence. La N360 est présentée au Salon de Tokyo le 26 octobre 1966. L'affluence à cette manifestation est record, avec près de 1,5 million de visiteurs. La N360 est disponible en concession à partir de mars 1967. Le moteur 2 cylindres de 354 cm3 est dérivé de celui de la moto CB 450 dite Black Bomber, avec un alésage réduit. Comme c'est l'usage chez Honda, il revendique un rendement très élevé, avec dans sa version de base 31 ch SAE à 8000 tr/mn. La N360 pèse moins de 500 kg.

Honda N360, " pour snober enfin tous les snobs ", selon un argument développé dans une brochure

Les choix techniques dans la conception de la N360 aboutissent sur le plan pratique à des résultats proches de ceux de la Mini BMC, avec des roues qui se trouvent comme sur cette dernière reléguées aux quatre angles de l'engin. L'anglaise mesure 3,05 mètres de long, contre 2,99 mètres pour la japonaise. Quatre adultes de taille moyenne peuvent prendre place à bord. La banquette arrière se rabat au besoin pour absorber des objets encombrants, une praticité que n'offre pas la Mini.

Avec si peu d'espace, l'inspiration des stylistes ne semble pas pour autant avoir été bridée. Ils ont dessiné une silhouette bien proportionnée et agréable à l'oeil. La face avant avec ses extrémités évasées symbolise même une esquisse de sourire. L'Autobianchi A112 de 1969 qui répond à un cahier des charges assez proche ressemble terriblement à la N360.

Honda N360

Autobianchi A112

Les performances et l'habitabilité sont proches de celles de la voiture britannique. Pourtant, la N360 n'est facturée en France que 5 990 francs en 1968, quand il faut débourser 7 590 francs pour la Mini. Honda vante sur notre territoire une fiscalité limitée à 2 CV fiscaux pour une auto qui affiche la puissance d'une 5 CV.

6 950 N360 trouvent preneur dans l'Hexagone jusqu'en 1971, dont 4 717 sur la seule année 1968. Ce succès spontané est bien entendu facilité par le manque de voitures neuves françaises disponibles en raison des conflits sociaux. Honda profite opportunément du climat agité pour doper les ventes de sa N360, bon marché et immédiatement disponible. De lignes séduisantes, elle bénéficie en outre de l'aura de la S800 alors au sommet de sa gloire.

Honda N360

La S fait parler d'elle. La réputation des motos Honda n'est plus à faire. La participation récente dans le Championnat du Monde de F1 est une réussite, même si le chemin s'annonce encore long pour rejoindre les plus grands. Un évènement vient cependant perturber l'histoire d'Honda en France courant 1968. La N360 fait en effet l'objet d'une opération de rappel, une pratique alors inconnue dans notre pays, pour remédier à quelques défauts de jeunesse. Cet incident ne fait hélas que confirmer la réputation naissante de fragilité des Honda.

Afin de faire oublier les soucis rencontrés et de redorer son blason, la filiale française réoriente ses campagnes publicitaires sur la notion d'après-vente. Le personnel des 150 concessionnaires qui maillent le territoire est formé au sein d'une école interne. En attendant, en 1968, Honda est devenu en peu de temps le dixième importateur automobile en France, très loin devant ses concurrents japonais qui ne connaissent que des débuts balbutiants. Au Japon, le constructeur s'est hissé au septième rang.

La Honda N360 offre près de 50 % de plus de puissance que ses concurrentes locales Daihatsu Fellow, Suzuki Fronte 360, Mazda Carol, Subaru 360 ou Mitusbishi Minica. Celles-ci ont plutôt été conçues à l'économie à destination du marché intérieur. Aucune d'entre elles n'a jamais vraiment affiché de prétentions à l'exportation. Vendues depuis plusieurs années, elles accusent déjà leur âge, tandis que la Honda paraît plus pimpante et plus apte à conquérir le monde.

Daihatu Fellow, 1966/1970

Suzuki Fronte 360, 1967/70

Mazda Carol, 1962/1970

Subaru 360, 1958/1971

Mitusbishi Minica,  1962/69

La production sur le nouveau site industriel de Sayama intègre des modes de gestion des flux innovants. Grâce notamment au Kan-Ban dont Honda est l'un des précurseurs, les stocks sont quasi inexistants. Avant la N360, les séries S et T ont permis de roder ce type de fonctionnement.

La N360 bénéficie en janvier 1970 d'une toute nouvelle face avant


Honda LN360, 1967/1971


Dans l'esprit de la Mini Van, Honda dérive de la N360 une version break dénommée LN360, jamais importée en France. Elle se distingue par un arrière plus carré, plus volumineux, et par la présence d'une troisième porte. Il possède exactement les mêmes caractéristiques que la berline N360.

La peu commune version LN360 Delivery Van


Honda N600 / N400 De Luxe / AT, 1968/1974


La N360 n'était qu'une étape. Si les S ont été des voitures " image " dont on ne pouvait pas raisonnablement espérer de grands volumes, Honda a bien l'intention d'élargir la diffusion de la N sur tous les continents, et pour ceci le constructeur étudie une mécanique plus étoffée. Un prototype N500, version européenne de la N360, est présenté à Genève en mars 1967. Il reste sans suite. Mais en fin d'année au Salon de Paris 1967, tous les regards s'orientent vers la nouvelle N600, plus puissante. C'est le nouveau cheval de bataille de Honda dans le milieu des petites voitures urbaines.

Honda N600

La N600 n'est pas commercialisée dans son pays de naissance. Identique dans son aspect à la N360, cette 598 cm3 de 45 ch SAE - lors de sa présentation - affiche un poids de 550 kg. Avec un rapport poids/puissance peu commun, elle flirte avec les 135 km/h. Classée dans les 3 CV fiscaux, elle égale en performances plusieurs berlines 6/7 CV réputées. En comparaison, la bien nommée 3 CV de Citroën avec son poussif bicylindre de 26 ch SAE ne dépasse pas les 110 km/h.

En 1970, Honda France choisit de simplifier son offre avec un seul modèle, la N600 Touring : 38 ch SAE et 128 km/h

En France, après une année 1968 extraordinaire sur le plan commercial, tous les indicateurs passent au rouge en 1969 chez Honda, alors même que l'économie française connaît une reprise vigoureuse. Les ventes de N360 et S800 baissent presque que de moitié. Seule la N600 assure un certain volume d'affaire. L'image des Honda est fragilisée, le vent tourne.

L'importateur réagit en proposant la N400 LeLuxe mieux finie qui séduit 320 acheteurs en 1969 et 1970, puis les 360 AT et 600 AT à boîte automatique. Sur celles-ci, deux possibilités de conduite sont offertes parallèlement : l'automatisme intégral ou le mode semi-intégral. Pour utiliser au mieux les possibilités du moteur, il est possible de sélectionner manuellement et consécutivement chacun des trois rapports, sans avoir à débrayer ou à embrayer. 

Honda N600 AT

L'hémorragie se poursuit hélas en 1970 avec une diffusion encore divisée par trois. En 1971 seule la N600 Touring permet d'assurer la présence du constructeur dans l'Hexagone. Parallèlement, la concurrence japonaise des Datsun et Toyota se fait de plus en plus menaçante. Mazda propose aussi des produits décalés avec ses autos à moteur rotatif. La N600 dans sa globalité s'est vendue à 6 570 exemplaires en France de 1968 à 1974. Les 2/3 des affaires se sont concentrées sur les années 1968 et 1969, confirmant bien un effet de mode.

L'importateur Italien pour faire connaître la marque commande à Zagato un amusant buggy. Le styliste Ercole Spada s'inspire de la Fiat 500 Zanzara pour réaliser la Hondina Youngstar.


Honda L, 1965/1966


La Honda L700 est un petit break proposé à partir d'octobre 1965. Elle reprend le moteur de la S600 dans une version moins puissante. C'est à la fois un utilitaire classique destiné aux entreprises et une voiture de tourisme qui peut accueillir cinq personnes à son bord. Trois versions sont proposées, la LA700 de base, la LM700 mieux équipée, et la P700 sous forme de pick-up. Dans tous les cas, la charge utile est de 400 kg. 12 763 L700 et 1 328 P700 sont produites sur un an.

Honda L700

La L800 succède à la L700 au Salon de Tokyo 1966. Assemblée pendant quatorze mois, elle adopte le quatre cylindres de la S800, avec une puissance ramenée à 58 ch Din. Elle est comme le L700 disponible dans les versions LA, LM et P. La production totale s'élève à 7 275 L800 et 1 079 P800. 

Honda P800


Honda Z, 1970/1974


La Z présentée en novembre 1970 (comme la Vamos) permet à Honda d'affirmer toute sa capacité créative et de propager sur le marché " l'esprit " Honda. A l'époque, le constructeur étudie dans le secret de son bureau d'études son futur grand coup - la Civic - mais pour l'heure, il s'agit de tenir avec des véhicules à l'image forte, même si les volumes ne sont pas au rendez-vous. La Honda Z correspond parfaitement à ce cahier des charges.

Elle  reprend les motorisations 356 et 598 cm3 bien connues. Seule cette dernière est exportée. La  Honda Z arbore de nouvelles formes toutes en rondeurs, une face avant plus plongeante - on retrouvera ce dessin sur la Civic -, une surface vitrée latérale traitée comme sur un coupé sportif, des teintes chatoyantes, et surtout une partie arrière sans porte-à-faux avec une lunette arrière au dessin inédit en forme d'écran de télévision, entourée d'un énorme bourrelet noir.

Honda Z

Alors que la N séduit une clientèle essentiellement féminine et bourgeoise, la Z se veut plus jeune d'esprit. A l'intérieur, les détails sont soignés : volant trois branches, sièges au dessin attrayant, instrumentation complète et très lisible. Tous ces détails respirent un réel souci de finition, un cran au-dessus de ce que peut proposer la concurrence. L'équipement n'est pas en reste , avec un double circuit de freinage, un lave-glace, des essuie-glaces à deux vitesses et un phare de recul. Ce n'est pas courant à l'époque sur une 3 CV.

En 1972, Jean De Mesmaeker, dit Jidéhem, essaie la Z pour Spirou

La Honda Z offre un aspect très " cartoonesque "

Plus chère que la N600 dont la carrière se poursuit parallèlement, la Z600 assume un côté plus élitiste, plus snob que sa soeur de gamme. Toutefois, elle n'a aucune prétention sportive, contrairement à la Mini qui navigue dans la même catégorie, et qui dispose d'une version Cooper. D'ailleurs, son bruit de crécelle, un cliquetis façon Ami 6, finit par agacer certains de ses propriétaires. La Z600 n'évoluera que très peu durant sa courte carrière. 

En France la nouvelle venue franchit avec lenteur les étapes administratives de l'homologation par série, celle-ci n'intervenant qu'en février 1972. Elle n'y est diffusée qu'à 918 exemplaires jusqu'en 1974. C'est peu, mais l'essentiel à défaut de générer des ventes importantes est de garder le contact avec le marché en attendant l'arrivée de la Civic.

Extrait de la brochure Honda Z : " La Honda Z est comme une jolie femme. Quand elle passe, elle fait se retourner les hommes et les enflamme. Et quand un homme se pique pour une jolie femme, c'est comme pour une voiture. Il est avide de détails. Il veut tout voir. Tout éprouver. Avec la Honda Z, c'est facile. Beaucoup plus facile qu'avec une jolie femme ".

Honda Z

En 1972, Honda est en France relégué au troisième rang des importateurs de voitures japonaises. Mazda n'a pas su imposer son moteur rotatif, et est rentré dans le rang avec des modèles plus classiques. Nissan qui vend ses voitures sous la marque Datsun, diffuse sans mal la petite Cherry 100A, tandis que Toyota impose sa berline Corolla et son séduisant coupé Celica. Honda continue de payer cher son originalité, en attendant mieux. Au plan mondial, Honda est devenu le quatrième constructeur japonais, et la N600 s'est hissée en 1972 à la troisième place des modèles les plus vendus au Japon.


Honda Vamos, 1970/1973


Si les brochures publicitaires la montre volontiers dans un milieu agricole ou en tenue kaki, la Vamos dévoilée en novembre 1970 semble tout aussi à l'aise en bord de mer que dans les champs. En France où elle n'a jamais été importée, elle aurait pu rivaliser sans peine avec la Mini Moke, la Renault 4 Plein Air, la Rodéo ou la Citroën Méhari. Pour bien affirmer sa double vocation utilitaire / loisirs, la Vamos est dépourvue de portière. On la croirait sans peine sortie d'un atelier italien tel que Fissore, Moretti ou Savio.

Honda Vamos

Au choix du propriétaire et selon les besoins du moment, la Vamos peut être utilisée en deux ou quatre places assises, réduisant d'autant la surface disponible dans la benne. Motorisé avec le 356 cm3 Honda refroidi par air, elle n'a été produite qu'à environ 2 500 exemplaires en trois ans.

Honda Vamos


Honda 1300 berline, 1968/1973


Pour élargir sa clientèle, Soïchiro Honda, qui est à la fois le PDG de son affaire et l'ingénieur en chef, lance au milieu des années 60 l'étude d'une berline moyenne gamme de quatre portes - une première pour la marque - qui possèderait les performances d'une deux litres et la consommation d'une 1000 cm3. Sobrement baptisée 1300, elle est présentée au Salon de Tokyo le 21 octobre 1968, quelques semaines après la disparition tragique de Jo Schlesser. Sa production débute en mai 1969, le temps de repenser certains détails de son aspect. 

Elle présente des formes très classiques, pour ne pas dire banales comparée à la N600 contemporaine bien plus " fun " d'aspect. La berline 1300 ne laisse en rien transparaître sa sophistication technique. En effet, son 4 cylindres 1298 cm3 de démérite pas : arbre à cames en tête, culasse et bloc en alliage léger, régime élevé et refroidissement par air selon la volonté du patron. Ses performances la rapprochent des Alfa Romeo 1300 TI ou Lancia Fulvia GTE. Les trois voitures proposent sensiblement la même puissance, 82 ch Din pour l'Alfa, 87 ch pour la Lancia et 85 ch pour la Honda.

La sécurité passive a fait l'objet d'un soin particulier, avec une structure déformable, une colonne de direction non agressive en cas de choc, des appuis-tête, etc ... Suspension et freinage sont à l'avenant. Un nombre résume à lui seul la complexité du projet, ce sont les 213 brevets déposés pour cette voiture.

Honda 1300 " 77 "

Deux versions sont proposées, moteur 100 ch SAE avec un simple carburateur et 115 ch avec 4 carburateurs (modèle TS). La première adopte l'appellation 77, la seconde 99 en référence - avec un certain optimiste - à la puissance au litre. Ces puissances sont ramenées à 95 et 110 ch en décembre 1969, mais elles restent impressionnantes par rapport à ce que propose la concurrence européenne (de l'ordre de 50 ch au litre). Un break est disponible dès le début en version 77. La 99 disparaît fin 1970. La 77 fait de la résistance jusqu'en 1973. Honda vendra en quatre ans ce qu'il espérait vendre de ce modèle en six mois.


Honda 1300 coupé, 1969/1975


Présenté au Salon de Tokyo en novembre 1969, le coupé Honda 1300 est commercialisé en février 1970. Par rapport à la berline, il gagne 30 cm en longueur et 5 cm en largeur, et n'en reprend quasiment aucun embouti. L'ensemble se montre évidemment plus gracieux, et la nouvelle venue bénéficie de tous les raffinements à la mode : tableau de bord orienté vers le conducteur, climatisation, stéréo, antenne rétractable, dégivrage arrière, etc ...

Honda 1300 Coupé

Les ingénieurs Honda n'ont jamais été convaincus du bien-fondé du refroidissement par air. Ils le savent trop bruyant et polluant, coûteux à industrialiser, et n'offrant pas le silence de fonctionnement d'un refroidissement par eau. L'entreprise perdrait même de l'argent sur chaque voiture vendue. La crise est profonde chez Honda en ce début des années 70. Partisans du refroidissement par air ou par eau s'opposent.  Soïchiro Honda, sur les conseils de son ami Takéo Fujisawa, ne s'entête pas dans cette voie, reconnaissant son erreur, et allant même jusqu'à abandonner ses fonctions de patron des études.

Honda 1300 Coupé

Durant l'automne 1972, le coupé Honda 1300 adopte la désignation 145. C'est l'avènement du refroidissement par eau. Le nouveau moteur 1433 cm3 est emprunté à la Civic. Sa puissance est décevante. Alors que la 1300 proposait 95 et 110 ch Din, la 145 n'affiche que 80 ch SAE avec une alimentation par carburateur et 90 ch SAE avec l'injection. Il s'agit de rentrer dans les différentes normes sonores et dans les limites d'émissions polluantes qui vont bientôt s'imposer ici et là, en particulier aux Etats-Unis. La 145 connaît une fin de carrière discrète. Elle s'incline en 1975. Ce n'est pas la priorité du moment pour Honda, qui concentre ses ressources sur la Civic. 

Automobile d'ingénieur, sophistiquée et délicate, toute idée d'importation de la 1300, puis de la 145, tant en berline qu'en coupé, n'a jamais été sérieusement envisagée en France. Trop complexe et trop originale sur le plan technique, mais aussi trop quelconque d'un point de vue esthétique, la Honda 1300 aurait de toute manière été en mauvaise posture face aux Datsun et Toyota très actives sur le même créneau, avec des tarifs nettement plus compétitifs. Honda Automobiles est devenu en attendant l'arrivée de la Civic quasiment transparent en France. Heureusement, les ventes de deux roues explosent, garantissant la pérennité des activités d'importation.

Honda 1300 Coupé


Honda Life, 1971/1974


Présentée au printemps 1971, la Life qui s'inscrit dans la catégorie des keijidōsha est en apparence proche de la N600. Elle n'en est pas moins élaborée sur de nouvelles  bases. L'empattement est allongé de huit centimètres pour une longueur inchangée. Le moteur de 356 cm3 est entièrement nouveau, et adopte un refroidissement par eau. A son lancement, deux niveaux de puissance sont proposés, 21 et 30 ch. La Life existe en berline deux portes, en break trois portes et malgré sa très petite longueur extérieure en berline quatre portes.

Honda Life

L'utilitaire Step Van commercialisé en septembre 1972 reprend la base technique de la Life. Si ce type de format est aujourd'hui largement admis, les formes carrées très novatrices heurtent encore l'esprit conservateur des Japonais en ce début des années 70. La traction avant et le moteur collé à l'habitacle permettent d'offrir une vaste surface de chargement, proportionnellement au volume général de l'auto. La concurrence à propulsion arrière n'offre pas ces avantages.

Avec deux personnes à bord, la charge utile du Step Van est limitée à 300 kg. Ce sont 17 165 exemplaires qui sont produits jusqu'en 1975, une performance bien en deçà de l'objectif de 2 000 voitures par mois affiché lors de son lancement. Proposée à partir d'août 1972, le Pick-up est encore plus confidentiel que le Step Van. Il n'en a été produit que 1 132 exemplaires jusqu'en 1974. Son positionnement très proche du TN7 (un véritable utilitaire) a considérablement nuit à son pouvoir de séduction auprès des professionnels. 

Honda Life Step Van


Honda Civic, 1972/1979


Près d'une décennie après s'être lancé dans l'automobile, Soïchiro Honda tire parti de ses erreurs, et décide de changer son fusil d'épaule. Il a bien compris que les mécaniques performantes ne s'adressent qu'à des amateurs en nombre limité. Pour séduire un vaste public, il faut inventer quelque chose de plus simple, de plus passe-partout et de plus abordable. Le dessin de ce modèle promis à une large diffusion doit plaire au plus grand nombre. Il est nécessaire que la fiabilité prenne le dessus sur l'originalité si l'on a véritablement pour ambition de concurrencer Datsun et Toyota, qui ont opté depuis plusieurs années pour des choix techniques moins osés, mais plus rémunérateurs, qui leur permettent d'exporter en grande quantité.

Honda Civic, version US dans des décors européens

Le projet de la future Civic porte le nom de code H1300, baptisé par Soïchiro lui-même the " World super sedan ", tout un programme. La Civic est dans un contexte concurrentiel exacerbé la dernière chance de survie pour Honda. La pression est considérable. Les Etats-Unis constituent un débouché majeur pour Honda, qui espère s'y tailler la part du lion comme Volkswagen ou Datsun avant lui. Le lancement de l'étude de la Civic est à l'origine de quelques querelles internes entre les tenants des traditions maison et ceux qui craignent de voir la marque s'effondrer par manque de réalisme. Ces derniers l'emportent.

42 centimètres séparent la Z de la Civic

La Civic est présentée le 11 juillet 1972. La crise pétrolière frappe quelques semaines plus tard de plein fouet les pays occidentaux, et la clientèle se met alors en quête de petites berlines économiques en carburant. Les voitures japonaises commencent à être appréciées par une partie de la clientèle occidentale. Pour pénétrer plus aisément le marché européen, Honda fait comme ses concurrents et propose une version unique relativement bien équipée : appuis-tête, autoradio, dégivrage AR, vitre de custode ouvrante, tableau de bord complet avec décoration en faux bois, etc ... La climatisation est proposée en série sous la désignation charmante à nos oreilles d' "Air Con". Un tel niveau d'équipement est encore interdit aux voitures européennes de prix équivalent. Par contre, les pièces détachées restent chères.

La Civic semble échapper aux critiques récurrentes concernant son aspect, ce qui est encore bien souvent l'apanage des voitures japonaises. Elle apparaît en effet comme sympathique à défaut d'être très originale, ce qui favorisera son succès à l'export. Le nom de la Civic ne doit rien au hasard. Il semble avant que cela ne devienne à la mode faire référence à la notion d'écocitoyenneté. Ce thème parle forcément à un public jeune. 

Commercialement, l'affaire est bien lancée. 21 000 exemplaires environ sont produits en 1972, et près de 80 000 l'année suivante quand elle sort de ses frontières. En 1971, le constructeur fabrique 215 256 voitures, en 1975 avec la Civic 328 107. Honda rentre pour de bon dans la cour des grands. Pas à pas, et en partant de loin, il parvient à faire oublier la réputation de fragilité qui a longtemps entaché son image.

Honda Civic, version US dans des décors européens

Lancée en version trois portes, la Civic mesure 3,54 mètres de long, et seulement 1,33 mètre de haut. Comparé aux productions européennes contemporaines, sa surface vitrée est  limitée. Techniquement, elle est au goût du jour, voire même en avance : traction avant, moteur transversal en alliage d'aluminium refroidi par eau, boîte 4 rapports synchronisés, 4 roues indépendantes, etc ... La sécurité a été l'un des axes majeurs de développement. Même si la voiture ne pèse que moins de 700 kg, sa structure et sa direction sont déformables en cas de choc frontal. Le réservoir est implanté en avant des roues arrière. Elle peut recevoir des ceintures trois points.

Les marchés italien et français s'avèrent assez réticents à accueillir la petite japonaise. C'est vrai que dans ces pays, la Fiat 127 et la Renault 5 répondent déjà à la demande, avec un réseau de distribution et d'après vente bien plus finement maillé. La pénétration des marchés neutres est plus aisée pour Honda. A défaut de posséder une industrie nationale, des pays comme la Suisse, l'Autriche, la Belgique ou les Pays-Bas sont peu concernés par un quelconque chauvinisme automobile.

Les premières Civic arrivent en France durant l'été 1973. Le 1169 cm3 de la version importée développe 60 ch Din et permet d'atteindre 155 km/h. C'est une 7 CV fiscaux vendue 12 990 francs en 1973, à comparer aux 12 000 francs requis pour une Renault 5 TL ou aux 12 600 francs d'une berline Peugeot 104. Les 90 concessionnaires qui arborent encore le panneau Honda reçoivent leurs premières voitures dans une teinte orange, confortant son image décalée, même si le produit est, sur le fond, autrement plus abouti que les modèles précédents. Près de la moitié des Civic sont vendues avec la boîte Hondamatic, quasiment unique dans sa catégorie.

Il s'en écoule 501 exemplaires un France en 1973 (sur 1 126 Honda vendues), puis 988 en 1974, 1 644 en 1975 et 2 748 en 1976. Reconnue pour ses qualités par la presse automobile, la Civic est sérieusement construite, mais contrairement à des devancières, elle perce plus lentement le marché français, le temps sans doute de se refaire une virginité.

Honda Civic trois portes

En novembre 1972, Honda propose enfin la Civic avec trois portes et une banquette arrière rabattable. Même si le seuil de chargement est élevé, la petite Honda dispose d'un vrai hayon salué pour son aspect pratique, à l'heure où tant d'autres hésitent encore à franchir le pas. Alfa Roméo sur l'Alfasud, Citroën sur la GS et Peugeot avec la 104 n'y viendront que quelques années plus tard. 

En décembre 1973, la Civic poursuit son déploiement avec la version quatre portes, qui gagne huit centimètres sur l'empattement. Elle est diffusée en Europe sous cette forme à partir de l'automne 1975. En novembre 1974, la Civic est proposée en break cinq portes. De manière inattendue, Honda ne se presse pas pour décliner son modèle phare en berline cinq portes. Il faut attendre septembre 1977 pour voir arriver celle-ci, cinq ans après le lancement initial.

Honda Civic break 5 portes

Le succès de la Civic, notamment aux Etats-Unis, n'a pas incité comme on l'a vu Honda à se précipiter dans un déploiement de sa gamme. Arrivée au bon moment chez l'Oncle Sam, la Civic se construit en peu de temps une image flatteuse. Dans l'esprit des bobos américains, elle est plutôt moderne et écolo, ce qui lui permet de faire de l'ombre à la vieillissante Volkswagen. Les chiffres sont éloquents. 38 957 Civic vendues aux States en 1973, 102 389 en 1975, 223 633 en 1977 et 352 291 en 1979. 

En 1970, le gouvernement américain sous la pression des mouvements écologistes et des consommateurs décide d'agir pour lutter contre la pollution croissante. Une loi tendant à réduire les émissions nocives contraint les constructeurs à revoir leur copie. Ils doivent concevoir des moteurs moins polluants pour les véhicules qui seront en vente aux USA à partir du 1er janvier 1975.

Sur cette lancée, en février 1971, Honda annonce la sortie d'un moteur dénommé CVCC (Compound Vortex Controlled Combustion) qui répond avec une marge importante aux normes édictées par le législateur américain. La Civic adopte sur le sol US cette mécanique. Celle-ci, plus volumineuse, oblige à repenser la structure et la carrosserie du compartiment avant. C'est ainsi que le capot des modèles CVCC présente un bossage central absent sur les autres Civic.

La Honda Civic CVHC est un best seller aux Etats Unis

En 1973, un moteur 1238 cm3 remplace la 1169 cm3 des débuts sur certains marchés. Plusieurs niveaux de puissance sont proposés, et adaptés aux spécificités des pays visés. Parallèlement, Honda propose un nouveau 1488 cm3 plus musclé. La Civic doit en effet répondre aux hausses de performance sur plusieurs compactes françaises, italiennes ou allemandes. Les évolutions esthétiques seront mineures durant la carrière de la Civic, et toucheront pour l'essentiel au dessin des pare-chocs, des prises d'air sur le capot moteur et des feux arrière.

Acquérir une automobile japonaise en France dans les années 70 est loin d'être un automatisme. C'est même un acte militant.  Avant de penser Datsun, Toyota, Mazda ou Honda, l'acheteur rend d'abord visite aux concessionnaires des marques nationales - Peugeot, Citroën, Renault ou Simca - puis éventuellement à ceux des marques européennes. Mais les Japonais, sûr de la qualité de leurs produits, font le choix de la patience, sur un marché européen très éclaté où plusieurs modèles d'origine et de conception différentes tentent de se faire une place au soleil dans la catégorie proche des 1200 cm3.

Là se bataillent les Austin Allegro, Ford Fiesta, Opel Kadett,  Innocenti Mini, Renault 5, Peugeot 104, Ami Super, Simca 1100 et autres Skoda, Zastava ou Lada venues de l'Est. Le positionnement de la Civic 1500 est plus atypique. Il s'agit d'une petite voiture avec un moteur relativement puissant, qui fait face par son tarif aux versions premier prix des Fiat 131, Ford Taunus, Citroën GS, etc ...

La Civic sait se montrer accueillante

Après le retrait du marché hexagonal des petite N et Z en 1974, la Civic devient la seule Honda commercialisée en France, et elle représente l'essentiel des activités de Honda à l'échelle mondiale. Nissan, Toyota et Mazda n'ont pas attendu Honda pour conquérir la planète. On commence même à évoquer chez nous l'arrivée d'un cinquième larron, Mitsubishi. C'est devenu une évidence, la pérennité de Honda en tant que constructeur automobile généraliste passe par un élargissement de sa gamme. L'Accord arrive à point nommé en 1976. Au total, 1 186 194 exemplaires de la première génération de Civic ont été produits en sept ans.

Début 1973, Takéo Fujisawa ouvre un conseil d'administration en annonçant son départ. Il a décidé de prendre une retraite bien méritée, qu'il va consacrer aux arts qu'il affectionne. Dès le lendemain, Soïchiro Honda fait également savoir son intention de suivre son ami de toujours dans sa démarche. A 67 ans, il a la conviction que l'entreprise doit être dirigée par des hommes plus jeunes. Ce faisant, une fois de plus, il va à l'encontre des traditions japonaises.


Honda Civic, 1979/1983


Une deuxième génération de Civic est commercialisée de 1979 à 1983. L'aspect général est assez proche du modèle sortant, avec des formes issues des années 70 mais des volumes revus à la hausse. Aujourd'hui, 40 ans plus tard (2020), la Civic en est à sa dixième génération.

Honda Civic, 1979/83


Honda Accord coupé, 1976/1983


En adoptant la traction avant et le moteur transversal, le coupé Accord présenté le 7 mai 1976 reprend des principes adoptés depuis 1972 sur la Civic. Du modèle réduit, Honda passe à la voiture de taille et de cylindrée moyenne. Avec sa carrosserie deux volumes, l'Accord est à la fois un coupé et break de luxe. La banquette  AR est repliable. Elle dispose de quatre vraies places dans un habitacle soigné et bien équipé. Avec modestie et en proposant des solutions techniques plus basiques, le coupé Accord peut espérer retrouver une partie de la clientèle du défunt coupé 1300/145.

L'Accord utilise le moteur à arbre à cames en tête de la Civic type CVCC qui répond aux normes antipollution américaines. Sa cylindrée a été portée à 1600 cm3 par allongement de la course et sa puissance à 80 ch Din. Elle est distribuée aux Etats-Unis dès le mois de juin, puis en Europe fin 1976. En option, le client peut opter pour la transmission semi-automatique Hondamatic. Honda vante dans ses publicités françaises " La sécurité d'une américaine. Le confort d'une anglaise. La robustesse d'une allemande. Le raffinement d'une italienne. Le fonctionnel d'une française ".

Honda Accord coupé

Bernard Carat dans le banc d'essai paru dans le numéro 3 de l'Auto Journal de février 1977 commente ainsi l'arrivée du coupé Accord :

" Aujourd'hui, le nom de Honda n'est plus seulement synonyme de moto et l'empereur japonais du deux roues se tourne de plus en plus vers l'automobile. Bien des jeunes dont l'unique passion fut une " bécane " Honda se sont maintenant reconvertis à la voiture et le constructeur nippon espère bien qu'ils se souviendront de la marque de leurs premières amours mécaniques. Après la Civic, voici donc l'Accord, un coupé plus étoffé qui reprend, dans ses grandes lignes, la conception technique très européenne chère à ce constructeur. Honda, relativement petit, a l'intelligence de ne pas copier les géants de voisins tout en ayant la prétention de mieux faire à chaque nouveau modèle. C'est ainsi que petit à petit la Civic s'est civilisée et que, en principe, l'Accord a profité de ces améliorations tout en les perfectionnant. Après avoir été présentée au dernier Salon de Paris, la nouvelle Honda, la plus grosse jamais produite, est maintenant commercialisée en Europe et dans notre pays ".

Honda Accord coupé

Il conclut :

" D'accord avec Honda. Sa dernière voiture est bien étudiée en fonction des temps que nous vivons. Elle a pris de bonnes leçons en Europe en matière de tenue de route, de freinage, et aussi de confort ce qui lui permet de se présenter en seconde voiture idéale pour les Américains. Ses performances sont modestes, sa consommation n'est pas spécialement économique, mais son équipement est extrêmement complet avec de nombreuses innovations pratiques. Pour notre part, nous lui reprocherons seulement d'être un coupé à trois portes, sans aucune tendance sportive, mais la berline Accord viendra, peut-être, un peu plus tard. Toutes les caractéristiques mécaniques et surtout les deux transmissions méritent la plus grande diffusion propre à une berline ".


Honda Accord berline, 1978/1981


La réponse au souhait de Bernard Carat ne tarde pas. Honda quitte franchement le milieu des petites voitures avec sa berline Accord qui reprend la même base que le coupé. Elle bénéficie toutefois d'un allongement de 24 cm au niveau du porte-à-faux AR. Avec ses quatre portes, ses 4,32 mètres et son 1600 cm3, c'est bel et bien plus qu'une voiture moyenne en 1978. Esthétiquement, on peut la trouver à la fois anonyme et tarabiscotée. Compte tenu de l'importance du marché américain, les Japonais ont souhaité en premier lieu lui donner extérieurement l'assurance d'un vrai véhicule de sécurité, tel qu'on le conçoit alors aux Etats-Unis, avec notamment de gros pare-chocs. En Europe, la berline Honda Accord propose un niveau d'équipement inconnu dans sa catégorie. Son comportement n'a par ailleurs rien à envier à ses concurrentes. Lors de sa commercialisation en France en avril 1978, elle vaut 34 500 francs, le même prix qu'une Peugeot 504 GL en fin de carrière.

Honda Accord berline, 1ère génération

Produite à près de 1,5 million d'exemplaires, elle est remplacée au Salon de Francfort en septembre 1981 par une version restylée, qui est commercialisée en France en février 1982. Cette nouvelle Accord n'a rien d'extraordinaire, pourtant elle ne partage pas un seul embouti avec sa devancière. Honda a fait le choix de la continuité en proposant une voiture un peu plus vaste, avec un empattement plus long  de sept centimètres. Elle est équipée de phares rectangulaires et de pare-chocs mieux intégrés, ce qui n'améliore pas pour autant son attrait physique. C'est assurément une voiture de raison, pas de coeur. En 1982, Honda ouvre une usine à Marysville dans l'Ohio pour y assembler l'Accord. Il s'agit d'un véritable " cheval de Troie " qui fera de l'Accord quelques années plus tard la berline la plus vendue aux Etats-Unis, rien de moins.

Honda Accord berline, 2ème génération


Honda Prélude, 1978/1982


Fin novembre 1978, Honda présente au Japon un coupé 2 + 2 baptisé Prélude. On le retrouve au Salon d'Amsterdam en janvier 1979. En Europe, le nouveau moteur 1602 cm3  - course et alésage modifiés par rapport à l'Accord - n'offre toujours que 80 ch Din. La Prélude est plus destinée à une conduite souple que franchement sportive. Ses lignes trois volumes assez basses - 129 cm - sont extrêmement classiques, sans originalité marquante, mais elles sont globalement jugées très agréables à l'oeil. La clientèle féminine l'apprécie.

La face avant présente quelques similitudes avec la Civic de 1979. L'équipement est comme il se doit d'un excellent niveau. Honda propose d'emblée un toit ouvrant électrique, une dotation rare à l'époque. La qualité perçue est bonne grâce à l'emploi de matériaux adaptés. C'est une 2 + 2, les places arrière étant à réserver à des enfants. Environ 313 000 exemplaires sont produits, dont plus de la moitié est vendue aux Etats-Unis. Une nouvelle version est présentée en novembre 1982, avec une carrosserie totalement originale. La cinquième génération de Prélude ne s'effacera qu'en 2001. Le nom est alors abandonné.

Honda Prélude, 1ère génération


Honda Quint, 1980/1985


La Honda Quint est disponible au Japon à partir de janvier 1980, puis commercialisée en Europe l'année suivante sous le nom de Quinted. Il s'agit d'une simple évolution de l'Accord, mais qui ressemble à une grosse Civic. L'habitacle dispose comme sur toutes les Honda d'une présentation soignée et d'un équipement complet. Les carrosseries deux volumes à hayon avec un seuil de chargement bas et des sièges rabattables séparément rencontrent alors un grand succès en Europe, et la Quinted en bénéficie.

Honda Quinted

En France, elle voit toutefois sa diffusion limitée par les quotas imposés aux voitures japonaises, pas plus de 3 % du marché. On la retrouve à partir de 1983 en Australie sous le nom de Rover Quinted après le rapprochement entre les deux marques. Elle quitte la scène en février 1985.

Honda Quint / Quinted


Honda Ballade, 1980/1983


A la fin des années 70', ce qui reste de la Bristish Leyand est au plus mal. Le groupe manque de temps et d'argent pour renouveler sa gamme moyenne occupée tant bien que mal par les Austin Allegro, Maxi et autre Morris Marina. Créer un modèle à partir d'une page blanche n'est plus envisageable. La BL choisit alors la solution du " prêt-à-porter ", et dans ce domaine les Japonais sont passés maîtres dans l'art de présenter leurs cartons.

Honda vient de lancer au Japon en septembre 1980 la Ballade qui reprend les moteurs de la Civic. Il l'a proposée quelques mois plus tôt sur un plateau aux Britanniques. Elle sera produite et commercialisée outre-Manche sous la marque Triumph, constructeur dont l'image est encore à peu près intacte. La Triumph Acclaim est donc le premier maillon d'une chaîne qui doit permettre de renouveler sans tarder la gamme des voitures du groupe pour les années quatre-vingt. Mais quel grand écart en si peu d'années depuis les Spitfire, TR6 et autres Dolomite Sprint !

Conformément à l'accord signé entre les deux partenaires en janvier 1980, les premières Acclaim made in UK sont effectivement livrées en octobre 1981. La voiture est produite dans l'usine de Cowley jusqu'en 1984, où elle côtoie les Rover SD1 et la Morris Ital, autre avatar d'une industrie britannique en chute libre. Sur le plan commercial, l'Acclaim est réservée au Marché Commun, Honda approvisionnant les autres pays avec sa Ballade.

Honda Ballade


Soïchiro Honda se retire


Comme déjà évoqué, Soïchiro Honda passe la main en 1973, et confie la présidence du groupe qu'il a créé à Tadashi Kume, brillant ingénieur, issu du sérail. Il en devient président honoraire. Il occupe sa retraite en créant une fondation qui s'intéresse aux questions environnementales. Ce thème a toujours été un sujet de préoccupation majeure pour Soïchiro Honda, y compris au sein de ses usines. Il assiste activement dans les années 80 au retour de Honda comme motoriste en Formule 1, avec Williams puis McLaren, et affiche un réel enthousiasme pour les Grands Prix et une admiration immense pour le pilote Ayrton Senna. Soïchiro Honda, passionné de jardinage comme tout bon japonais, coule une retraite presque paisible. Il s'éteint en août 1991.

Soïchiro Honda, 1906/1991

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