Joseph Figoni



Joseph Figoni - Italie - 1892/1978
Extrait d'une photo prise en 1967 et parue dans " l'Automobiliste " N° 64


1892

Naissance le 29 décembre 1892 de Giuseppe (Joseph) Figoni à Boccolo di Tassi près de Piacenza en Italie. Il a trois ans quand ses parents décident de tenter leur chance en France, et s'installent à Boulogne-sur-Seine (ancien nom de Boulogne-Billancourt jusqu'en 1926), là où vivent déjà de nombreux compatriotes.

Il y passe le Certificat d'Etudes Primaires. Puis il devient apprenti chez le carrossier Vachet, où il apprend son métier de tôlier formeur.

1914

Naturalisé français, Joseph Figoni effectue son service militaire lorsque la guerre éclate. Au final, il passera sept ans sous les drapeaux. Il se mariera en 1921.

Années 20', début années 30'

En 1920, il se met à son compte à Boulogne-Billancourt, dans le quartier où il a passé son enfance. Le jeune carrossier adopte dès ses débuts un style sportif et raffiné, inspiré par la construction aéronautique. De grandes marques lui font confiance, il travaille sur de beaux châssis : Ballot, Delage, Delahaye, Hotchkiss, Salmson, Talbot, Hispano Suiza, Bugatti, Alfa Romeo, Lancia ... Puis il s'intéresse à des châssis plus importants, et en vient à habiller quelques unes des rares Duesenberg qui arrivent en France.  

Bugatti 46 habillée par Figoni, 1930 - Source : http://www.mad4wheels.com


Grâce à lui, et à quelques autres, l'automobile s'affranchi définitivement du style hippomobile. Il s'impose comme le chef de file d'une nouvelle génération, qui compte parmi ses rangs des maisons comme Chapron, Antem, Dubos ...

Figoni réalise de nombreuses voitures à caractère sportif, le plus souvent des coupés et des cabriolets, dont beaucoup sont les reines des concours d’élégance. Un haut degré de finition est toujours au rendez-vous. Ses créations sont caractérisées par un style très personnel, souvent flamboyant, mais toujours élégant, avec la volonté d'explorer les possibilités offertes par les carrosseries aérodynamiques. Figoni n'a jamais traité cette science de manière empirique. Il cherchait l'efficacité dans les formes. Nombre de ses voitures étaient testées à Meudon dans un laboratoire spécialisé, sous le contrôle de Jean Andreau.

Figoni se lie d'amitié avec le jeune " Pinin " Farina, avec le carrossier Viotti, mais aussi avec le célèbre pilote de course italien Tazio Nuvolari. Ces relations lui permettent de faire connaître son travail de l'autre côté des Alpes, un juste retour aux sources pour cet italien. Ce faisant, il bénéficie d'un quasi monopole dans l'habillage des Alfa Romeo vendues en France.

L’entreprise est au sommet de son art, au tout premier rang des carrossiers européens. Les carrosseries de course de Figoni habillent plusieurs voitures au Mans : Bugatti, Delahaye ... L'impact publicitaire est énorme. Le Salon de l'Auto fait honneur aux voitures du carrossier. Le nom Figoni s'exporte bien. De nombreux confrères s'inspirent de ses réalisations.

Joseph Figoni dans les années 30 (ne pas reproduire, merci)


1935

Figoni s'associe à un financier, l’italien Ovidio Falaschi. Le premier s'occupe de qu'il sait faire le mieux, la relation avec les clients, la conception et de la réalisation des carrosseries, tandis que le second gère les finances de l'affaire, qui porte désormais le nom de Figoni & Falaschi.

Durant ces quelques années d'avant guerre, dans le domaine des voitures de luxe, le style des carrosseries prend le dessus sur les avancées techniques. Figoni & Falaschi sera l'un des principaux acteurs de ce changement.

1936

La maison Figoni & Falashi est au sommet de son art. Elle produit sur base Delage et Delahaye des carrosseries démesurées, aux lignes vraiment originales mettant en avant des rondeurs si flatteuses qu'elles démodent tout ce que la concurrence peut proposer. 

Delahaye V12 Type 165, 1939 - Source : http://stubs-auto.fr


1937

Figoni & Falaschi ont en charge l'habillage des nouveaux châssis T150 de Talbot. Sa première réalisation sur cette base est exposée à Paris en 1937. Avec ses lignes courbes, son pare-brise incliné et ses forme aérodynamiques, elle se voit attribuer le nom de " goutte d'eau ". Ce modèle marque une étape majeure dans le style automobile d'avant guerre.

Le style " goutte d'eau " est apparu pour la première fois en 1937 sur une Talbot Lago


Durant la guerre

Fabrication de réchauds et de radiateurs électriques.

1946

Delahaye et Talbot, entre autres, présentent de nouveaux châssis, que Figoni & Falaschi s'empresse de carrosser. Il exploite comme avant guerre le principe du carénage intégral, qui consiste à passer une robe au châssis en l'enfermant dans une gaine aérodynamique. La période est encore euphorique pour le carrossier. Les voitures françaises de grand luxe plaisent aux étrangers fortunés, essentiellement américains. Le gouvernement encourage ce type de vente, qui permet de faire rentrer en France des devises si nécessaires. Figoni & Falaschi impose notamment le style " Narval " caractérisé par un nez agressif.

Delahaye 135 de 1946 du style " Narval " - Source : http://www.concours.jp


Mais le carrossier ne tient pas compte des mutations stylistiques en cours tant aux Etats Unis qu'en Italie. Il s'attache à ces formes déjà démodées, en les grimant inutilement d'accessoires qui alourdissent l'harmonie d'ensemble. Les châssis français se trouvent vite dépassés par les fabrications étrangères. Les voitures américaines en particulier offrent un luxe, un confort, une robustesse et une facilité de conduite à des prix sans rapport avec ceux des voitures de carrossiers.

En cette période de crise, ceux-ci font avec les moyens du bord. Charles Trenet, propriétaire d'une Delahaye carrossée par Figoni & Falaschi en 1948 constate un beau jour une déchirure dans la garniture du cuir d'une portière, conséquence d'une aspérité mal limée de la poignée de lève vitre. Par cette ouverture malencontreuse, il peut voir une armature en bois, dont une pièce était marquée du sigle " Chocolat Poulain " ...

Mais au delà de la finition désastreuse, Figoni & Falaschi tombe trop souvent dans la laideur gratuite, avec des chromes à la pelle, et des combinaisons de teintes criardes et mal assorties. Seuls quelques nouveaux riches s'intéressent encore aux réalisations du carrossiers. Les vrais amateurs se tournent vers Détroit ou Turin.

1949

Dès 1949, Figoni prend contact avec Simca afin d'habiller les Simca 8 avec des carrosseries sports.

Simca 8 Sport par Figoni, 1948


Le magazine Réalités dans son numéro d'octobre 1949 rend un hommage au travail de Figoni :

" M. Figoni, dans un petit atelier donnant sur la place de l'église provinciale de Boulogne-sur-Seine, carrosse les voitures pour les maharajas des Indes, les souverains, les magnats de l'industrie internationale. Modestement installé dans un minuscule bureau sans fenêtre, Figoni construit des voitures valant entre 1 200 000 et 5 millions de francs. Carrossier depuis l'âge de douze ans, Figoni est né de père italien et de mère française, mais il a toujours vécu à Paris. Il commença très jeune à gagner sa vie comme apprenti dans une fabrique d'aéronefs. Il passa tour à tour par tous les ateliers, depuis les parties de bois jusqu'à la tôlerie et travailla successivement chez tous les grands constructeurs de l'époque : Bellevalette, Farman, Blériot. Il apprit la technique de construction d'avions et les idées qu'il acquit alors sur le profilage des appareils se retrouvent aujourd'hui dans ses modèles de carrossiers.

Après la Première Guerre mondiale, en 1920, Figoni s'établit à son compte. C'est encore l'époque ou l'industrie automobile a un caractère artisanal. Le client ne peut acheter une voiture prête à rouler que chez un Renault, un Citroën ou un Peugeot. Il s'adresse encore régulièrement à un carrossier qui, lui, se charge d'acheter le châssis et les diverses pièces détachées chez des fabricants spécialisés. Figoni s'installe à Boulogne et prend avec lui un apprenti. En quelques années les commandes affluent, il s'agrandit. Mais la concurrence est forte. En 1926, on comptait 176 carrossiers sur la place de Paris, où aujourd'hui (en 1949) ils ne sont plus que huit ou neuf.

Figoni, de plus en plus connu pour ses lignes d'avant-garde - en 1935, il fabriquait des carrosseries complètement aérodynamiques, adaptées non seulement à des voitures de course, mais aussi à de simples automobiles de tourisme - transforme son affaire et prend un associé, Falaschi. Mais il continue son rôle de créateur, laissant à celui-ci le soin des questions d'administration et de comptabilité. On voit le petit Figoni, une motte de terre glaise dans les mains, qui moule une forme nouvelle d'aile non rapportée, un système de toit ouvrant inédit. On apprend que cet ancien ouvrier a gagné successivement trois " grand prix " d'élégance à Monte-Carlo, à Nice et au Bois de Boulogne. On sait que le roi d'Espagne, Alphonse XIII, lui a commandé une voiture, que M. Dubonnet, de l'apéritif, est un de ses fidèles clients. Sa réputation passe les frontières : en Amérique du Nord et du Sud des firmes d'automobiles lui demandent le droit d'acheter une licence de fabrication en série de ses dernières inventions. Elles lui envoient des chèques en acompte pour recevoir des photographies détaillées des lignes de son dernier modèle.

Figoni, mal lavé, mal habillé, continue à être l'arbitre de l'élégance automobile. L'année dernière il a gagné le grand prix d'élégance et de confort du Salon. Pour chaque client dont Figoni conçoit un modèle exclusif de carrosserie. Mais le client ne le choisit pas : Figoni le lui impose.

L'atelier de Boulogne et ses deux succursales aux environs de Paris emploient 125 ouvriers, tous spécialisés. Chaque stage de la fabrication des carrosseries - sellerie, peinture, ferrage, finition, etc ... - a à sa tête un groupe d'ingénieurs et de contremaîtres qui ne prennent leurs ordres que de Figoni. Tout le travail se fait à la main. Lorsque la maquette en bois de la carrosserie est exécutés d'après le modèle de terre glaise du patron, les ouvriers y clouent la tôle au marteau, jusqu'à ce qu'elle devienne aussi lisse que lorsqu'elle sort d'un moule. Une automobile est généralement terminée en trois mois. Parfois, elle demande 6000 heures de travail. Les trois ateliers de Figoni en sortent une moyenne de deux ou trois par semaine ....

... Figoni travaille presque exclusivement avec la clientèle particulière. Il ne veut accepter de contrat avec aucune marque connue. Une exception pourtant : il fabrique pour Simca des carrosseries de Simca 8 à deux places, grand luxe, qui reviennent à 1 200 000 francs. Au lieu du délai ordinaire de trois mois de fabrication, il en sort une toute les deux semaines par petites séries de 25. L'intérieur de ces Simca de luxe est fortement inspiré des voitures américaines : changement de vitesse sous le volant, banquettes larges et confortables, ailes faisant partie intégrante de la carrosserie et non rapportées, systèmes perfectionnés de ventilation, de chauffage, d'éclairage, installation de TSF, etc ...

Figoni carrosse uniquement les châssis de voitures de haut luxe : Delahaye, Talbot Lago Record, Bentley. Avant-guerre, il carrossait également les Alfa Romeo, mais à l'heure actuelle le manque de devises l'empêche d'acheter des châssis étrangers. Pour la Bentley, il doit payer un million de francs de douane par châssis, ce qui élève trop le prix de revient de la carrosserie pour pouvoir trouver demandeur. Mais il constate que sa clientèle, essentiellement internationale, commande de plus en plus des voitures d'origine française ...

Figoni a une ambition : arriver à faire accepter par la clientèle la mode des ailes non rapportées, qui donnent à la voiture une ligne pure et ne laissent aucun obstacle où l'air puisse se heurter ... Ce souci de la pureté de ligne lui fait entrevoir un système de poignée de porte rentrante ...

Petit, grassouillet, le sourire aux lèvres, Figoni se promène de 8 heures du matin à 7 heures du soir dans ses ateliers, donnant des conseils aux apprentis, chargeant un compagnon déjà formé d'apprendre aux jeunes la technique de la maison, mais revenant toujours, deux, trois fois par jour, au petit établi installé dans un coin de l'atelier, où ses glaises informes vont représenter dans quelques semaines ou quelques mois le dernier cri de l'élégance et du goût ...

La concurrence est forte. Les carrossiers italiens, comme Farina, qui vient d'établir un contrat avec Rolls Royce, ou Touring, voudraient devenir les premiers du monde dans la recherche des lignes et la pureté du style ".

Coach Talbot Lago, 1949


1951

Ovidio Falaschi retourne en Italie, et y achète un hôtel. Joseph Figoni crée la société Figoni et Cie.

1952

Figoni tente avec maladresse de révolutionner son style en utilisant les formes ponton qui se généralisent. Le déclin des marques françaises de prestige semblant inéluctable, et le nombre de châssis à habiller s'amenuisant, le carrossier ne peut que se retourner vers les constructeurs de voitures " populaires ". Ainsi, il présente à Paris en octobre 1952 une Citroën 15 CV aux lignes il est vrai désormais plus sobre. 

Figoni et Falaschi Citroën 15 CV, dite " Le Squale ", 1952


1953

Il propose une tenue inédite pour la nouvelle Aronde. Environ 400 voitures habillées par Figoni sont vendues sur les marchés algérien et tunisien.

Figoni, approche sur le thème de la Simca 9 Aronde destinée à une petite série


1954

Figoni est présent pour la dernière fois au Salon de Paris avec le coupé Simca Aronde Filante. L'entreprise, avec la disparition progressive des grands châssis de luxe et le peu d'intérêt manifesté par les grands constructeurs à ses propositions, est contrainte de développer une activité dans le domaine des accessoires et de la réparation automobile.

1955

Simca refuse de fournir des châssis à Figoni. Par cette décision arbitraire, le constructeur de Poissy, qui préfère travailler avec Facel, condamne Figoni à cesser ses activités. Joseph Figoni se sépare de ses derniers compagnons tôliers formeurs, qui sont immédiatement recrutés par les grandes maisons aéronautiques, telles que Dassault ou Breguet, tant leur réputation est bonne.

Joseph Figoni conserve ses ateliers pour se consacrer à la réparation et à l'entretien de ses automobiles.

1959

Figoni dévoile sa dernière réalisation, le cabriolet Simca Aronde P60 Monaco. Celle-ci devient la voiture personnelle de Joseph Figoni.

Cabriolet Simca Aronde P60 Monaco par Figoni


1961

Figoni devient agent Lancia, puis concessionnaire en  1975.

1978

Mort de Joseph Figoni à l'âge de 84 ans.


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