Omnia, N° 7, Nouvelle Série, décembre 1920

La 18 HP Renault au Salon de Bruxelles 1920


Comment s'organise la concurrence allemande

Cependant qu'on s'en va répétant, un peu trop peut-être, qu'une terrible crise sévit sur notre industrie automobile, il est intéressant et instructif de voir ce qui se passe chez nos ennemis vaincus d'hier et d'étudier les moyens qu'ils mettent en œuvre pour récupérer le terrain que la défaite leur a coûté.

Tandis que la majeure partie de nos forces vives, morales et intellectuelles, monte la garde au Rhin, laissant encore de nombreuses places vides à l'école et à l'atelier, l'Allemand, libéré jusqu'à nouvel ordre de tout souci militaire important, peut appliquer toutes ses initiatives et toutes ses ressources à rétablir son industrie, à intensifier le travail de ses usines, non seulement, intactes, mais encore enrichies du pillage des nôtres.

Il ne s'en fait pas faute et se hâte de rattraper le temps perdu. On en trouve chaque jour la preuve dans de petites annonces de journaux financiers, du genre de celle-ci : " La Société Benz, de Mannheim, distribue un dividende de 6 % pour l'exercice 1919-1920 et va doubler son capital, qui sera porté ainsi à 60 millions de marks ". Il en est, d'ailleurs, de même dans la plupart des fabriques d'automobiles d'Allemagne qui, depuis 1914, ont augmenté leurs capitaux dans de très fortes proportions ... On calcule ainsi que le capital de l'industrie automobile allemande s'est accru de 215 millions de marks depuis 1915, dans le but de lutter utilement contre la concurrence américaine, dont les finances figurent d'ailleurs pour une bonne part dans cet afflux de nouveaux millions.

Ce n'est pas tant pour empêcher l'importation que l'Allemagne s'organise que pour développer son exportation. Sa population, trop pauvre jusqu'à nouvel ordre pour démocratiser chez elle l'automobile, trop pratique pour essayer de lutter contre l'énorme production américaine, se consacrera désormais à la fabrication d'un produit de grand luxe. C'est ainsi que sa concurrence s'exercera encore directement contre l'industrie française qui, du point de vue élégance, fini et perfection, n'a certes rien à redouter, mais qui fera peut-être moins bonne figure lorsque entrera en jeu la question prix de revient et prix de vente.

Ici joue son rôle l'esprit de méthode et d'organisation de l'Allemand. Des consortiums s'établissent, des groupements d'intérêts industriels se fondent qui, par la réunion des entreprises et par une répartition méthodique du travail, placent la production sur des bases plus rationnelles. Toute une série de fabriques de même espèce travaillent sur le même objet. Les ingénieurs des firmes particulières s'unissent dans une organisation du travail en commun, font échange réciproque des expériences faites, généralisent les procédés de construction dont on a éprouvé la valeur, discutent les idées nouvelles.

Les fabriques, ainsi unies, définissent leur programme de construction, chacune construisant seulement quelques types de voitures, mais en grandes séries, bénéficiant de l'achat en commun et en fortes quantités des matières premières qui leur sont nécessaires, disposant d'une organisation de vente générale et de moyens de propagande répandus partout et travaillant sans rivalités locales. Dans leur ensemble et sans se faire une concurrence directe entre elles, elles peuvent offrir tous les modèles courants de voitures, de camions, de tracteurs et de pièces détachées dont la standardisation poussée à outrance a permis de réduire le nombre au strict nécessaire pour les réparations de tous ces modèles réunis.

Deux groupements de ce genre existent déjà : la Gemeinshaft Deutscher Automobilfabriken (GDA) et le Deutsche Automobilkonzern (DAK). A ce dernier, dont le siège est à Leipzig, appartiennent les usines Dux, Magirus, Presto. Son programme de travail est réglé de telle sorte que Presto produit les voitures de 9 ch, Dux celles de 17 ch, que, pour les poids lourds, Magirus construit les 2 et 3 tonnes, Vomag les 4 et 5 tonnes, et Presto les camionnettes.

Il nous souvient que pareille organisation fut proposée, il y a quelques années, à un certain nombre de nos constructeurs. Mais quelques-uns d'entre eux, et non des moindres, répondirent qu'ils étaient assez grands pour savoir ce qu'ils avaient à faire et qu'ils n'avaient besoin de personne pour les aider. L'affaire en resta là, c'est peut-être regrettable. Nous oublions trop souvent que l'union fait la force.

Anonyme


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Qu'est-ce qu'un cyclecar ?

La nouvelle loi de finances a établi une tarification spéciale pour les sidecars et les cyclecars qui, définitivement, ne sont soumis qu'à une taxe de circulation dont le montant annuel est fixé uniformément à 100 francs pour ceux-ci et 50 francs pour ceux-là !

Mais où commence le cyclecar, et comment peut-on définir le sidecar ? C'est ce que nous apprennent des instructions toutes récentes qui viennent d'être adressées aux agents de l'administration des finances. La circulaire dit :

On entend par cyclecars des véhicules à 3 ou 4 roues dont l'aspect ne diffère pas nettement de celui des voiturettes ordinaires, mais qui se caractérisent par leur cylindrée laquelle ne doit pas dépasser 1 100 centimètres cubes et par leur poids qui doit être inférieur à 350 kilogrammes.

A défaut de mention spéciale aux cartes grises, les notes descriptives du type, en la possession de chaque propriétaire de véhicule automobile, permettront au service de contrôler les déclarations des contribuables qui réclameront la délivrance de permis de circulation pour des cyclecars.

Quant au terme " sidecar ", il s'applique :

A une carrosserie légère, caisse ou panier, qui repose sur une roue unique et que l'on accouple à une motocyclette. Toutefois, dans la pratique, cette dénomination désigne l'ensemble de l'appareil constitué par la motocyclette et la carrosserie annexe. Un impôt sur la circulation ne se justifierait pas, en effet, à l'égard du sidecar proprement dit qui, pris isolément, ne peut circuler et qui doit nécessairement être remorqué par un véhicule pourvu d'un organe moteur.

Au cas où la motocyclette circule sans le sidecar, le fisc admet que le permis de circulation suffit et dispense de l'acquisition de la plaque de contrôle obligatoire pour les motosolos. 

Anonyme


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Comment peut-on obtenir une description dans Omnia ?

Nous avons souvent donné, dans Omnia d'avant-guerre, réponse à cette question, que nous pose presque quotidiennement quelque industriel ou quelque inventeur. Répétons notre réponse dans Omnia d'après-guerre.

 Elle n'a d'ailleurs pas changé d'un mot. Toute description paraissant chez nous est sincère, en ce sens que nous croyons ce que nous disons, et elle est gratuite, en ce sens qu'elle n'est jamais payée par le constructeur, le fabricant ou l'inventeur qu'elle intéresse. Pour qu'une nouveauté ou une amélioration soit ici décrite, il suffit donc que nous la jugions intéressante pour nos lecteurs. C'est tout.

Et nous voici partis sur un terrain bien glissant ! Pourquoi, nous dit-on parfois, puisque vous avez de vos lecteurs un tel souci, qui vous honore, ne faites-vous pas de la critique mécanique, comme d'autres écrivains font de la critique littéraire ou de la critique musicale, exposant impartialement le bon et le mauvais de toute nouveauté ? 

Le critique mécanique ne peut exister ; c'est la loi qui le veut, et avec raison, selon nous. Une oeuvre artistique est une spéculation de l'esprit qui, en théorie et même en pratique, ne peut avoir pour objet un bénéfice pécuniaire que par conséquence indirecte. Chacun de nous est libre de discuter cette conception et même d'essayer de faire partager au public son opinion, s'il le fait sans intention de nuire.

Une oeuvre industrielle, au contraire, est évidemment réalisée par son auteur dans un but, très légitime, de lucre. Il lui donne son temps, qui est de l'argent, ses capitaux et son talent, dans la seule intention de s'enrichir. Vous n'avez donc pas le droit, même en toute honnêteté et sans la moindre intention de nuire, d'empêcher autrui de prospérer dans son industrie loyale. Si, par vos écrits, vous lui faites tort pécuniaire, c'est réparation pécuniaire que vous lui devez. La loi est formelle. Il peut en coûter 100 000 francs d'écrire qu'une vis est mal placée.

Le lecteur, pour se faire une opinion, n'a donc d'autre ressource que de savoir lire entre les lignes. Tout Français sait le faire.

B.S.


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Rapide historique des routes françaises

Les premières voies de communication méthodiquement établies en Gaule sont les voies romaines, généralement tracées en ligne droite et pavées de larges dalles. Laissées à l'abandon vers la fin de la domination romaine, elles furent, après les invasions des Barbares, l'objet de diverses tentatives destinées à les remettre en état ou à en créer de nouvelles, notamment sous les rois mérovingiens et sous Charlemagne. On retrouve en maints endroits, en particulier dans le Nord et le Nord-Est de la France, de grands alignements, parfois signalés par des files d'arbres, et quelquefois grossièrement aménagés encore pour la circulation, qui sont dénommés sur les cartes d'état-major : " chaussée Brunehaut ". Ce sont les vestiges de ces antiques voies de communication.

Pendant le moyen âge, et jusque vers la fin du XVe siècle, les voyages et les transports ne se faisant guère qu'à cheval ou à dos de mulet, les pistes et les sentiers suffisent la plupart du temps à les assurer. La féodalité se désintéresse des routes, qui sont entièrement négligées. Cependant Philippe-Auguste fait paver certaines rues de Paris.

Au XIIIe siècle apparaît le premier essai d'organisation des transports avec les messagers privilégiés de l'Université de Paris. Plus tard, Louis XI institue les postes, et Charles VIII introduit l'usage des coches et des carrosses.

Au XVIe siècle, l'autorité royale, se dégageant de plus en plus de la féodalité, centralise le pouvoir, et, comme l'exercice du commandement et de l'administration nécessite des relations plus fréquentes entre le maître et ses subordonnés, on voit apparaître parmi les préoccupations du Gouvernement celle d'assurer les communications à travers le royaume. Un " Guide des grands chemins ", publié en 1553 par Charles Estienne, accuse déjà une longueur de 25 000 kilomètres.

En 1599, Henri IV crée la charge de Grand Voyer et la confie à son principal collaborateur, Sully, seigneur de Rosny. Celui-ci, entre autres prescriptions, ordonne de planter les grand'routes. C'est de là que provient le nom de " rosnys " que l'on donne encore aujourd'hui en certaines contrées de la France à quelques ormes séculaires plantés au bord des grands chemins, et dont la tradition fait remonter l'origine au grand ministre de Henri IV.

L'édit de 1607, qui définit les attributions du Grand Voyer, constitue un premier Code de la voirie où se manifeste la volonté royale de faire disparaître les " empeschemens " lorsque les " ruës et chemins seront encombrez ou incommodez ". Le roi y fait " deffenses " qu'il ne soit fait " aulcunes saillyes, advences et pans de bois ès rues aulx bastimens neufz ", aucun ouvrage confortatif aux saillies existantes, aucune cave sous les chemins, aucun jet d'eaux et d'ordures dans les rues ; il en-
joint aux " sculteurs, charrons, marchans de bois et tous aultres " de retirer " ce qu'ils tiennent d'ordinaire dans les ruës, comme coches, charrettes, chariots, troncs, pièces de bois... ". L'on voit que l'abandon sur la voie publique de voitures dételées, de dépôts divers, dont nos automobilistes se plaignent si vivement, ne date pas d'hier.

Louis XIII supprima, en 1621, la charge de Grand Voyer de France et décentralisa à nouveau la gestion des grandes routes. Mais bientôt les grands chemins, chaussées, ponts et passages, abandonnés sans entretien, tombèrent en ruine et furent exposés à d'incessantes usurpations. Il fallut, en 1645, rétablir l'office de Grand Voyer.

En 1661, l'avènement de Colbert au Contrôle général des finances vient donner une impulsion nouvelle au développement des voies publiques ; il en confie l'administration à des commissaires spéciaux, et les chemins reçoivent, désormais, des allocations du pouvoir royal. Malgré tout, en dehors des routes qui relient les " maisons royales " entre elles et avec la capitale, les communications dans l'ensemble du territoire restent dangereuses, précaires, parfois impossibles, en raison du mauvais état des chemins. Les mémoires du temps, qui relatent les pérégrinations des personnes de qualité à travers le royaume, abondent en récits d'incidents et d'aventures piquantes ou dramatiques, d'accidents de carrosses, de passages de rivières rendus difficiles par les pluies, etc ...

A suivre ...
 


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C'est du XVIIIe siècle que date en France la véritable organisation de la viabilité. En 1716, est créé le corps des Ponts et Chaussées, qui compte parmi ses membres les d'Ormesson (1716), les deux Trudaine (1743-1769), de Cotte (1777), Chaumont de Millière (1781), Perronet, l'auteur du pont de la Concorde, etc ...

Trésaguet, ingénieur de la Généralité de Limoges, formule pour la première fois des règles précises pour la construction et l'entretien des chaussées. C'est lui qui pose le premier en principe la nécessité d'établir celles-ci sur une solide fondation, principe qui fut, par la suite, perdu de vue, sous l'influence de l'Anglais Mac Adam, au début du XIXe siècle et que nos constructeurs modernes ont, au contraire, remis en honneur.

Des arrêts de 1705 et 1720 ordonnent de tracer les routes en " avenues ", et c'est à leur application que nous devons la plupart des belles routes de notre réseau national. C'est aussi de la fin de l'époque de Louis XIV, et des règnes de Louis XV et de Louis XVI que datent ces imposantes chaussées pavées appelées " Pavé du Roi ", dont nous voyons les vestiges dans diverses parties de l'Ile-de-France, et qui sont devenues aujourd'hui si rudes pour la circulation de nos automobiles, plus douillets et plus fragiles que les carrosses et les chaises de poste de nos aïeux.

En 1776, la longueur des grands chemins atteint 40 000 kilomètres ; un édit ordonne de les classer d'après leur largeur. Sous le Premier Empire, l'organisation de la voirie, un moment troublée par la Révolution, se régularise. Les routes reçoivent une dotation normale sur les fonds publics. Elles sont divisées en trois classes : les deux premières incombent à l'État ; la troisième, moitié à l'État, moitié aux départements.

Sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, on s'applique à remettre les grandes routes en bon état ; mais l'attention est surtout retenue par l'organisation de la voirie vicinale, dont la loi du 21 mai 1836 a établi la charte.

En 1851 et 1852, interviennent les lois et décrets sur la Police du roulage, qui forment encore aujourd'hui la base de la réglementation de notre circulation, base un peu surannée, que va remplacer bientôt, il faut l'espérer, le Code la de route récemment élaboré.

Sous Napoléon III, le développement des chemins de fer enlève une grande partie de son importance à la circulation par voie de terre. Les grandes routes sont négligées. Après 1870, elles sont dans un état lamentable, et les pouvoirs publics s'émeuvent. Le programme de grands travaux publics élaboré en 1878 par M. de Freycinet attribue une prévision de 150 millions de francs à la reconstruction des routes nationales, attribution qui n'a d'ailleurs été réalisée que progressivement et sur une longue période. Par contre, les chemins vicinaux se développent considérablement, grâce à l'aide financière très large que l'Etat accorde aux départements et aux communes. L'accroissement du réseau vicinal sous la troisième République a été d'environ 45 %.

Les chemins vicinaux ont même été tellement en faveur que l'on agita un instant la question de supprimer les routes nationales pour les incorporer dans la vicinalité. Le Gouvernement, fort heureusement, s'opposa à cette mesure, et il fut bien inspiré, car l'apparition de la locomotion automobile devait bientôt renverser les rôles et rendre aux routes nationales leur importance de jadis, singulièrement accrue.

A l'heure actuelle, après le retour de l'Alsace et de la Lorraine à la France, le réseau des routes nationales est d'environ 40 000 kilomètres: l'ensemble des chemins départementaux, vicinaux et communaux offre un développement de 600 000 kilomètres en nombres ronds.

A suivre ...
 


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A partir de 1900, il devint évident que la locomotion nouvelle, sortant de la période d'essais et de tâtonnements, allait s'emparer de la route, et que l'automobilisme, cessant d'être exclusivement un objet de luxe ou de curiosité, deviendrait l'élément principal du tourisme d'abord, des relations et des transports rapides ensuite. C'est vers cette même époque que furent organisées les premières grandes épreuves automobiles sur routes, telles que la Course de Paris-Bordeaux, que devaient suivre celles du Circuit de la Sarthe, du Circuit de Picardie, des Circuits de Dieppe, etc ... pour ne parler que de la France.

En 1908, M. Louis Barthou, alors ministre des Travaux publics, jugeant que la route et la locomotion entraient désormais dans une phase nouvelle, réunit à Paris en un Congrès international, usagers et
constructeurs, automobilistes, touristes et ingénieurs ; et leur demanda de chercher en commun les solutions nouvelles qui devaient convenir aux uns et aux autres.

D'ores et déjà il s'avérait, en effet, que les vieilles chaussées de nos pères, bien adaptées à la circulation des diligences et brusquement réveillées du sommeil où les avait plongées la création des chemins de fer, allaient être soumises à un rude effort de la part du nouvel engin de locomotion. Un cri d'alarme avait été jeté par les ingénieurs de tous les pays civilisés à la vue des effets du passage des autos rapides sur les bons vieux empierrements : râpage, limage du sol, soulèvement d'une poussière folle, décollement des matériaux arrachés et dispersés, etc ... en un mot, destruction accélérée de la chaussée et, par contrecoup, destruction non moins rapide des véhicule ...

P. Le Gavrian
 


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